Ursula von der Leyen fait décoller l'Agence spatiale européenne avec 14,8 milliards d'euros
Ce qui devait arriver est arrivé. Le Parlement européen a approuvé le document qui crée l'Agence spatiale pour les programmes spatiaux de l'Union européenne, le règlement qui définit ses compétences et son fonctionnement, ainsi qu'un budget de 14 872 millions d'euros dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, le montant le plus élevé jamais engagé par Bruxelles pour les programmes spatiaux.
La nouvelle EUSPA (Agence de l'Union européenne pour le programme spatial) a été approuvée par le Parlement européen le 28 avril. Elle entrera en vigueur dès que le texte sera publié au Journal officiel de l'UE et sera rétroactive à partir du 1er janvier de cette année. Il y a quatre mois, elle avait reçu l'accord préalable de la Commission européenne présidée par l'Allemande Ursula von der Leyen et l'approbation du Conseil européen dirigé par le Belge Charles Michel.
La mesure établit une organisation unique qui englobe tous les projets spatiaux aux mains de l'Union européenne. La conséquence immédiate est la reconversion de l'actuelle Agence européenne des systèmes mondiaux de navigation par satellite (GSA), qui a été créée en 2004 pour gérer et exploiter exclusivement la constellation de satellites Galileo - le GPS européen - et le service européen de navigation géostationnaire par recouvrement EGNOS.
Avec son siège à Prague et depuis octobre dernier sous la direction du Portugais Rodrigo dos Santos, la GSA va changer de nom et devenir l'EUSPA. Des responsabilités qui lui seront confiées tôt ou tard, mais qui "sont encore en phase de négociation", confirment des sources espagnoles.
Le premier d'entre eux est l'exploitation du programme d'observation de la Terre Copernicus. En service depuis mi-2014 et avec plus d'une dizaine de satellites à haute résolution en orbite, ils sont chargés d'assurer la captation de données qui renseignent les scientifiques sur l'état de santé de la Terre dans tous les ordres.
Il est également prévu que l'EUSPA absorbe deux autres projets qui en sont à leur stade initial. Le premier est la surveillance de l'espace (Space Situational Awareness, ou SSA), qui permet de surveiller les objets naturels et artificiels proches de l'orbite terrestre. La seconde est l'initiative de communications gouvernementales par satellite Govsatcom, qui vise à fournir des transmissions sûres et fiables aux autorités de l'Union et des pays partenaires.
Le budget décrété pour la période 2021-2027 est destiné à financer la production et l'exploitation de ces quatre projets - et de ceux qui suivront - qui, selon les commissaires du gouvernement d'Ursula von der Leyen, fournissent des services de haute qualité aux citoyens européens et génèrent des avantages socio-économiques importants. Dans la situation actuelle, "ils contribuent à la création de nouveaux emplois, ce qui permettra de surmonter les effets négatifs de la pandémie de COVID-19", affirme Massimiliano Salini, l'eurodéputé italien qui défend l'EUSPA au Parlement européen.
Sur les 14,872 milliards d'euros ratifiés par le législateur européen, 9,01 milliards (60,58 %) sont destinés au renouvellement des flottes de satellites Galileo et EGNOS. Un autre montant de 5,42 milliards (36,44 %) sera consacré au développement d'une nouvelle génération de plates-formes pour le programme Copernicus. Le montant restant de 442 millions (moins de 3%) sera utilisé pour financer les projets SSA et Govsatcom.
La création de l'EUPSA signifie que toutes les activités spatiales de l'UE seront placées sous le même toit. Mais du point de vue espagnol, les changements ne sont pas perçus comme étant imminents. Dans les ministères espagnols concernés par les changements, qui sont ceux des Transports, des Sciences et de l'Innovation, de l'Industrie et de la Défense, les sources consultées sont d'avis que la prise en charge des nouvelles responsabilités par la GSA reconvertie en EUSPA "ne se fera pas à court terme, et encore moins d'ici à 2021", conviennent-elles.
Les hauts fonctionnaires espagnols qui connaissent le rythme de travail et les temps de réaction à Bruxelles soulignent que le processus de transition de la GSA à l'EUSPA "sera long". Ils font valoir que, par exemple, tant "la production de la deuxième génération de satellites Galileo que le nouveau satellite Copernicus ne feront pas l'objet d'une décision finale avant 2022". Et les deux autres programmes évoluent à un rythme plus lent.
Qu'adviendra-t-il de l'Agence spatiale européenne, l'ESA ? Va-t-elle disparaître ? Loin de là. Les sources espagnoles consultées sont d'avis que la répartition des rôles entre l'EUSPA et l'ESA "va rester pratiquement la même qu'actuellement". L'ESA et l'EUSPA de l'Union européenne sont deux organisations très différentes dont la coopération remonte à la fin du siècle dernier.
L'EUPSA se concentre sur la gestion et l'exploitation de constellations de satellites en orbite et sur leur commercialisation. L'ESA, en revanche, créée en 1975 et dont le siège est à Paris, se consacre à la science, à la recherche et à l'exploration du cosmos, au développement de technologies et d'appareils spatiaux, de lanceurs et à la formation des astronautes, domaines dans lesquels Bruxelles est totalement extérieure. En bref, l'UE a besoin de l'ESA pour concrétiser ses projets d'un point de vue technique.
En droit international, l'Union européenne est une communauté politique et économique régie par le traité de Lisbonne de 2009. Elle est composée de 27 nations, qui ont cédé une partie de leur souveraineté à Bruxelles et dont le résultat est essentiellement un supra-état ayant la capacité de légiférer et dont les projets sont basés sur le principe de la libre concurrence.
Totalement indépendante de l'Union européenne, l'ASE est une organisation intergouvernementale composée de 22 nations européennes - dont l'Espagne - dont sont membres des pays non-membres de l'UE, comme la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse. Tous mettent en commun un pourcentage économique convenu en fonction du PIB de chaque pays, qui est investi dans le programme scientifique, le seul de nature obligatoire, qui retourne en charge de travail à l'industrie de chaque nation participante.
Le reste des domaines dans lesquels l'ESA travaille est financé par des contributions volontaires. En résumé, tout porte à croire qu'à court et moyen terme, la coopération entre Bruxelles et l'ASE se poursuivra dans le même sens. Mais il ne faut pas oublier que la vie et la scène internationale confirment que le gros poisson mange le petit poisson.