Chypre, la Grèce et l'Égypte condamnent les actions de la Turquie en Méditerranée orientale
Les dirigeants de Chypre, de Grèce et d'Egypte ont condamné mercredi à Nicosie l'escalade des provocations de la Turquie et ses opérations d'exploration dans les eaux chypriotes et grecques qui, selon eux, "mettent en danger la stabilité et la paix dans la région".
Lors du huitième sommet trilatéral d'aujourd'hui, les présidents de Chypre, Nikos Anastasiadis, et d'Égypte, Abdelafatah al-Sisi, ainsi que le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, ont discuté de la coopération énergétique, des migrations, de la lutte contre le terrorisme, de la situation en Syrie et en Libye, du processus de paix au Moyen-Orient et de la pandémie de coronavirus.
Le président chypriote a évoqué divers affronts de la part d'Ankara, tels que l'exploration des zones maritimes de Chypre et de la Grèce ou la récente ouverture de la plage du quartier de Varosha, qui a été fermée comme zone militaire dans la République autoproclamée de Chypre du Nord (RTNC) pendant 46 ans, et qui va à l'encontre des résolutions de l'ONU.
Dans son discours, M. Anastasiadis a souligné que "la Turquie viole la stabilité par une série d'actions illégales". La Turquie a le contrôle militaire de Chypre du Nord depuis 1974 et le sort de Varosha a été la clé de toutes les négociations de paix depuis lors.
M. Anastasiadis a déclaré que les trois pays "appellent la Turquie à s'abstenir en permanence de telles actions à l'avenir, contribuant ainsi à créer les conditions d'un dialogue qui ne peut avoir lieu dans un environnement agressif ou sous la menace de l'usage de la force".
Malgré le message commun à la Turquie, M. Anastasiadis a souligné que cette "coopération tripartite n'est dirigée contre personne, mais qu'elle favorise la sécurité et la stabilité dans la région". Les trois dirigeants ont signé une déclaration commune, appelée "Déclaration de Nicosie", qui définit leur position sur diverses questions régionales et prévoit la création d'un mécanisme permanent qui contrôlera la réalisation des objectifs convenus.
Mitsotakis a déclaré qu'Ankara "rêve de pratiques impérialistes, d'actions agressives, de la Syrie à la Libye, de la Somalie à Chypre, de la mer Égée au Caucase" accompagnées d'"actes unilatéraux qui violent le droit international".
Le Premier ministre grec a réitéré sa demande à l'Union européenne de suspendre les exportations d'armes vers la Turquie. Pour sa part, M. Al-Sisi a souligné la bonne coopération entre les trois pays, qu'il a décrite comme "un espace pour nos visions communes dans divers secteurs et la coordination des positions sur les questions régionales et internationales".
Le premier sommet trilatéral s'est tenu en Égypte en 2014 et depuis lors, les trois pays ont décidé de renforcer régulièrement leurs liens économiques, énergétiques et sécuritaires.
La diplomatie grecque s'efforce d'obtenir une réponse claire de l'UE à la crise en Méditerranée orientale, affirmant que l'approche bienveillante et le dialogue "n'ont pas fonctionné avec la Turquie, qui persiste dans son attitude de chien de garde".
Dans une lettre du ministre grec des affaires étrangères Nikos Dendias au Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère Josep Borrell, Athènes a insisté sur le fait que la position belligérante de la Turquie doit stimuler la solidarité européenne.
Il a également fait référence à l'article des traités qui stipule que les autres États membres ont l'obligation d'aider et d'assister par tous les moyens à leur disposition si un État membre est victime d'une agression armée sur son territoire.
"Le dialogue et une approche bienveillante des différences sont les outils européens et ont été utilisés à maintes reprises avec Ankara sans succès jusqu'à présent", a-t-il critiqué dans sa lettre au chef de la diplomatie de l'UE, qui a souligné qu'il appartenait à l'UE "d'utiliser le remède avant de devoir s'occuper de dommages impossibles à réparer".
Dendias a souligné que la solidarité européenne est "la seule issue" au comportement "tyrannique" de la Turquie. Dans cette lettre, pleine d'allusions au comportement belligérant de la Turquie, le ministre grec des affaires étrangères regrette qu'Ankara ait créé une situation "insoutenable" dans la région et un climat "explosif" dans lequel la paix et la stabilité sont en jeu.
"Lorsque les règles existantes ne servent pas ses objectifs, la Turquie crée unilatéralement de nouvelles règles en suivant la logique des autres parties qui cèdent aux pressions", a déclaré M. Dendias, qui a expliqué que la nouvelle loi turque sur les services de recherche et de sauvetage est un nouvel exemple du comportement de l'exécutif de Recep Tayyip Erdogan, ayant inclus des territoires de souveraineté grecque comme zones d'action turques.
"Ce règlement est contraire au droit international et est une règle basée sur des critères purement politiques", a insisté le ministre grec, qui a souligné que cela s'ajoute au comportement belliqueux d'Ankara dans les eaux méditerranéennes, où elle poursuit ses activités d'exploration prospectives, malgré les avertissements répétés de l'UE.
Cette initiative d'Athènes vient s'ajouter à la lettre que Dendias a adressée à ses homologues en Espagne, en Allemagne et en Italie pour mettre fin à la vente d'armes et de matériel de défense à la Turquie en raison de ses "récentes provocations" en Méditerranée, rapporte le quotidien grec "Kathimerini".
Une troisième lettre a été envoyée au commissaire à l'élargissement, Oliver Varhelyi, comme l'a confirmé l'exécutif de l'UE. Selon la presse grecque, la lettre concerne le non-respect par Ankara de l'accord douanier.
Lors de la réunion des dirigeants européens vendredi dernier, Mitsotakis a mis sur la table la possibilité d'inclure l'embargo sur les armes contre la Turquie, ce que diverses sources diplomatiques ont confirmé.
Cette demande n'a cependant pas rencontré le consensus de ses collègues européens qui ont finalement choisi de réitérer l'avertissement déjà exprimé à la Turquie lors du sommet il y a deux semaines, les 1er et 2 octobre, de privilégier le dialogue et de revoir la situation en décembre, sans exclure des sanctions.