Le prix élevé du pétrole en Turquie inquiète les autres marchés émergents
Le gouvernement turc a investi des milliards de dollars ces dernières semaines pour protéger la lire de la flambée des prix du pétrole. Malgré cela, la monnaie turque a connu la cinquième plus forte dépréciation parmi les différents marchés émergents.
Sa politique flexible a fait grimper le prix des dépenses de cette ressource. La Turquie a beaucoup d'enjeux car elle importe la quasi-totalité du pétrole et du gaz naturel qu'elle consomme. Plusieurs économies importatrices d'énergie, comme l'Inde ou l'Afrique du Sud, vont être confrontées à de nombreux inconvénients en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Pour contrer ces pressions, le gouvernement a lancé un nouveau type de compte d'épargne destiné à préserver la lire contre toute perte de change. Elle a également réduit ses taux de 500 points de base depuis septembre dernier. Il s'agit d'une tentative de dissuader la demande locale pour d'autres monnaies sans nuire à la croissance.
Brendan McKenna, expert financier chez Wells Fargo à New York, fait valoir que "de nombreuses économies de marché émergentes, comme la Turquie, ont du mal à se remettre de la pandémie et un choc pétrolier ne fait qu'exacerber cette situation". En outre, il affirme que les monnaies de ces pays pourraient subir de fortes pressions.
L'indice MSCI Emerging Markets Currency a enregistré la deuxième plus forte baisse cette année. En effet, les hausses des taux américains menacent d'entamer les capitaux détenus par les territoires en développement. Les opérateurs s'attendent à ce que la Réserve fédérale procède à de nombreuses hausses de taux d'un quart de point cette année.
L'Inde, les Philippines et la Thaïlande sont les plus touchées, la hausse des coûts du pétrole alimentant l'inflation, affaiblissant les monnaies et ralentissant la croissance. Les banques centrales affirment qu'elles resteront accommodantes aussi longtemps que nécessaire pour soutenir le développement, mais cela signifierait une hausse des prix pour les consommateurs.
Wolfango Piccoli, coprésident de Teneo, estime que chaque augmentation de 10 dollars du prix du baril de pétrole coûte environ 4 milliards de dollars à la Turquie. Les importations nettes d'énergie du pays sont les plus élevées du monde en développement après l'Ukraine, selon la société de services financiers Citigroup Inc.
Le prochain test d'Ankara aura lieu dans les prochains jours, car les experts économiques s'attendent à ce que les prix augmentent de 52,5 % par an. Le taux d'intérêt tomberait ainsi à moins 38,50 %, soit le taux le plus bas du monde.
La hausse des prix due à l'attaque russe contre l'Ukraine renforce les inquiétudes quant à une éventuelle pénurie d'approvisionnement. Cette inquiétude a été exacerbée par un incendie dans un oléoduc turc. Un poteau électrique tombé a provoqué l'explosion de l'installation, située dans la province de Kahramanmaras.
L'incident a affecté le transport de pétrole brut de l'Irak vers le port de Ceyhan pour l'exportation. La baisse du débit de pétrole sur cet oléoduc est la dernière en date d'une série de perturbations de l'approvisionnement qui ont fait grimper les prix mondiaux du pétrole brut à un niveau sans précédent.
L'économie turque dépend principalement des importations pour produire des denrées alimentaires et des produits textiles, entre autres, de sorte que la hausse du dollar par rapport à la lire a eu un impact direct sur le prix de différents produits et services. C'est pourquoi, au début de l'année, le gouvernement a annoncé une augmentation de 125 % des factures d'électricité et de gaz.
"Depuis le début de l'année, nous avons constaté plusieurs augmentations significatives des prix de l'électricité, du gaz naturel, du tabac et des boissons alcoolisées, ce qui ajoutera une pression supplémentaire sur l'inflation", a déclaré JPMorgan en janvier. Les mesures mises en place par Erdogan, le président turc, menacent l'équilibre du pays eurasiatique.