La Maison de la sagesse de Sharjah, bien plus qu'une bibliothèque

La première chose qui frappe dans la Maison de la sagesse est son toit flottant en porte-à-faux de 15 mètres de large - PHOTO/ANTONIA CORTÉS
Sur une longue route droite, bordée de palmiers, en direction de la cité universitaire et de l'aéroport, un bâtiment moderne et spectaculaire se dessine. Il s'agit de la Maison de la sagesse de Sharjah (Émirats arabes unis)
  1. Le pouvoir des livres
  2. Un aperçu de l'avenir
  3. Reliure et impression

Sharjah est le troisième plus grand des sept Émirats arabes unis, et peut-être le premier si l'on parle de culture, du moins c'est ce que l'on prétend. La Maison de la sagesse est un nouvel exemple de la quête de prestige culturel de Sharjah. Joyau architectural portant l'empreinte du célèbre studio Foster-Partners, elle n'a même pas cinq ans. 

De loin, la première chose qui attire l'attention est son toit flottant en porte-à-faux de 15 mètres de large et sa façade entièrement vitrée. Un verre qui s'opacifie selon le goût, le moment où le besoin de clarté du moment. Soleil et ombre dans un jeu de lumière magique qui invite à entrer pour découvrir ce qui se cache dans les différents recoins de ce bâtiment de deux étages, outre les plus de cent mille livres qui gardent ses étagères. Un trésor de plus à ajouter aux avantages offerts par la numérisation. 

Modernité et tradition s'entremêlent, dans le regard, dans ces livres qui renferment tant de connaissances. Un hier imprimé dans de nombreuses langues qui remplissent le lieu de richesse et captent le regard de ceux qui viennent à la Maison de la Sagesse ; et un aujourd'hui qui ne résiste pas à la technologie, qui embrasse ce monde numérisé qui en quelques secondes vous fait chercher et vous donne des réponses, qui vous montre des magazines, des journaux, des documents en un clin d'œil. Une fusion qui nous fait penser que le traditionnel n'est peut-être pas tant en contradiction avec le progrès, l'ancien avec le progrès. Le passé et le présent s'embrassent pour nous montrer demain.

La sculpture de l'artiste Gerry Judah fait référence aux anciens rouleaux arabes et vise à montrer l'amour de la lecture et le pouvoir des livres en tant que symbole d'unité - PHOTO/ANTONIA CORTÉS

En entrant dans la Maison de la sagesse, et après avoir laissé derrière soi la pelouse verte, il est impossible de ne pas s'arrêter pour regarder de tous les côtés. Des secondes de silence pour laisser le regard s'attarder sur les détails, les lumières, l'espace, l'architecture, la nature, la créativité... Et les sens explosent. L'espace vous conquiert, son amplitude, sa hauteur, ses escaliers, son style épuré où se logent la culture, l'intelligence et la passion de l'écriture. Se perdre, c'est l'un des désirs qui vous traverse l'esprit lorsque vous entrez dans cette belle bibliothèque ; vous aimeriez aussi pouvoir arrêter le temps pour que chaque instant soit le vôtre, sans limite, sans précipitation. S'imprégner de tant de connaissances, de tant de solitude désirée dans cette atmosphère silencieuse. 

Nous regardons et il semble qu'ils nous regardent aussi. C'est l'image du mathématicien et astronome persan Mohamed ben Musa al Khawarizmi qui, vers 820, dirigeait la Maison de la Sagesse à Bagdad, un temple culturel que l'on a comparé à la Bibliothèque d'Alexandrie et qui a été détruit en 1258 par les Mongols. Considéré comme le père de l'algèbre, on doit à Al Khawarizmi les désormais si récurrents algorithmes, puisqu'en latinisant son nom il est devenu Algorithmi, ainsi que la numération telle que nous la connaissons, puisque ses études dans ce domaine ont contribué au remplacement des chiffres romains par les chiffres arabes en Occident au XIIe siècle. Et il est là pour nous accueillir dans ce grand centre culturel, pour nous inviter à une curieuse promenade où l'art, l'imagination, l'intellectualité et la vie vont de pair, enveloppés de savoir. 

Au centre, une cour intérieure entourée de plantes vous invite au silence et à la lecture - PHOTO/ANTONIA CORTÉS

Le pouvoir des livres

Au centre, une petite cour a été conçue, pleine de lumière et de plantes, où l'on respire la sérénité, où les heures se cachent dans tous les coins pendant que l'on savoure une bonne lecture. Autour, il y a deux jardins : le jardin dit de la connaissance dans lequel se détache une belle sculpture blanche en spirale d'une hauteur de trente-six mètres et demi appelée The Scroll, œuvre de l'artiste d'origine indo-britannique Gerry Judah ; et un second jardin dont la beauté est le protagoniste de ses jets d'eau en ligne. 

On dit que la sculpture de Gerry Judah fait allusion aux anciens rouleaux arabes et qu'elle est destinée à montrer l'amour de la lecture et le pouvoir des livres en tant que symbole d'unité. Et si cet émirat, Sharjah, est célèbre, non seulement dans le reste des émirats, mais dans tout le monde arabe, c'est précisément pour sa détermination à être connu comme le grand centre de la culture, une course vers le but qu'il est en train d'atteindre avec de nombreux triomphes en cours de route et avec la somme de nombreux efforts. 

Dans ce magnifique bâtiment, vous trouverez différents espaces de lecture et d'étude - PHOTO/ANTONIA CORTÉS

Son engagement est fort et convaincant, comme en témoignent les investissements réalisés dans le domaine culturel, les plus de vingt musées que l'on peut visiter à Sharjah, du Musée du patrimoine au Musée de la calligraphie et au Musée de la civilisation islamique, et les événements et activités organisés, tels que la Foire d'art contemporain, la Foire internationale du livre, la Foire de la lecture pour enfants, le Festival international du film pour les enfants et les jeunes, le Festival des arts islamiques... Il n'est pas exagéré de dire que l'air que l'on respire a une odeur de culture. 

