Les agriculteurs espagnols sont les derniers à se joindre aux critiques concernant la réduction des subventions aux carburants

La révolte des agriculteurs s'amplifie en Europe et accroît la pression sur l'UE

Un convoi de tracteurs de la CR47 (Coordination rurale 47) à destination de Paris est bloqué par la police à Sully-sur-Loire, près d'Orléans, le 31 janvier 2024, alors qu'ils s'apprêtent à bloquer le marché de Rungis, en banlieue parisienne - AFP/ALAIN JOCARD

Les agriculteurs européens accentuent leur pression sur l'Union européenne. L'Allemagne est à la tête d'une nouvelle vague de protestations qui s'étend déjà à une grande partie du Vieux Continent. La réforme du gouvernement d'Olaf Scholz, qui supprime progressivement les exonérations fiscales sur le diesel, a déclenché une série de manifestations qui, ajoutées à la situation critique que traverse le secteur depuis l'invasion russe de l'Ukraine, ont fait exploser les agriculteurs.

Les agriculteurs européens sont en guerre contre les politiques de l'UE

L'Allemagne est l'épicentre des révoltes, mais la réalité est que les mesures imposées par Bruxelles sont pour beaucoup dans le mécontentement généralisé du secteur agricole. Ce mécontentement s'ajoute aux critiques concernant le retard de l'aide promise par l'UE pour atténuer les effets de la guerre en Ukraine sur les agriculteurs.

Le 30 janvier 2024 au matin, plus de 200 tracteurs ont quitté Limoges par l'autoroute A20 en direction de Paris. Ils devaient se diriger vers Orléans avant d'arriver sur le marché de Rungis après 16 heures, selon la Coordination rurale - AFP/ALAIN JOCARD

En France, la situation n'est guère plus calme. Lundi dernier, des centaines de personnes ont annoncé ce qu'elles appellent un "siège de Paris". Ils entendent faire pression sur le gouvernement d'Emmanuel Macron et menacent d'une "semaine dangereuse" entre les agriculteurs eux-mêmes et les forces de sécurité françaises. Ils dénoncent le fait que les politiques européennes sont "déconnectées" de la réalité que vit le secteur agricole et appellent à une reconsidération de la position des pays européens, bien que cela ne semble pas être une possibilité, du moins pour le moment.

L'Allemagne reste ferme et ne reculera pas sur la réduction des subventions aux carburants

Le gouvernement allemand a été très clair : il n'y a plus d'argent. C'est la raison à laquelle il s'accroche pour défendre une mesure qui a fait descendre dans la rue des milliers d'agriculteurs qui affirment que cette situation les mènera à la ruine. En effet, ils ont déjà annoncé qu'ils exigeraient une augmentation des prix de 5 à 10 %, et ils préviennent qu'ils ne s'arrêteront pas là, car à long terme, ils continueront à augmenter progressivement.

Une pancarte indiquant Attal, nous ne mourrons pas en silence sans rien dire, alors que les agriculteurs du syndicat CR47 (Coordination rurale 47) reprennent leur convoi de tracteurs en direction de Paris après un arrêt de nuit à Pierrefitte-sur-Sauldre, près d'Orléans, le 30 janvier 2024, alors qu'ils se dirigent vers le blocage du marché de Rungis en banlieue parisienne - AFP/ALAIN JOCARD

L'Union suisse des paysans a publié une déclaration officielle soutenant les Allemands. "Nous devons agir si nous voulons que les aliments suisses restent dans nos assiettes" car, disent-ils, "ils sont étouffés par la politique agricole et ses complexités". Un point de vue partagé par des pays comme la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Hongrie et la Bulgarie.

Tous se plaignent de la concurrence déloyale des importations ukrainiennes qui font chuter les prix des céréales. En ce sens, ces pays attendent la décision de la Commission européenne sur le renouvellement ou non de l'exemption douanière pour les produits ukrainiens, qui expire en juin prochain.

Graphique montrant le pourcentage des échanges commerciaux entre le Mercosur et ses principaux partenaires en 2023 (au 30 novembre) - PHOTO/AFP

Ursula von der Leyen se dit ouverte au dialogue avec les agriculteurs

La présidente de la Commission européenne a déclaré qu'elle entendait poursuivre une stratégie de dialogue réunissant les agriculteurs, les organisations environnementales et d'autres organismes agricoles. L'objectif est de trouver un terrain d'entente entre les restrictions de plus en plus strictes dictées par Bruxelles et les besoins des professionnels du secteur.

Toutefois, von der Leyen fixe un certain nombre de lignes rouges à ne pas franchir en tout état de cause, comme l'aspect de la durabilité. Il précise toutefois qu'il est possible de trouver un terrain d'entente qui tienne compte "des revenus des agriculteurs, de l'innovation technologique et de la compétitivité".

Un convoi de tracteurs du syndicat CR47 (Coordination rurale 47) à destination de Paris est bloqué par la police à Sully-sur-Loire, près d'Orléans, le 31 janvier 2024, alors qu'il s'apprête à bloquer le marché de Rungis - AFP/ALAIN JOCARD

L'idée est d'ouvrir un dialogue qui, d'ici le milieu de l'année, débouchera sur une proposition concrète qui pourra être présentée à la Commission. Bien que cette idée ait été promise par Ursula von der Leyen elle-même en septembre de l'année dernière, elle ne s'est pas encore concrétisée, ce qui est l'une des raisons des manifestations devant le Parlement européen.

Ils disent qu'ils ne demandent "pas grand-chose", juste "un traitement équitable et le respect de leur rôle social". Elles pensent que cette vague de protestations pourrait avoir un impact important sur les prochaines élections européennes et sont donc prêtes à maintenir la pression pour améliorer des conditions qui, si elles ne changent pas, conduiront selon elles à leur ruine à court terme.