Algérie : Manifestations nocturnes des indépendantistes dans toute la Kabylie
Voulant imiter le général Mohamed Touati dit « le cerveau », l’un des membres influents du cabinet noir, qui a régenté l’Algérie durant les années sanglantes de la guerre civile, Djebbar Mehenna s’empare à son tour de la carte kabyle pour en faire son appui pour à se faire une place parmi les décideurs.
Depuis sa sortie de la prison militaire de Blida en 2021, après un séjour de onze mois pour « enrichissement illicite et trafic d’influence », le général Djebbar, mis à la retraite depuis 2015, a trouvé le bon subterfuge pour reprendre du poil de la bête et retrouver une place au soleil. L’ignorance de la réalité kabyle par les nouveaux maîtres du pays, Abdelmadjid Tebboune, fraîchement désigné à la présidence de la république et son chef d’état-major de l’armée le général Saïd Chengriha, terriblement effrayés par le boycott total des deux wilayas (départements) les plus importantes de la Kabylie, Tizi-Ouzou et Bejaïa qui ont enregistré un historique taux de participation de zéro pour cent, à la présidentielle de décembre 2019, a constitué l’occasion idoine, pour le général Djebbar, alors sans poste, de faire une offre de service.
Originaire et natif de Tizi-Ouzou, la capitale du pays kabyle, il prétend exercer une grande influence sur la région. Il promet de « dompter » sa population frondeuse et récalcitrante en mobilisant les chefs des « arouch » (tribus). C’est ainsi qu’il a réussi à se faire une place dans le cercle des décideurs en commençant par réintégrer les rangs de l’armée quelques mois après sa sortie de prison.
Après avoir activé sans poste fixe durant quelques mois, il est désigné à la tête d’une direction nouvellement créée en septembre 2021. La Direction générale de la lutte contre la subversion (DGLS). Une structure consacrée à la surveillance du monde politique tant en Algérie qu’à l’étranger. Son existence est révélée dans le journal officiel du 29 décembre 2021. En violation des textes désignant les membres du Haut Conseil de Sécurité, le général Djebbar Mehenna intègre ce conseil.
Avec lui, on n’est pas à la première violation des textes de loi. La plus grave des violations est sa réintégration dans les effectifs de l’armée.
Le Règlement Sur l’Armée algérienne (RSA) stipule clairement que tout militaire ayant été condamné à une peine de plus de quatre mois de prison ferme est automatiquement radié des rangs de l’institution militaire. Djebbar Mehenna a été condamné à huit ans de prison dont huit mois ont été purgés à la prison militaire de Blida entre octobre 2019 et juillet 2020. Il a quitté la prison en catimini et sans que ne soit levée la peine des huit ans de purgatoire par un procès en appel.
D’autre part, il a été mis à la retraite en 2015 après avoir dirigé la Sécurité de l’armée durant une dizaine d’années.
En septembre 2022, alors qu’il n’a aucune connaissance du monde de la sécurité extérieure, il est, à la surprise générale, nommé directeur général de la documentation et de la sécurité extérieure. Il ramène dans ses bagages des anciens cadres de la sécurité de l’armée dont certains sont connus pour avoir exécuté de sang-froid, d’une balle dans la tête, des milliers d’Algériens portés, aujourd’hui, disparus. Ils sont près de 20.000 dont des militaires.
Parmi ces tueurs, figurent Hocine Abdelhamid alias Hocine Boulahya, issu de la même région que lui, et Souahi Zerguine, alias Mouad. Tous deux ont appartenu à l’escadron de la mort du Centre principal militaire d’investigation (CPMI) situé sur les hauteurs d’Alger à Benaknoun et dirigé pendant un certain temps par Djebbar Mehenna qui succéda à Othmane Tartag, alias Bachir, aujourd’hui à la prison militaire de Béchar purgeant une peine de six ans de réclusion.
