Selon le dernier rapport de la CNUCED, l’Afrique, de par l’abondance de ses ressources et l’expansion de son marché de consommation, pourrait devenir une destination manufacturière de premier plan dans le secteur de la technologie ainsi qu’un acteur majeur des chaînes d’approvisionnement mondiales

L’instabilité du marché économique élargit les opportunités de l’Afrique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale

AFP/FADEL SENNA - Línea de montaje de automóviles en la planta de montaje de automóviles PSA de Kenitra

À la mi-août, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a publié son rapport sur l'économie en Afrique intitulé « Les chaînes d'approvisionnement mondiales à forte intensité technologique : le potentiel de l'Afrique ». Ce rapport a pour objectif de mettre « en évidence les possibilités qui s’offrent à l’Afrique de mieux s’intégrer dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, en contribuant à la diversification de ces chaînes dans les secteurs à forte intensité de connaissances et de technologie ».

« Avec des ressources abondantes et un marché de consommation en croissance, l'Afrique pourrait devenir une destination manufacturière de premier plan pour les industries à forte intensité technologique et un maillon clé des chaînes d'approvisionnement mondiales », a déclaré la secrétaire générale de la CNUCED, Rebecca Grynspan.

Pendant plusieurs décennies, les marchés africains n’ont pas contribué de manière significative à l’économie mondiale. Cependant, l'émergence d'une concurrence entre les grands pays, menée par la Chine, les États-Unis, la France, l'Allemagne et plus récemment la Russie, rend les investissements en Afrique plus attrayants. Dans une atmosphère troublée par les turbulences commerciales, les événements géopolitiques et l'incertitude économique, l’Afrique dispose d’un atout considérable pour attirer les investisseurs sur le continent et développer son économie : ses sous-sols.

PHOTO/UNCTAD Photo/Tim Sullivan - Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED, lors de la conférence de presse de la première partie du Rapport sur le commerce et le développement 2021

elon l’organisation onusienne, les pays du continent africain peuvent devenir des acteurs majeurs des chaînes d'approvisionnement mondiales en exploitant leurs vastes ressources. « L'abondance de minéraux importants en Afrique, notamment l'aluminium, le cobalt, le cuivre, le lithium et le manganèse, des ingrédients vitaux dans les industries à forte intensité technologique, positionne le continent comme une destination attrayante pour l'industrie », a affirmé Rebecca Grynspan.

Selon le média français les Échos, l'agence spécialisée de l'ONU explique que l'abondance des ressources indispensables à la technologie mondiale sur le continent et l'essor d'un marché de consommation local font de l'Afrique une géographie pertinente pour implanter des unités de production, notamment en ce qui concerne les pièces automobiles, les batteries de smartphones, les médicaments de base ou encore les cellules photovoltaïques.

À titre d’exemple, le secteur automobile a été gravement touché par les crises de la chaîne d'approvisionnement, particulièrement lors de la pandémie de coronavirus. Aujourd’hui, la production de voitures neuves reste faible, représentant environ 1,2 % du volume des échanges mondiaux. En Afrique, l’industrie automobile est dominée par l'Afrique du Sud, le Maroc, l'Algérie et l'Égypte.

De la même manière, le besoin de diversification dans l’industrie du smartphone rend l’Afrique davantage attrayante pour les investisseurs. Le rapport note que la plupart des métaux et matériaux utilisés dans la fabrication des smartphones peuvent être extraits en Afrique (cobalt, cuivre, graphite, lithium, magnésium et nickel). L'industrie pharmaceutique, quant à elle, est principalement axée sur les médicaments génériques, qui se caractérisent par un processus de production simple et limité pour les principes actifs.

La forte demande en énergie renouvelable pousse également les industries énergétiques vers l’Afrique. Le média Al-Arab news estime qu'entre 2000 et 2020, le volume des investissements dans le secteur de l'énergie propre en Afrique a augmenté à un taux annuel pouvant atteindre 96 %, grâce au vaste potentiel de la région en matière d'énergie solaire. Cependant, la CNUCED a averti que le continent souffre d'un déficit d'investissement, car il reçoit environ 2 % du volume des investissements mondiaux dans le secteur des énergies renouvelables. En effet, la production de panneaux solaires photovoltaïques est limitée, avec quelques opportunités émergentes en Égypte, au Maroc et en Afrique du Sud.

Aujourd’hui, l'Afrique a besoin de plus d'investissements dans les énergies renouvelables pour combler l'important déficit et s'attaquer aux autres obstacles à la fabrication de panneaux solaires sur le continent. En outre, l’un des principaux obstacles du continent concerne son manque d’infrastructures appropriées au bon déroulement de la chaîne d’approvisionnement. Si plusieurs mesures et initiatives ont été prises, à l’instar du Programme de développement des infrastructures en Afrique établi par l’Union africaine, elles restent conditionnées à une augmentation des investissements étrangers sur le continent.
 

Selon le rapport de la CNUCED, dix-sept pays africains, dont l'Angola, le Botswana, le Ghana et l'Afrique du Sud, ont déjà mis en œuvre des réglementations sur le contenu local afin de soutenir la croissance des chaînes d'approvisionnement locales, de favoriser le transfert de technologies, de créer des emplois et d'apporter une valeur ajoutée à l'intérieur de leurs frontières.

En effet, la création d'un environnement propice aux industries à forte intensité technologique permettrait une augmentation des salaires sur le continent, actuellement fixés à un minimum de 220 dollars par mois, contre une moyenne de 668 dollars dans les Amériques. De plus, une intégration plus poussée dans les chaînes d'approvisionnement mondiales permettrait également de diversifier les économies africaines et de renforcer leur résistance aux chocs futurs. Enfin, l'expansion des chaînes d'approvisionnement en énergie en Afrique est également une occasion d'accélérer l'action climatique.

Le continent africain dispose également d’un autre atout, celui de sa démographie. Dès 2030, un consommateur sur cinq dans le monde résidera en Afrique ; un sur quatre en 2050. Ces jeunes populations sont de plus en plus attirées par la technologie et accélèrent leurs dépenses : environ 2 100 milliards de dollars attendus en 2025 selon la CNUCED, contre 1 400 milliards dix ans plus tôt.

Le rapport estime que la valeur du marché africain du financement des chaînes d'approvisionnement a augmenté de 40 % entre 2021 et 2022, atteignant 41 milliards de dollars. Toutefois, cela ne suffit pas.

Selon l’organisation onusienne, le continent peut mobiliser davantage de fonds en éliminant les obstacles au financement des chaînes d'approvisionnement, notamment les défis réglementaires, la perception des risques élevés et l'insuffisance de renseignements en matière de crédits. Elle souligne également la nécessité d'un allègement de la dette pour offrir aux pays africains une marge de manœuvre budgétaire leur permettant d'investir dans le renforcement de leurs chaînes d'approvisionnement.

En effet, l’Afrique continue aujourd’hui de payer en moyenne quatre fois plus pour emprunter que les États-Unis et huit fois plus que les économies européennes.