La controverse sur l'intervention militaire à Gaza divise l'Algérie

Le président algérien Abdelmajid Tebboune lors de la campagne électorale - PHOTO/RÉSEAUX SOCIAUX
Abdelkader Bengrina, chef du Mouvement national de construction algérien, a qualifié l'interprétation des déclarations du candidat à la présidence Abdelmadjid Tebboune d'« imprudente, stupide et suicidaire »

La tension survient au milieu d'une campagne électorale dans laquelle Tebboune est le candidat le plus probable à la réélection. La controverse découle d'une déclaration de M. Tebboune, dans laquelle il affirmait que « l'Algérie ne céderait pas la Palestine et que l'armée était prête à construire trois hôpitaux à Gaza en un temps record ». 

Abdelkader Bengrina, président du Mouvement pour la construction nationale de l'Algérie, prononce un discours au siège du parti à Alger - PHOTO/AFP

Abdelkader Bengrina, chef du Mouvement national algérien pour la construction de l'Algérie, a vivement critiqué l'ancien chef du Mouvement de la société algérienne pour la paix, Abdelrazak Makri, pour ses commentaires et interprétations de la déclaration du candidat à la présidence Abdelmadjid Tebboune, selon laquelle l'armée algérienne est prête à entrer à Gaza si l'Égypte ouvrait ses frontières.

M. Bengrina a qualifié l'interprétation de M. Makri d'« imprudente, stupide et suicidaire » et a déclaré dans un message publié sur Facebook : « Ne vous laissez pas tromper, la vérité est claire et ne tombera pas dans le piège de ses conspirations [celles de M. Makri] ».  

Certains ont interprété ces propos comme un signe que l'Algérie pourrait intervenir militairement dans le conflit de Gaza. Toutefois, M. Bengrina a souligné que le message de M. Tebboune concernait l'aide humanitaire et non l'aide militaire, ce à quoi les médias algériens ont répondu par l'affirmative et ont critiqué les allégations d'intervention militaire.  

Les médias ont également attaqué ceux qui ont basé leurs rapports sur ce qu'ils affirment être « des rumeurs politiques et un manque de professionnalisme dans la division d'un discours en phrases sans lien afin de déstabiliser la campagne électorale de l'actuel président ». Cependant, étant donné le temps pris par l'exécutif algérien pour répondre, les tensions n'ont pas été contenues.  

Abderrazak Makri, ancien secrétaire général du Mouvement de la société pour la paix (MSP) en Algérie - AFP/  RYAD KRAMDI

Entre-temps, Makri a exprimé son soutien à l'annonce de Tebboune, y voyant une opportunité pour l'Algérie d'aider la résistance palestinienne, y compris la possibilité d'une intervention militaire directe si la frontière entre l'Égypte et la bande de Gaza devait être ouverte.  

Dans le communiqué, Makri avance plusieurs idées pour répondre à l'appel de Tebboune à entrer dans Gaza. Soutenir la résistance palestinienne avec des armes, de la technologie et de l'argent, et appeler la coopération islamique à adopter une position collective sont les principales mesures proposées par l'ancien dirigeant du Mouvement algérien de la société pour la paix. 

« Soutenir la résistance palestinienne avec des armes et des capacités technologiques, et ils savent en profiter, comme ils ont profité d'Al-Zawari, et soutenir la résistance palestinienne avec de l'argent, et ils savent en tirer les conséquences. Permettez l'organisation de marches populaires en Algérie pour que notre peuple à Gaza voie notre soutien, pour que son moral soit renforcé et pour que les sionistes et leurs alliés voient qu'ils ne peuvent pas isoler Gaza tout seuls, et permettez l'organisation de manifestations devant l'ambassade des États-Unis pour que les Algériens puissent exprimer pacifiquement leur mécontentement face à l'implication des États-Unis d'Amérique dans le crime », peut-on lire dans la déclaration publiée par Makri sur ses réseaux sociaux.

Tours de guet du côté égyptien de la frontière avec la bande de Gaza - AFP/ GIUSEPPE CACACE

M. Bengrina a déclaré que même si la déclaration de M. Tebboune est mal interprétée, il est possible pour les autorités algériennes de négocier avec l'Egypte afin d'éviter tout malentendu sur les intentions de l'Algérie.  

Ces propos, tenus par M. Tebboune pendant sa campagne, ont provoqué une réaction immédiate de l'ambassadrice américaine en Algérie, Elizabeth Moore Aubin, qui a contacté le ministère algérien des affaires étrangères pour demander des explications.

Abdelmadjid Tebboune avec l'ambassadrice des États-Unis à Alger, Elizabeth Moore Aubin - PHOTO/REDES SOCIALES

Le gouvernement algérien a simplement publié un communiqué de presse réaffirmant sa position pacifiste et accusant les États-Unis de faire pression sur l'Algérie. L'absence de réaction du gouvernement algérien et la sensibilité de la société algérienne, qui se souvient des déclarations fortes de Tebboune sur la souveraineté du pays et sa capacité à résister à toute pression étrangère, ont encore compliqué la situation et exacerbé la controverse.  

Selon le communiqué de presse du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf a reçu l'ambassadrice des États-Unis d'Amérique en Algérie, Elizabeth Moore Aubin, au siège de son département. Outre les questions liées à la coopération bilatérale, l'entretien a permis d'évoquer les développements internationaux et régionaux, notamment les événements en cours au Moyen-Orient.  

Camp de personnes déplacées à Rafah, au sud de la bande de Gaza, près de la frontière égyptienne - PHOTO/AFP

Ahmed Attaf, poursuit le communiqué, a, au cours de cette « réunion » de crise, « renouvelé l'engagement de l'Algérie à contribuer à la recherche de solutions pacifiques aux différentes sources de crises et de conflits qui se déroulent dans les régions auxquelles appartient l'Algérie ».  

L'incident met en lumière les tensions diplomatiques entre l'Algérie et les Etats-Unis, d'autant plus que l'Algérie cherche à maintenir son leadership dans la région avec le soutien de la Russie, qui voit dans la région du Sahel sa porte d'entrée vers l'océan Atlantique, au moment où les Etats-Unis, le Qatar et l'Egypte négocient un cessez-le-feu dans la guerre Hamas-Israël qui dure depuis près de 11 mois, depuis que le conflit a éclaté à la suite des attentats du 7 octobre.