L’équipe dont s’entoure le général Mehenna, est constituée de novices et de profanes en matière de recueil de renseignement à l’estérieur. Comme lui. Cette délicate mission a besoin de cadres intelligents et compétents. Ce qui fait défaut à des hommes habitués à la torture et aux exécutions sommaires en consommant des barbituriques, comme l’a souligné un ancien sous-officier de l’escadron de la mort, le sergent-chef Houari, aujourd’hui, en prison. C’est ce qui explique les bourdes et les échecs scandaleux de la DGDSE depuis la nomination du général Mehenna à sa tête. De la tentative d’enlèvement et assassinat d’un journaliste au ton libre à l’ouverture d’un bureau de la représentation d’un parti fantomatique marocain, réclamant l’indépendance du Rif en passant par l’organisation d’une rencontre entre le président Tebboune et l’imam malien Mahmoud Dicko, à l’origine de la tension entre Alger et Bamako. Sans citer l’échec de la tentative de création d’un mouvement rifain avant de tomber sur le quarteron du parti de l’indépendance du rif et bien entendu le complot ourdi contre le président Tebboune, que le tribunal de Blida a renvoyé le 3 mars dernier à une date ultérieure, sous la pression de ce même Djebbar Mehenna.
Dans le but de couvrir ses revers à la tête de la DGDSE, le général Djebbar compose une équipe restreinte pour élaborer un plan d’autonomie pour la Kabylie qui sera proposé à une frange d’opposants kabyles. Cette dernière sera l’antidote du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) que dirige de Paris, Ferhat Mehenni. A défaut de cette frange, le plan d’autonomie pourrait être proposé au MAK. La finalité de cette manœuvre est de récupérer la Kabylie et parer à toute éventualité de boycott des élections présidentielles prévues pour décembre prochain.
Cette manœuvre a vite été rejeté par le MAK, par la voix de son leader en twittant le 7 mars dernier « Ce n'est là qu'une manœuvre dilatoire visant à désarçonner le MAK dont la revendication d'un référendum d'autodétermination est plébiscitée par le peuple kabyle. C'est pour combattre l'idée de ce référendum que le MAK est classé depuis le 18/05/2021 par ces mêmes généraux comme organisation *terroriste* alors qu'il n'a jamais commis le moindre acte de violence. »
Après avoir énuméré les multiples actes d’agression contre la population kabyle par « l’Algérie nouvelle » du duo Tebboune-Chengriha », Ferhat Mehenni conclut à propos de cette manœuvre, « Elle est irréaliste dans la mesure où elle n'est l'initiative que d'un clan qui, jusqu'ici ne mène pas large au sommet de la hiérarchie. Elle serait juste une proposition électorale pour faire voter le peuple Kabylie aux prochaines présidentielles alors qu'il est déterminé à opposer à la politique de *Zéro Kabyle* le *zéro votant* en boycottant totalement le scrutin. »
Dans la nuit du 7 au mars, peu après la diffusion de ce tweet, sur le réseau X, des centaines de militants sont sortis déployer des banderoles revendiquant l’indépendance de la Kabylie. « C’est le coup d’envoi d’une résistance pacifique contre toute tentative d’aliénation de la Kabylie ou sa récupération », indique un militant du MAK.
La manœuvre du général Djebbar n’est pas seulement rejetée par les indépendantistes mais aussi par les tenants de l’union sacrée des Kabyles dans une Algérie unie. Les arabo-islamistes qu’ils soient kabyles ou non, eux aussi, qualifient cette manœuvre comme attentatoire à l’unité nationale. « C’est la goutte qui fait déborder le vase. Djebbar Mehenna doit retourner à la prison pour atteinte à l’unité nationale » tonne un kabyle qui se présente comme un farouche défenseur d’une Algérie unie.
A voir les réactions ici et là, on ne peut que conclure que Djebbar Mehenna s’est gourré, une fois de plus, en montrant ses limites dans la chose politique, lui l’habitué des interrogatoires musclés, de la torture et des menaces contre des personnes impuissantes dans des caves obscures en ayant les mains ligotées et les yeux bandés. Ce n’est pas ce profil qui sied à la sécurité extérieure, considérée comme la diplomatie parallèle dans les Etats qui savent que recueil de renseignement rime avec intelligence.