Conflit algéro-américain : intervention diplomatique de Washington
Le mercredi 6 décembre, un tweet du Département américain des Affaires du Proche-Orient annonce sur X l’arrivée à Alger de Joshua Harris, Secrétaire adjoint du département d'État américain chargé des Affaires du Proche-Orient « pour entamer une série de consultations avec l’Algérie et le Maroc sur la promotion de la paix régionale et l’intensification du processus politique de l’ONU au Sahara occidental afin de parvenir sans plus attendre à une solution durable et digne ».
C’est la deuxième visite, dans la région, de ce diplomate américain de haut rang après celle du mois de septembre dernier. C’est dire le sérieux qu’accorde l’administration US à situation conflictuelle qui n’arrange les affaires de personnes sauf de celles qui l’entretiennent en refusant toute négociation et toute solution à un faux problème qui dure depuis 48 ans.
Aucune source officielle en Algérie ni les média n’ont soufflé mot sur l’événement. Un événement de poids puisqu’il tend à mettre un terme à un conflit qui dure depuis près d’un demi-siècle et qui a pris ces deux dernières années des proportions démesurées marquées par la rupture des relations diplomatiques, la fermeture de l’espace aérien entre les deux pays qui vient s’ajouter à celle des frontières terrestres. Des mesures prises de manière unilatérale du côté algérien sans préavis et sans que n’apparaisse le moindre signe annonciateur d’une recrudescence dans le différend algéro-marocain qui couve depuis 48 ans.
Le silence observé par Alger sur la visite de Joshua Harris exprime la gêne de ses dirigeants qui ont rejeté, sans invoquer la moindre raison, toute initiative de bons offices tentée par des pays amis, notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar. Tout comme ils ont ignoré la main tendue du roi du Maroc qui, dans le discours du trône de 2020, invita ses « frères algériens » à un dialogue franc et fraternel en se réunissant autour d’une table et débattre de tous les sujets qui seraient à l’origine de l’escalade dans le différend.
Le roi du Maroc est allé jusqu’à accepter l’invitation à participer au sommet arabe d’Alger de novembre 2022. Une invitation remise à la hâte par le ministre de la justice au ministre marocain de la justice comme pour accomplir une simple formalité qu’on ne voulait pas voir aboutir. Mais, le souverain alaouite qui n’a plus assisté aux sommets de la ligue arabe depuis celui d’Alger 2005, avait dépêché, à Alger, une délégation des services du protocole royal pour préparer son arrivée. Une délégation rentrée bredouille au Maroc après avoir essuyé le refus de coordination des services protocolaires algériens.
Et dire que du côté du peuple algérien comme du côté marocain on plaçait beaucoup d’espoirs dans ce sommet arabe pour voir aplanie une bonne fois pour toutes l’inexplicable tension entre les deux pays.
Inexplicable, elle l’est. Car, à ce jour les responsables algériens n’ont pas évoqué la moindre raison qui explique leur hostilité à l’encontre du Maroc. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils n’établissent aucun lien entre leur attitude hostile à l’encontre du Maroc avec leur soutien au mouvement séparatiste qu’ils sont les seuls à financer et à armer. Alger a de tous temps laissé entendre qu’elle n’est nullement concernée par l’affaire du Sahara qui « demeure selon les autorités algériennes un problème entre le Maroc et le Polisario ».
Le différend algéro-marocain, au sujet de l’ancienne colonie espagnole, date depuis 1975. Un différend qui a vite tourné à une crise qu’on croyait passagère. Une crise qui commençait à s’estomper au fil des ans après la rencontre Chadli Benjedid-Hassan II aux postes frontaliers Akid Lotfi du côté algérien et Zoudj Bghal du côté marocain, sous les auspices du Roi d’Arabie Saoudite Fahd et la visite du roi Mohamed VI à Alger en 2005.
Subitement, avec l’arrivée du duo Tebboune-Chengriha aux commandes de l’Etat algérien, la crise entre les deux pays a repris de plus belle en 2021. Sans que ne soit apportée la moindre justification, les relations diplomatiques sont rompues et l’espace aérien est fermé dans une ambiance électrique laissant présager un conflit armé aux conséquences désastreuses. Evidemment, et comme tout le monde le sait, ces mesures ont été prises de manière unilatérale par Alger sans préavis aucun.
Aux bonnes volontés qui ont tenté des médiations de bons offices des pays amis, Alger opposa un niet catégorique allant jusqu’à susciter la grogne des pays du golfe arabe. Des pays qui n’hésitent pas à lancer régulièrement des avertissements à Alger en exprimant leur soutien indéfectible au Maroc auquel ils disent s’associer pour la défense de son intégrité territoriale. Pis encore, l’Algérie est, aujourd’hui, totalement isolée sur la scène arabe.
Après s’être mis à dos les pays arabes, Alger irait-elle jusqu’à rejeter la médiation américaine dans son conflit avec le Maroc ? Très difficile de franchir le pas à un moment où l’on est fâché contre la Russie, l’alliée historique, qui n’a pas plaidé pour l’admission de l’Algérie aux BRICS.
Une Russie qui voit d’un mauvais œil le rapprochement militaire algéro-américain qui s’est soldé tout récemment, par des accords entre les deux pays à l’issue de la réunion qui s’est tenue à Washington du 4 au 6 décembre dans le cadre de la coopération bilatérale en matière de défense. Au cours de cette même réunion, la délégation algérienne dirigée par le général major Mounir Zahi a convenu avec la Sous-Secrétaire américaine à la défense, par intérim, pour les affaires africaines, d’explorer les possibilités d’achat de matériel américain par l’armée algérienne.
Il n’est pas dans l’intérêt des dirigeants algériens de ternir ce rapprochement avec les Etats Unis d’Amérique en refusant leur médiation dans un conflit qui n’a aucune raison d’être. Même si les Américains ne vont pas avec le dos de la cuillère pour aborder la situation conflictuelle dans la région d’Afrique du nord en la limitant aux deux principaux belligérants, l’Algérie et le Maroc, sans autre tierce partie. Surtout pas le Polisario complètement ignoré par les Américains.