« Nous étions les seuls à couvrir la guerre (2024) » : un témoignage de résistance et de mémoire
- Un récit personnel et humain
- Des voix contre le silence
- Plus qu'un témoignage de guerre
- La mémoire comme résistance
Dans un contexte médiatique saturé d'informations superficielles et de fast news, « Nous étions les seuls à couvrir la guerre... Témoignages de journalistes de la bande de Gaza et de Cisjordanie (2024) » n'est pas un simple rapport sur les événements de Gaza pendant la guerre de 2023, mais un témoignage poignant des expériences des journalistes palestiniens qui étaient en première ligne de la couverture dans des conditions extrêmes.
Publié par l'Aljazeera Media Institute, ce livre documente les expériences de 16 journalistes palestiniens au cours de leur couverture de la guerre à Gaza. À travers leurs récits, les auteurs proposent un précieux exercice de mémoire collective, un effort pour préserver la vérité d'événements qui risquent d'être oubliés ou manipulés par l'histoire.
Un récit personnel et humain
Le livre comprend les témoignages de 16 journalistes qui représentent la voix des journalistes palestiniens qui ont affronté la guerre seuls, après que les autorités d'occupation ont fermé la bande de Gaza à la presse internationale et que les organisations internationales les ont ignorés.
Le livre relate des détails que le lecteur découvrira pour la première fois. Il s'agit d'une série de témoignages de journalistes qui, pendant la guerre, n'ont pas seulement rapporté les faits, mais ont également vécu de près les difficultés du conflit.
Ces voix sont celles de personnes qui ont été confrontées à une réalité brutale, marquée par la violence et l'incertitude, et dont la mission était de continuer à rendre compte de la situation sur le terrain, malgré l'adversité. Plutôt que de suivre une structure académique ou stylistique, ces récits émergent d'un besoin urgent de communiquer la réalité, de ne pas laisser le souvenir s'estomper. Ainsi, comme l'explique le livre dans son introduction, la raison de la compilation de ces témoignages était d'empêcher que l'histoire de ce qui s'est passé ne se perde.
Les journalistes palestiniens qui ont participé à la compilation de ces récits ont dû faire face à une couverture médiatique internationale limitée, alors que le monde semblait avoir tourné le dos à Gaza. En ce sens, « Nous étions les seuls à couvrir la guerre » devient un cri qui défie l'oubli et cherche à préserver la mémoire historique d'événements qui ont marqué toute une génération.
Des voix contre le silence
Au fil des pages de ce livre, on retrouve non seulement les voix des 16 journalistes (Hisham Zaqout, Lama Khater, Maram Hamid, Amir Abu Arram, entre autres) en tant que témoins de ce qui s'est passé, mais aussi en tant qu'acteurs qui ont défié la désinformation et la censure.
Ces récits ne sont pas de simples descriptions de la violence vécue, mais une forme de résistance : « Écrire sur la tragédie, c'est résister ». En racontant leur histoire, les journalistes ne se contentent pas de documenter ce qui s'est passé, ils s'opposent aussi à la tentative d'effacement.
Chaque témoignage de « Nous étions les seuls à couvrir la guerre » rappelle la dignité humaine face à l'adversité. On y trouve des histoires de mères cherchant leurs enfants dans les décombres, de journalistes qui ont affronté le danger et failli perdre la vie, d'hommes et de femmes qui, bien qu'ayant tout perdu, se sont accrochés à la nécessité de raconter leur histoire.
Ce travail reflète les choix difficiles que les journalistes ont dû faire, confrontés à un dilemme constant entre la nécessité de rendre compte et celle de survivre dans un environnement extrêmement dangereux.
Plus qu'un témoignage de guerre
Bien que « Nous étions les seuls à couvrir la guerre » aurait pu être réduit à un simple rapport sur la violence à Gaza, ce qui en fait un livre unique, c'est l'humanité et la bravoure qui se dégagent de ses pages.
Les récits ne se limitent pas à une liste de faits, mais plongent dans les émotions et les expériences personnelles de ceux qui ont vécu la tragédie. À travers leurs mots, nous pouvons voir les traces indélébiles d'un conflit qui n'a pas seulement marqué la terre de Gaza, mais tous ceux qui, comme les journalistes, ont été témoins et acteurs de l'histoire.
Ce livre est une pièce essentielle pour comprendre la guerre de Gaza du point de vue de ceux qui l'ont couverte, mais aussi pour réfléchir au rôle fondamental du journalisme en temps de crise. Dans un monde où la vérité est souvent déformée ou passée sous silence, « Nous étions les seuls à couvrir la guerre » est un appel à la réflexion et un rappel de l'importance de la mémoire historique.
La mémoire comme résistance
En définitive, ce livre ne se contente pas de dénoncer les horreurs de la guerre, il revendique aussi la mémoire comme une forme de résistance à l'oubli et à la désinformation. Comme les auteurs le mentionnent eux-mêmes dans l'introduction, si la justice mondiale était équitable, ce livre pourrait être considéré comme une pièce cruciale dans le bilan historique des responsables de la violence. Cependant, même si la justice semble lointaine, les témoignages contenus dans ce livre garantissent que la vérité ne s'effacera pas, que la douleur vécue par les journalistes et les victimes ne sera pas oubliée et que les générations futures connaîtront la réalité de ce qui s'est passé.
« Nous étions les seuls à couvrir la guerre » est bien plus qu'un simple témoignage de guerre. C'est un témoignage de résistance, un engagement pour la mémoire historique et une réflexion sur le rôle fondamental du journalisme dans la préservation de la vérité. En offrant une vision de première main de l'expérience des journalistes palestiniens pendant l'un des moments les plus difficiles de l'histoire récente de Gaza, ce livre est un acte de courage et de détermination, une leçon d'humanité en temps de conflit.
Ce livre est une lecture essentielle pour ceux qui cherchent à comprendre les nuances de la guerre à Gaza, l'impact sur les journalistes qui l'ont couverte et la valeur de la mémoire collective dans la lutte pour la justice.
Lors de la cérémonie de lancement du livre à Doha, à laquelle ont assisté plusieurs journalistes du réseau Al Jazeera, la directrice de l'institut, Iman Al-Amiri, a souhaité la bienvenue aux participants et a décrit le livre comme un ouvrage d'une qualité sans précédent. Elle a salué les efforts de l'équipe de rédaction et d'édition, en particulier Mohammed Ahadad et Mohammed Zidan, pour avoir édité et documenté les témoignages d'une sélection de journalistes qui ont fait connaître au monde entier les atrocités de la guerre de Gaza, en étant témoins de massacres, de tueries et de famine, ainsi que de leurs propres difficultés liées à la perte d'êtres chers et au déplacement de leurs maisons. Al-Amiri a également révélé qu'il était prévu de traduire le livre en plusieurs langues dans un avenir proche.
Pour sa part, Mohammed Ahadad, l'éditeur du livre, a souligné que ces témoignages ne sont pas simplement des récits éphémères, mais des documents historiques enregistrés pour les générations futures. Il a souligné que le livre démonte les récits simplifiés qui lient la guerre à un seul événement et met l'accent sur la profondeur de la tragédie palestinienne.