Amnesty International dénonce la répression contre la dissidence pacifique en Algérie
Six ans après le début du mouvement Hirak et alors que de nouvelles manifestations pacifiques ont lieu, Amnesty International a dénoncé une répression alarmante et croissante contre la dissidence pacifique en Algérie, en réponse à une récente campagne de protestation numérique. Dans un communiqué, l'organisation de défense des droits humains a accusé les autorités algériennes de procéder à des arrestations arbitraires et à des procès inéquitables, aboutissant à de longues peines de prison.
Selon Amnesty, au cours des cinq derniers mois, au moins 23 militants et journalistes ont été arrêtés et condamnés pour leur soutien présumé au mouvement de protestation en ligne « Manich Radi » (expression qui peut se traduire librement par « Je ne suis pas d'accord »), une campagne lancée en décembre 2024 pour dénoncer les restrictions des droits humains et les conditions socio-économiques difficiles auxquelles le pays est confronté.
« Tous ont été arrêtés uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains, et la plupart purgent actuellement des peines de prison ou sont en attente de jugement », indique le communiqué.
« La politique de répression de l'activisme en ligne menée par les autorités algériennes est alarmante et doit être inversée », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d'Amnesty International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. « Rien ne peut justifier l'arrestation et l'emprisonnement de personnes uniquement pour avoir exprimé leur mécontentement face à la situation politique et socio-économique », a-t-elle ajouté.
Amnesty International a recensé neuf cas représentatifs d'activistes et de journalistes poursuivis pour avoir exercé leur liberté d'expression sur Internet. Sept d'entre eux ont été reconnus coupables et condamnés à des peines de prison allant de 18 mois à cinq ans, uniquement pour leurs activités et leurs expressions pacifiques sur des plateformes numériques.
Dans cinq de ces cas, les procès se sont déroulés dans le cadre de procédures accélérées qui ont empêché les accusés de préparer une défense adéquate, en violation flagrante de leur droit à un procès équitable. En outre, les autorités ont arrêté arbitrairement un militant et un journaliste pendant plusieurs jours, imposant à ce dernier une interdiction abusive de voyager et de publier des contenus sur les réseaux sociaux.
Parmi les cas les plus marquants, Amnesty a cité la condamnation en mars 2025 des militants Soheib Debbaghi et Mahdi Bazizi, qui ont été condamnés à 18 mois de prison pour leur lien avec le mouvement « Manich Radi ». Debbaghi a été reconnu coupable d'avoir « publié des contenus préjudiciables à l'intérêt national ».
Mais ils ne sont pas les seuls. Le 20 janvier 2025, quatre jours seulement après son arrestation, le célèbre militant et poète Mohamed Tadjadit a été condamné par un tribunal de Rouiba (Alger) à cinq ans de prison et à une amende de 500 000 dinars algériens (environ 3 465 euros). Le procès, mené à un rythme accéléré, s'est fondé exclusivement sur des publications sur les réseaux sociaux, notamment des poèmes à contenu politique et des messages accompagnés du hashtag #Manich_Radi. Le tribunal l'a reconnu coupable d'une série de chefs d'accusation tels que « atteinte à l'unité nationale », « publication de contenus préjudiciables à l'intérêt national », « incitation à un rassemblement non armé » et « outrage à des organismes publics ».
Quelques jours plus tard, le 4 mars, le tribunal de Tizi Ouzou a également condamné le militant Belaid Charfi à quatre ans de prison, une amende de 100 000 dinars (693 euros) et une indemnité supplémentaire de 10 000 dinars (69 euros).
Le 21 février, dans la ville d'Azazga, la militante syndicale Fadhila Hammas a été arrêtée et interrogée par la police au sujet de ses publications sur Facebook, axées sur des questions politiques et relatives aux droits humains. Elle a été libérée quatre jours plus tard, mais elle attend toujours son procès, prévu le 11 mai, où elle risque jusqu'à trois ans de prison pour « publication d'informations fausses susceptibles de porter atteinte à l'ordre public et à la sécurité ».
Le 16 février également, le tribunal de Ouargla a confirmé la condamnation de la militante Abla Derama Kemari à trois ans de prison (dont un avec sursis) et à une amende de 300 000 dinars (2 079 euros) pour des publications sur Facebook dans lesquelles elle critiquait la situation socio-économique dans les régions sahariennes et dénonçait la répression à l'encontre des militants.
À Tizi Ouzou, le 14 janvier, la condamnation de l'activiste Massinissa Lakhal a également été confirmée. Il a été condamné à trois ans de prison, à une amende de 5 000 000 de dinars (34 645 euros) et à une indemnisation de 200 000 dinars (1 386 euros). Le verdict était fondé sur son activité sur Facebook, notamment le fait qu'il suivait des comptes liés au Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) – déclaré organisation terroriste par les autorités – ainsi que ses liens avec d'autres militants du mouvement, dont son père, Ammar Lakhal, ancien représentant du MAK au Canada.
Parmi les journalistes poursuivis, le cas d'Abdelwaheb Moualek, condamné le 25 février par le tribunal de Sidi Aich, à Bougie, à l'issue d'un procès accéléré et sans avocat, est particulièrement frappant. Il a été condamné à 18 mois de prison et à une amende de 100 000 dinars (693 euros) pour une publication sur Facebook dans laquelle il commentait la répression. Il est actuellement en liberté, dans l'attente de la décision de la cour d'appel.
Enfin, le 2 janvier, le journaliste Mustapha Bendjama a été interrogé par un juge d'instruction à Annaba en raison de ses publications sur Facebook. Bien qu'il n'ait pas été arrêté, il a été placé sous surveillance judiciaire et s'est vu interdire de quitter le pays et la région d'Annaba, ainsi que de publier tout contenu jugé préjudiciable à l'intérêt national par les autorités.
Cette vague de répression intervient dans le contexte du sixième anniversaire, célébré en février, du mouvement pro-démocratique Hirak, qui depuis 2019 joue un rôle clé dans la revendication citoyenne de réformes politiques profondes en Algérie.
Amnesty International a conclu son communiqué en exhortant les autorités algériennes à mettre immédiatement fin à la répression contre la dissidence pacifique et à respecter le droit légitime à la liberté d'expression.