La société libyenne craint les conséquences du clivage entre Fathi Bashagha, ancien ministre de l'intérieur du GNA, et Fayez Sarraj, premier ministre de ce gouvernement

Les banques centrales turque et libyenne renforcent leur partenariat avec l'accord économique

PHOTO - Les banques centrales de Libye et de Turquie ont signé lundi un protocole d'accord fixant les conditions de la poursuite de la coopération dans les secteurs économique et financier

L'argent et le pouvoir ont le moyen de faire bouger et de paralyser le monde. Les banques centrales de Libye et de Turquie ont mis en scène ce dicton populaire avec la signature lundi d'un protocole d'accord (MoU) définissant les termes de la coopération dans certains secteurs économiques et financiers. « Les banques mèneront des activités visant à promouvoir les relations économiques bilatérales et à renforcer la coopération financière et le travail commun dans les services de banque centrale entre les deux pays », a souligné une déclaration publiée par l'institution turque.

Le gouverneur de la Banque centrale de Libye, al-Sadiq al-Kabir, a signé cet accord avec la Banque centrale de Turquie, quelques jours après la visite en Turquie de Fathi Bashagha, ancien ministre de l'intérieur du gouvernement d'entente nationale, et de Khaled al-Mishri, chef du Conseil d'État libyen. La séparation entre le premier ministre du Gouvernement d'accord national (GNA, par son acronyme en anglais) et Fathi Bashagha pourrait ouvrir de vieilles blessures au sein de la milice de Tripoli. Sarraj a décidé de limoger le ministre libyen de l'intérieur après que des dizaines de personnes soient descendues dans la rue pour protester contre la situation dans ce pays d'Afrique du Nord, une région dévastée par la guerre depuis 2011. 

Le voyage de Fathi Bashagha au pays du Bosphore a eu lieu au milieu de la crise croissante entre cet homme politique et Sarraj. Le communiqué publié par la Banque centrale de Turquie précise que, dans le cadre de ce protocole d'accord, il est prévu de lancer des activités susceptibles de dynamiser les relations économiques, ainsi que d'améliorer la coopération financière entre les deux pays. Cependant, ce rapprochement entre les deux nations n'a pas convaincu la société libyenne, qui craint les conséquences des différences entre Bachagha et Sarraj.

Le vendredi 28 août, Fayez Sarraj a annoncé qu'il avait limogé le ministre de l'Intérieur, affirmant que ce dernier avait accordé des autorisations aux manifestants pour organiser des manifestations contre le pouvoir. La tension est montée ces dernières semaines, après que Fathi Bashagha ait été accusé de préparer un coup d'État contre Sarraj en profitant de la colère du peuple contre le gouvernement après plus de neuf ans de guerre.  

Le désespoir et la détresse ont déchaîné la colère la semaine dernière à Tripoli, la capitale libyenne. Les manifestants veulent des réponses à la présence croissante de mercenaires étrangers sur le territoire, ainsi qu'au manque d'approvisionnement, comme l'eau ou l'électricité. L'ancien ambassadeur libyen aux Emirats Arabes Unis et leader du Bloc de la renaissance libyenne, Aref al-Nayedh, a déclaré à Arab News qu' « il semble que l'alliance entre le chef de la Banque centrale de Turquie, Bashagha, et les chefs des finances à Misrata travaille à recruter les Turcs pour intimider Sarraj, et cet accord fait partie du prix qu'ils doivent payer ».

Un jour après que Sarraj ait publié un décret pour suspendre Bashagha pour sa responsabilité présumée dans l'usage de la force contre les manifestants, l'ancien ministre de l'intérieur est arrivé dans la capitale, Tripoli, en provenance de Turquie, où il était en visite officielle pendant plusieurs jours, selon le journal mentionné ci-dessus. 

Cette annonce intervient après que le gouverneur de la Banque centrale de Libye (CBL, par son acronyme en anglais), Al-Siddiq Al-Kabir, se soit rendu dans la ville turque d'Istanbul le 29 juin pour rencontrer Erdogan. Il a également eu des entretiens avec son homologue turc, Murat Uysal, et le ministre turc des finances et du trésor, Berat Albayrak. Au cours de ces réunions, ils ont « examiné des questions d'intérêt mutuel », comme le rapporte une brève déclaration du service de presse de CBL.

Ankara a joué un rôle clé dans le conflit qui sévit au sein de la nation nord-africaine suite à l'accord signé en novembre dernier entre la Turquie et le gouvernement d'accord national (GNA) basé à Tripoli et dirigé par Fayez Sarraj. Lors de cette réunion, le pays du Bosphore et le GNA ont signé deux protocoles d'accord pour la coopération sur les frontières maritimes, ainsi que dans le domaine de la défense, un accord qui a ouvert de vieilles blessures en Méditerranée orientale. Dans le cadre de cet accord, le pays présidé par Erdogan a intensifié sa présence en Libye, en envoyant des centaines de mercenaires et des dizaines de cargaisons de matériel militaire qui ont servi à gonfler les rangs des milices du GNA. 

La Libye est victime d'une guerre de légitimation à laquelle est confrontée l'Armée nationale libyenne (LNA, par son acronyme en anglais), dirigée par le général Khalifa Haftar, qui depuis avril 2019 tente d'étendre son pouvoir dans les régions qui sont toujours aux mains du Gouvernement d'entente nationale (GNA). Haftar est soutenu par la Jordanie, l'Arabie Saoudite, l'Egypte, les Emirats Arabes Unis, le Soudan, la Russie et la France ; tandis que le gouvernement de Tripoli, soutenu par les Frères musulmans et reconnu internationalement par les Nations Unies ou l'Italie, reçoit une aide militaire de la Turquie et du Qatar.