Malgré la fragilité économique et les tensions sociales, M. Erdogan reste ferme dans son intention de consolider l'expansionnisme turc dans la région

Ankara poursuit sa fuite en avant

AFP/ADEM ALTAN - Le Président de la Turquie et leader du Parti de la justice et du développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, s'adresse aux législateurs de son parti à la Grande Assemblée nationale (Parlement) turque à Ankara le 19 février 2020

La Turquie est confrontée à une situation très délicate. D'une part, elle connaît depuis des années une grande faiblesse économique, due entre autres à la chute effrénée de la lire. Un reflet de cette fragilité a été la vente de 10% de la Bourse d'Istanbul au Qatar afin d'obtenir des liquidités.

D'autre part, les prochaines élections présidentielles pourraient poser un problème à M. Erdogan si l'opposition parvient à rester unie et à aller de l'avant, malgré le harcèlement policier et judiciaire dont elle fait l'objet et qui a conduit à l'arrestation de plusieurs dirigeants et représentants publics.

Pour tenter de régler tout cela au niveau interne, Erdogan pratique un grand expansionnisme régional avec une présence et une ingérence importantes dans les conflits de la région, qu'il s'agisse de la Libye, du Haut-Karabakh ou de la Syrie, ainsi qu'une pression croissante dans la zone orientale de la Méditerranée, où il a eu des frictions avec Chypre, la Grèce, la France et l'Allemagne.

Le président turc tente de cacher derrière la bannière du nationalisme et du néo-tomanisme la situation difficile à laquelle le pays est confronté, situation qui a maintenant été aggravée par la pandémie COVID-19. Erdogan tente d'accroître la ferveur nationale afin de dynamiser les chances de l'opposition de remporter une élection qui, bien que prévue pour 2023, est considérée comme avancée afin de contrebalancer une opposition qui n'est pas aussi unie qu'elle devrait l'être.

Ankara doit également faire face à sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis pour les armes, ce qui lui a déjà causé des problèmes en étant expulsée du consortium F-35, c'est pourquoi Washington a annulé la vente de l'avion comme prévu. Précisément, cela s'est produit en raison de la tentative de la Turquie de diversifier ses fournisseurs militaires et de reprendre les services du système de défense aérienne russe S-400, ce qui a beaucoup préoccupé les États-Unis.

Ce départ du groupe de pays qui disposera du F-35 moderne, va de pair avec les sanctions que les Etats-Unis ont mis en place contre le pays pour son rapprochement avec d'autres rivaux de Washington comme la Russie et l'Iran. Mais les États-Unis ne sont pas les seuls, car les frictions en Méditerranée ont également conduit l'Union européenne à imposer des sanctions qui vont encore réduire la complexité de la situation économique du pays.

Le président turc ne semble pas affecté par tous ces revers, car il reste ferme dans son intention de s'immiscer dans le développement des conflits afin d'accroître son influence et d'obtenir des avantages. Par ailleurs, l'industrie de défense turque a obtenu de bons résultats avec les appareils qui ont été testés dans des conflits comme celui de la Libye ou celui du Haut-Karabakh, notamment dans le domaine des drones, ce qui peut lui permettre de réaliser certains contrats d'armement qui lui rapportent, comme c'est le cas récemment de l'achat de la Tunisie pour 150 millions de dollars.