Les conflits en Somalie compliquent la médiation de la Turquie en Afrique

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le président somalien Hassan Sheikh Mohamud et le président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdogan - PHOTO/Présidence de la République de Turquie
Les tensions entre les régions séparatistes somaliennes du Jubbaland et du Somaliland aggravent la situation dans la « Corne de l'Afrique »
  1. Origine du conflit
  2. La médiation turque
  3. Jubbaland
  4. Présence d'Al-Shabaab

La Turquie joue un rôle de médiateur entre la Somalie et l'Éthiopie pour résoudre les tensions liées aux régions séparatistes somaliennes du Jubbaland et du Somaliland. 

Le président de la République de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, tente de résoudre les tensions internes somaliennes et les affrontements avec les Éthiopiens afin de stabiliser la région et de consolider sa position dans la partie orientale du continent africain. À cette fin, Erdogan a tenu des réunions séparées avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président somalien Hassan Sheikh Mohamud.

La Turquie entretient de bonnes relations avec ces deux pays. Toutefois, les conflits en cours en Éthiopie et en Somalie remettent en question les objectifs d'Erdogan visant à accroître son influence dans la région.

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le président somalien Hassan Sheikh Mohamud et le président turc Recep Tayyip Erdogan - PHOTO/Presidencia de la República de Turquía

Origine du conflit

Le conflit découle de la proposition de l'Éthiopie de reconnaître l'indépendance du Somaliland en échange d'avantages stratégiques pour l'Éthiopie dans le port de Berbera. Il convient de rappeler que l'accord entre les deux pays prévoit la cession de plus de 20 kilomètres de côtes du Somaliland à l'Éthiopie pour les 50 prochaines années. À ce stade, la Somalie a complètement refusé, car l'administration Mohamud considère que les terres du Somaliland font partie de son territoire national.

Les intérêts de l'Éthiopie à travers le Somaliland sont basés sur le débouché de la mer Rouge. Actuellement, l'Éthiopie est très dépendante des ports de Djibouti, de sorte que la possibilité d'un pacte et d'un accord avec le Somaliland sur l'utilisation du port de Berbera atténuerait la pression exercée sur le pays par Djibouti. Le projet propose également un affaiblissement de la Somalie en faveur du Somaliland.

Le Somaliland fonctionne comme un État indépendant « de facto » depuis des décennies, bien qu'il ne soit pas reconnu internationalement. En ce qui concerne le pays, sa seule vertu vis-à-vis du monde est sa position sur la mer Rouge et la possibilité de négocier des accords avec l'Éthiopie, avec laquelle il partage une frontière au nord.

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le président somalien Hassan Sheikh Mohamud et le président turc Recep Tayyip Erdogan - PHOTO/Presidencia de la República de Turquía

La médiation turque

Dans ce scénario, la Turquie cherche à obtenir des accords économiques, commerciaux et géostratégiques favorables à ses intérêts en faisant pression sur le président somalien.

La Turquie dispose d'une base militaire dans la capitale somalienne, Mogadiscio, où l'armée turque forme les troupes somaliennes. Outre le soutien militaire, la Turquie fournit une aide économique et humanitaire substantielle à la Somalie afin de renforcer son influence maritime, et a conclu divers accords commerciaux.

Selo des sources présidentielles turques, si la Somalie ne coopère pas avec la Turquie, celle-ci pourrait soutenir les positions des régions séparatistes du Somaliland et du Jubbaland sur le plan militaire. Il s'agit d'un avertissement très sérieux, car Ankara est l'un des principaux partenaires militaires de la Somalie et entraîne ses troupes dans les régions les plus inhospitalières de la péninsule anatolienne.  

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdogan - PHOTO/Presidencia de la República de Turquía

Jubbaland

Parallèlement, le conflit avec la région du Jubbaland fait suite à des élections déclarées illégales par Mogadiscio. Ces élections ont donné lieu à de violents affrontements entre les partisans des séparatistes et les forces fédérales somaliennes. Les Somaliens et les Jubalandais s'accusent mutuellement d'être à l'origine des combats, au point que les deux parties ont lancé des mandats d'arrêt mutuels à l'encontre de leurs dirigeants respectifs.

Contrairement au Somaliland, le Jubbaland n'a pas le même pouvoir indépendant que la région séparatiste du nord. Frontalière de l'Éthiopie et du Kenya, l'économie du Jubbaland est basée sur les ressources minérales, bien que son faible pouvoir diplomatique et la présence constante de conflits armés avec Mogadiscio laissent la région dans un état de stagnation.

Le président somalien Hassan Sheikh Mohamud et le président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdogan - PHOTO/Presidencia de la República de Turquía

Présence d'Al-Shabaab

Indirectement, ces affrontements détournent l'attention de la lutte menée par l'Union africaine contre les forces du groupe extrémiste Al-Shabaab, qui contrôle plusieurs régions rurales du pays. Cette lutte est de plus en plus compromise par le manque de ressources et l'intensification du conflit. 

L'existence de ce groupe est une autre raison pour laquelle la Turquie se préoccupe de trouver une paix dans la région qui stabilisera toutes les composantes de la « Corne de l'Afrique » afin de s'assurer une plus grande influence sur le continent et de se positionner en tant qu'acteur mondial.