L'ONU estime que la politique budgétaire doit jouer un rôle central dans l'atténuation de la crise sociale et économique créée par la pandémie

L'évasion fiscale en Amérique latine: un obstacle à la relance après la crise du coronavirus

FAO/MAX VALENCIA - Le principal marché de gros du Chili, Lo Valledor, pendant la pandémie COVID-19

La politique fiscale doit jouer un rôle central dans l'atténuation de la crise sociale et économique créée par la pandémie et fournir l'impulsion nécessaire pour parvenir à une relance de l'activité économique afin de guider l'Amérique latine vers un développement durable et inclusif dans un monde post-COVID-19, déclare la Commission économique des Nations unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes dans son Panorama fiscal de l'Amérique latine et des Caraïbes 2020.

Selon le rapport, la pandémie a mis en évidence les lacunes des systèmes de protection sociale, tant sur le marché du travail que dans les systèmes de sécurité sociale, ainsi que l'offre extrêmement limitée de biens et de services publics de qualité.

Par conséquent, l'Amérique latine doit accélérer la transition vers des États de protection sociale qui garantissent de meilleures conditions de vie pour tous et constituent une base solide pour le développement durable en réduisant les inégalités, en renforçant les systèmes de protection sociale - y compris l'adoption d'un revenu de base universel - et en offrant des systèmes d'éducation et de santé de qualité, ainsi que des régimes de retraite de qualité, souligne le rapport.

À cet égard, la politique fiscale devrait contribuer à la réalisation de ces objectifs grâce à un système fiscal progressif et efficace et à des dépenses publiques efficaces et équitables qui donnent la priorité à la satisfaction des besoins des sociétés de la région.

Le rôle de la politique fiscale 

Le rapport analyse la réponse budgétaire des pays de la région à la crise humaine et économique causée par la maladie du coronavirus et souligne la rapidité avec laquelle les pays ont réagi à la crise en adoptant des mesures budgétaires qui représentent, en moyenne, 3,2 % du produit intérieur brut (PIB) des pays d'Amérique latine.

Ces mesures comprennent des mesures de dépenses publiques, des allégements fiscaux et un soutien de liquidité soutenus par les gouvernements de la région. Toutefois, le rapport note que la gestion de la politique budgétaire est actuellement compliquée par un environnement macroéconomique défavorable et très incertain. 

"En plus des augmentations de la dette publique observées au cours de la dernière décennie, en raison de la pandémie, les pays sont confrontés à des baisses de recettes fiscales en raison de la contraction de l'activité économique et de la baisse des prix des produits de base, alors que les besoins en dépenses augmentent rapidement pour atténuer les effets sociaux et économiques de la pandémie", notent les experts de la Commission.

Dans ce contexte, "il est important de noter que l'un des principaux obstacles à une plus grande mobilisation des ressources intérieures dans la région est le niveau élevé d'évasion fiscale", indique le rapport. Selon les dernières notifications de la Commission économique des Nations unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes, l'évasion fiscale s'élevait à 325 milliards de dollars en 2018, soit 6,1 % du produit intérieur brut.

Nouvelles taxes ou modification des taxes actuelles 

La fraude à l'impôt sur les sociétés est particulièrement aiguë dans la région. Les systèmes fiscaux de certains pays génèrent moins de 50 % des revenus de cet impôt qu'ils sont censés le faire, ce qui se traduit par des écarts fiscaux compris entre 0,7 % et 5,3 % du PIB.

En réponse à ce défi, les pays de la région développent une série d'actions et d'innovations pour limiter les possibilités d'évasion fiscale et ainsi favoriser la mobilisation des ressources intérieures pour financer les objectifs de développement durable de l'Agenda 2030, ajoute le rapport.

"Toutefois, ces mesures doivent être renforcées afin de générer des financements nationaux pour faire face aux défis à moyen terme posés par la pandémie", ajoutent-ils. "Si l'augmentation des dépenses s'accompagne de nouvelles taxes ou de modifications des taux actuels, les recettes pourraient être augmentées. En revanche, si l'on utilise la dette, la modification du niveau des dépenses n'entraîne pas de changement dans les recettes perçues à court terme.

L'impact de COVID-19 sur de nombreux aspects économiques et sociaux rend plus pertinente l'action de l'Etat à travers la politique fiscale en général et les programmes de dépenses publiques en particulier, souligne la publication. Entre 2000 et 2018, la croissance des dépenses publiques en Amérique latine est due à l'augmentation des dépenses en matière de politiques sociales. En particulier, les dépenses de santé, d'éducation et de protection sociale sont passées de 1,5 %, 2,9 % et 3,2 % du PIB en 2000 à 2,3 %, 3,9 % et 4,0 % du PIB en 2018, respectivement.

Cependant, comme le montrent les effets sociaux de la pandémie, ces niveaux de dépenses sont insuffisants pour répondre aux demandes sociales auxquelles sont confrontés les pays de la région et pour fournir des biens et des services publics de qualité. En outre, le rapport indique que la politique d'assainissement budgétaire menée ces dernières années a réduit la croissance des dépenses sociales et a entraîné une contraction des dépenses d'investissement, notamment celles liées aux transports. Selon la Commission, dans la mesure où la région surmonte l'imprévu sanitaire, une opportunité s'ouvrira pour reconstruire une meilleure réalité pour les pays de la région, avec des sociétés plus inclusives et égalitaires.