Crise entre l'Arabie saoudite et le Liban : Riyad ordonne à l'ambassadeur libanais de quitter le pays
Riyad a répondu aux critiques de George Kordahi sur le conflit au Yémen en ordonnant l'expulsion de l'ambassadeur libanais dans le pays. Le royaume saoudien va également "prendre un certain nombre de mesures en rapport avec cette affaire", comme le rapporte l'agence de presse nationale SPA. Il s'agit notamment d'une interdiction de toutes les importations en provenance du Liban. Riyad a également rappelé son ambassadeur à Beyrouth pour des consultations.
L'Arabie saoudite regrette "l'issue des relations avec le Liban en raison de l'ignorance des faits par ses autorités et de leur incapacité persistante à prendre des mesures correctives pour assurer la réalisation des relations auxquelles l'Arabie saoudite s'intéresse depuis longtemps", a déclaré SPA. Riyad a jugé les déclarations du ministre libanais "offensantes" et "déplorables", et a pris les mesures "nécessaires" pour "protéger la sécurité du pays".
En outre, l'agence de presse ajoute "l'absence de sanctions contre les personnes impliquées dans des crimes visant le peuple libanais et le manque de coopération dans l'extradition de personnes recherchées en Arabie saoudite". À cet égard, Riyad pointe du doigt le Hezbollah qui, selon le Royaume, a transformé le Liban "en une scène et une rampe de lancement pour mettre en œuvre les projets des pays qui ne veulent pas le meilleur pour le Liban et son peuple".
Quelques heures après que l'Arabie saoudite a annoncé cette mesure, le Bahreïn voisin a pris la même décision concernant son ambassadeur libanais. Comme Riyad, Manama a ordonné au diplomate de quitter le pays dans les 48 heures. Les Émirats arabes unis et le Koweït, après avoir rappelé leurs ambassadeurs au Liban en réponse aux commentaires de Kordahi, ont emboîté le pas à l'Arabie saoudite et au Bahreïn et ont ordonné l'expulsion de l'ambassadeur libanais. Le Conseil de coopération du Golfe a également condamné les remarques du ministre de l'information.
Il y a quelques jours, une vidéo de George Kordahi, ministre de l'Information, a commencé à circuler sur les médias sociaux pour commenter la situation au Yémen, un pays ravagé par la guerre depuis 2014. M. Kordahi a qualifié le conflit de "futile" et d'"agression de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis". En 2015, les deux pays sont intervenus dans le conflit pour soutenir le gouvernement internationalement reconnu d'Abdo Rabu Mansur Hadi. La coalition dirigée par Riyad a également lancé une offensive contre les milices chiites Houthis soutenues par l'Iran et accusées de graves crimes contre l'humanité.
L'Arabie saoudite considère également que les Houthis sont soutenus par le Hezbollah, un parti politique et une milice chiite libanaise fondée en 1982. Sur cette question particulière, M. Kordahi a noté que les Houthis "se défendent contre une agression extérieure". Le groupe armé chiite, quant à lui, a publié une déclaration saluant les commentaires de Kordahi sur la guerre au Yémen.
À la suite de cette controverse, M. Kordahi a tenu une conférence de presse à Beyrouth au cours de laquelle il a refusé de s'excuser pour ses déclarations passées. Le ministre et présentateur de télévision a fait ces commentaires avant de prendre ses fonctions au sein du nouveau gouvernement libanais. "Nous ne devons plus être soumis au chantage au Liban par qui que ce soit, que ce soit des pays, des ambassadeurs ou des individus", a souligné M. Kordahi. Le directeur de l'information du pays a déclaré qu'il ne démissionnerait pas de son poste. "Je n'ai fait de mal à personne, je n'ai attaqué personne. Je n'ai attaqué personne. Pourquoi devrais-je m'excuser ? J'ai exprimé mon opinion avec amour comme un être humain qui ressent la souffrance arabe", a-t-il expliqué.
Le Premier ministre libanais Najid Mikati a demandé à M. Kordahi de "prendre la décision appropriée en tenant compte de la situation nationale" pour résoudre la crise avec l'Arabie saoudite. Il a également décidé que le ministre libanais des affaires étrangères, Abdullah Bou Habib, resterait à Beyrouth et ne participerait pas à la conférence internationale sur le climat à Glasgow. "Nous pensons que ce qui se passe est un problème qui peut être résolu par un dialogue fraternel sincère", a déclaré Mikati après avoir appris la décision de Riyad.
Selon EFE, le premier ministre libanais a déclaré que son pays maintenait des "contacts" pour résoudre la crise diplomatique. "Nous espérons que les dirigeants du Royaume prendront en considération cette décision et, pour notre part, nous continuerons à travailler avec tous nos efforts et notre persévérance pour corriger les échecs et traiter ce qui doit l'être", a déclaré Mikati dans un communiqué, tel que rapporté par l'agence de presse.
Son prédécesseur, Saad Hariri, est également intervenu dans ce nouveau conflit entre Riyad et Beyrouth. "La responsabilité, avant tout, à cet égard, incombe au Hezbollah et à son hostilité déclarée envers les Arabes et les États arabes du Golfe", a tweeté l'ancien Premier ministre sunnite.
En avril, l'Arabie saoudite a annoncé qu'elle suspendait les importations agricoles en provenance du Liban, affirmant que ces cargaisons étaient utilisées pour la contrebande de drogues. Les autorités saoudiennes ont trouvé des amphétamines dans une cargaison de grenades dans le port de Jeddah. À l'époque, Riyad avait accusé Beyrouth d'inaction, ce qu'il a réitéré à la suite de la nouvelle crise diplomatique. "Le Liban a pris les mesures demandées par le Royaume pour arrêter l'exportation de drogues vers le Royaume", souligne l'Arabie saoudite.
Le mois suivant, en mai, l'ancien ministre libanais des affaires étrangères Charbel Wehbe a démissionné après avoir insinué que les pays du Golfe étaient derrière la montée de Daesh.
À cet égard, il convient également de noter la grave crise diplomatique qui a opposé les deux pays en 2017. La démission de M. Hariri a suscité une vive controverse entre Beyrouth et Riyad, les autorités libanaises ayant accusé l'Arabie saoudite d'avoir forcé la démission du premier ministre de l'époque. Riyad est allé jusqu'à affirmer que le gouvernement de Beyrouth serait traité "comme un gouvernement déclarant la guerre à l'Arabie saoudite" et a obligé tous ses citoyens à quitter le pays.