Les efforts de cet émirat, gouverné par la famille Al Qasimi, ont sans doute été récompensés, puisqu'il peut se targuer de trois titres prestigieux : Capitale culturelle du monde arabe (1988), Capitale de la culture islamique par l'UNESCO (2014) et Capitale mondiale du livre par l'UNESCO (2019). C'est précisément en recevant ce dernier titre que le souverain de Sharjah, le cheikh Dr Sultan bin Mohamed al Qasimi, a imaginé la Maison de la sagesse et commandé sa construction pour qu'elle soit "l'héritage vivant" de ce titre important. 

Un aperçu de l'avenir

Mais continuons à nous promener dans cette bibliothèque, située à dix kilomètres de la ville, qui ne se limite pas à être un simple lieu d'étude et de consultation de livres, mais un coin intéressant où l'on peut apprendre, étudier, faire des recherches, assister à des événements très divers, tenir des réunions, participer à des ateliers, profiter d'expositions, prier, échanger des idées ou apprendre des langues comme le japonais ou même l'espagnol, une initiative lancée l'été dernier avec l'Université catholique de Murcie, des cours présentés sous le nom de "Entretiens sur la sagesse". 

Le rouleau, de l'artiste indo-britannique Gerry Judah - PHOTO/ANTONIA CORTÉS

L'émirat a également un autre grand objectif : l'éducation des enfants et des jeunes, car ils sont la génération de l'avenir et doivent être non seulement très bien préparés, mais aussi réfléchis. C'est pourquoi ils sont au centre de nombreuses attractions et initiatives importantes. Mais l'aspiration est encore plus grande, car pour reprendre les mots de Marwa Al Alqroubi, alors directrice exécutive de la Maison de la sagesse, l'objectif est également de "donner aux générations successives les moyens de devenir des citoyens du monde capables de jeter des ponts pour créer un monde harmonieux et de partager la richesse de notre culture arabe avec ceux qu'ils rencontreront au cours de leur voyage". Voyageons donc et échangeons des liens culturels. 

En se promenant dans ce curieux bâtiment de 12 000 mètres carrés, on découvre des coins et des recoins intéressants. En montant à l'étage, nous trouvons une partie du bâtiment réservée aux femmes, le Diwan des femmes. Le silence y règne, comme presque partout dans ce lieu particulier. De nombreuses jeunes femmes y lisent tranquillement, d'autres en profitent pour étudier. C'est peut-être pour cela que l'appareil photo ne passe pas inaperçu et que certaines d'entre elles nous demandent gentiment de ne pas le sortir. Demande acceptée. 

Ce centre abrite des milliers et des milliers de livres sur ses étagères - PHOTO/ANTONIA CORTÉS

À l'étage, il y a aussi des espaces d'exposition, comme une présentation de livres illustrés de plusieurs pays, des salles de repos, des espaces de rencontre et, bien sûr, un lieu de prière. La majorité des Émiratis étant de confession musulmane, ils doivent consacrer quelques minutes à la prière cinq fois par jour. Il est magnifique d'entendre l'appel à la prière lancé par les minarets des mosquées lorsque l'on se trouve dans la rue. Regarder les gens avec leurs tapis sous le bras se précipiter vers la mosquée la plus proche où ils laissent leurs chaussures à l'entrée.

Le temps de prier et le temps de prendre un café ou de manger à la cafétéria, une autre partie de cet espace culturel qui, il va sans dire, n'oublie pas les petits pour lesquels ils ont également conçu des espaces concrets, confortables et amusants où ils peuvent lire et profiter de ces ateliers dans lesquels ils peuvent apprendre et développer les compétences qui les aideront dans un avenir proche à construire un monde meilleur.

Reliure et impression

Mais la Maison de la sagesse de Sharjah est bien plus que cela. Elle dispose également d'une petite salle avec ses machines de reliure et d'impression, la salle d'impression et d'emballage des livres, où les utilisateurs peuvent publier leurs propres livres ou d'autres livres numériques si la bibliothèque elle-même les y autorise. Et comme nous avons déjà dit que le traditionnel rencontre le moderne, il y a aussi les dernières technologies en matière d'impression 3D et de découpe au laser, matériel que l'on retrouve dans le laboratoire Al-Jazari pour les projets innovants. 

Il ne faut pas non plus oublier l'espace dédié à la collection de livres rares et autres joyaux littéraires soigneusement gardés, comme la bibliothèque de l'historien germano-américain spécialiste de l'art islamique Richard Ettinghausen, une collection privée acquise par le Dr Sultan bin Mohamed al-Qasimi et ensuite donnée à la Maison de la sagesse.

La Maison de la sagesse abrite la bibliothèque de l'historien germano-américain de l'art islamique Richard Ettinghausen - PHOTO/ANTONIA CORTÉS

Bibliothèques, longs couloirs, coins et recoins, grandes fenêtres, plantes, sièges au mur, points de lecture uniques, ces escaliers... Un dernier regard sur cette belle Maison de la sagesse, sur la symbolique qu'elle contient, sur les trésors qu'elle renferme, sur l'énergie positive que l'on y ressent, sur ses étagères sans frontières remplies de mots, sur la lumière qui y pénètre de toutes parts, sur la paix qui s'installe dans cette cour intérieure, sur ces sièges individuels si discrets et solitaires avec ces vues sur la sculpture de Gerry Judah... Un dernier regard pour s'imprégner de la connaissance, pour prendre un peu de sa sérénité et de sa beauté.