Le nouveau leader du gouvernement libyen devrait être la clé d'un nouveau scénario démocratique en Afrique du Nord

Abdul Hamid Dbeibah, un nouvel espoir pour la société internationale face aux positions de la Russie et de la Turquie en Libye

AFP PHOTO/UNITED NATIONS - Abdul Hamid Dbeibah lors de son discours devant les membres du Forum de dialogue politique libyen à Genève, en Suisse, le 3 février.

Il a fallu un peu plus de cinq mois de négociations pour que l'ONU réunisse un forum composé de 73 Libyens des trois régions du pays. Le Forum de dialogue politique libyen (FDPL), réuni dans la ville de Genève, a élu un nouveau gouvernement de transition pour leur pays, mais pas avant deux votes infructueux. Ce nouveau cabinet est dirigé par Abdul Hamid Mohammed Dbeibah, un homme d'affaires de la région de Misrata qui entretient de très bonnes relations avec la Turquie, entre autres parce qu'il possède une chaîne de diffusion par satellite située dans cette région, plus précisément à Salam. Le candidat qui a remporté le troisième tour de scrutin est celui dirigé par Mohammad Younes Menfi, qui a gagné avec 39 voix contre 34 pour la liste dirigée par Aguila Salé. Menfi sera le président du Conseil de la présidence, tandis qu'Abdullah Hussein al-Lafi, Mossa al-Koni et le nouveau premier ministre, Abdul Hamid Dbeibah, complètent ce conseil. 

La Libye a l'intention de donner un tournant important à sa situation politique, et c'est dans ce but qu'a été créé ce gouvernement, qui aura pour tâche de coexister avec le gouvernement d'accord national, dont le premier ministre est Fayez al-Sarraj - il faut rappeler qu'il a été proposé en 2015 par l'envoyé spécial des Nations unies de l'époque, l'Espagnol Bernardino León - à la tête d'un gouvernement qui avait, comme ce nouveau l'aura, pour objectif de parvenir à une véritable unité nationale. Une tâche qui est loin d'être simple et pour laquelle le nouvel exécutif sera formé dans les 21 jours suivant la date du vote dans la ville suisse. Elle disposera également de 21 jours supplémentaires pour obtenir un vote de confiance du Parlement. Une période de près d'un mois et demi qui ne sera pas facile et qui doit jeter les bases de la reconstruction d'un pays plongé dans une guerre civile depuis sept ans, ce qui complique grandement la formation de ce nouveau gouvernement, à commencer par le ministère de la défense et ce qu'il implique en cette période de tension. 

Le retrait des troupes turques et russes, un objectif prioritaire

Toutes ces complications rendent la figure du nouveau Premier ministre Dbeibah encore plus importante. La Russie et la Turquie jouent un rôle clé sur le territoire libyen, la première soutenant le Parlement oriental - qui bénéficie également du soutien de l'Égypte et des Émirats arabes unis - et la seconde le gouvernement d'entente nationale à l'Ouest. Bien que le cessez-le-feu n'ait pas été rompu depuis octobre, aucun des deux pays n'a retiré ses mercenaires, comme ils s'étaient engagés à le faire dans un délai de trois mois déjà expiré. 

La situation est en jeu et l'analyste de l'Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), Wolfram Lacher, a exprimé son scepticisme sur les réseaux sociaux : "Si ce gouvernement parvient à être opérationnel, il aura une portée très limitée". Ce que l'ONU espère, c'est que ce ne sera pas le cas et que d'ici les prochaines élections prévues pour le 24 décembre prochain, la situation évoluera grâce, entre autres, à la médiation du nouveau Premier ministre. Et parmi ses premières tâches, le retrait des forces militaires de Turquie et de Russie est la plus importante de son agenda.

La conclusion d'un accord avec les Turcs ne semble pas un scénario trop fantaisiste, puisque Ankara a préféré la figure d'Abdul Hamid Dbeibah pour occuper le poste libyen : "La Turquie peut jouer un rôle fondamental en aidant les Libyens à atteindre leurs objectifs", a-t-il déclaré dans des déclarations à l'agence turque Anadolu. Le nouveau Premier ministre a une orientation islamiste, très proche des Frères musulmans. Sa ville d'origine, Misrata, située dans le nord du pays, est l'épicentre des milices islamistes, vitales pour le GNA dans l'objectif de tenir Tripoli, jusqu'à l'arrivée des mercenaires syriens de Turquie. 

Du côté russe, la médiation semble plus compliquée. La proximité de Dbeibah avec les Turcs, ainsi que la prédisposition russe déjà hostile, rendent le rapprochement des positions un peu plus complexe. Ce qui est attendu, c'est que le soutien que le nouveau gouvernement reçoit de l'ensemble de la société internationale jouera un rôle important dans le retrait des forces militaires des deux pays. L'UE elle-même, par l'intermédiaire de Josep Borrell, le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a exprimé l'importance de respecter l'accord militaire conclu à la fin de l'année dernière par les deux parties. Un accord qui, outre le retrait de ses mercenaires du territoire libyen, comprend l'embargo sur les livraisons d'armes et le cessez-le-feu, ce dernier étant le seul point de l'accord qui, pour l'instant, a été respecté par la Turquie et la Russie.