Par ailleurs, au lendemain du séisme, les médias français ont mis en cause les structures sanitaires du Royaume et la stratégie des autorités pour faire face à la catastrophe

La crise entre le Maroc et la France s'aggrave

AFP/FADEL SENNA - Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, rencontre son homologue française, Catherine Colonna, à Rabat, le 16 décembre 2022.

La situation délicate des relations entre le Maroc et la France ne semble pas s'améliorer. Selon un ancien ministre français lié au Royaume cité par Maghreb Intelligence, à l'Élysée on est bien conscient du mal que le président français Emmanuel Macron a fait aux liens franco-marocains, "mais on refuse obstinément de voir la réalité en face".

Pour le Maroc et le Palais royal en particulier, les relations avec Macron sont définitivement "mises au placard". "Les analystes français, qui semblent avoir découvert cette réalité en dehors du tremblement de terre d'Al Haouz, ne comprennent rien au Maroc de Mohamed VI", a déclaré un haut responsable marocain au portail.

D'autre part, selon un ancien ambassadeur de France à Rabat, le roi du Maroc - qui a une affection particulière pour la France et sa culture et entretient de nombreuses relations amicales dans le pays - "ne veut plus rien savoir du président de l'Elysée". "Sa Majesté n'aime pas tout ce qui a trait à la position, au comportement et aux déclarations d'Emmanuel Macron", a déclaré le diplomate à Maghreb Intelligence.

Les déclarations de l'ancien ambassadeur font par exemple référence au rapprochement diplomatique entre la France et l'Algérie, ainsi qu'au rejet par la France des demandes marocaines concernant le Sahara occidental, un dossier sur lequel Paris a pris une voie différente de celle d'autres pays comme les États-Unis et l'Espagne. Les médias rappellent également les attaques françaises contre le Royaume, y compris de la part des institutions européennes.  

PHOTO/AFP - La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna

Cette crise couve depuis deux ans, lorsque Macron a téléphoné au roi Mohammed VI pour lui demander des explications sur l'affaire Pegasus. À l'époque, le monarque marocain lui avait donné sa "parole de roi" que le Maroc était innocent. "La réponse d'Emmanuel Macron a été plutôt arrogante et indigne d'un chef d'État. Mohammed VI, en colère, lui a raccroché au nez et refuse depuis de le rencontrer ou de lui téléphoner", racontent des sources au média.

Quant à la situation actuelle, un expert des relations franco-marocaines affirme que Macron "n'utilisera pas le tremblement de terre comme excuse pour se réconcilier avec le roi", tandis que le Maroc "attendra simplement qu'il se retire de la présidence française". 

PHOTO/ Christophe Archambault vía AP - Photo d'archives, le roi du Maroc Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron après l'inauguration d'une ligne ferroviaire à grande vitesse à la gare de Rabat, jeudi 15 novembre 2018.

La couverture française du tremblement de terre provoque des critiques au Maroc 

En ce sens, le tremblement de terre semble avoir accentué l'éloignement des deux pays autrefois alliés. Une tribune de Jérôme Galveli dans Maghreb Intelligence intitulée "l'abjecte condescendance d'Emmanuel Macron et de ses médias a grandement blessé la fierté du peuple marocain et de son roi" souligne le rejet marocain de la couverture du séisme par les médias français.

"Une fois de plus, la classe médiatique française, avec ses 'analystes éclairés' et quelques patrons d'ONG suffisants, a cru bon de se pavaner à la télévision et à la radio, débitant à longueur de journée des inepties, des clichés et des poncifs à leurs téléspectateurs et auditeurs, à la grande honte des esprits colonialistes les plus obtus", dénonce Galveli.

L'article souligne également la "condescendance" des médias et analystes français, ainsi que "leurs préjugés infondés sur la gestion de la catastrophe par les autorités marocaines".

"Dix heures seulement après le séisme, des questions intempestives et hors sujet ont été posées sur la communication du roi, les structures sanitaires du Maroc et la stratégie des autorités pour faire face à la catastrophe", ajoute l'article.  

AFP/FADEL SENNA - Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita.

Elles ont également porté sur l'acheminement de l'aide internationale au Maroc, demandant aux autorités marocaines d'ouvrir largement le pays "à l'aide française" et expliquant le prétendu "rejet" marocain de la question du Sahara, du rapprochement franco-algérien ou de l'affaire Pegasus.

Maghreb Intelligence rappelle que, dès les premiers instants du séisme, des dizaines d'associations françaises et de secouristes bénévoles des villes et régions françaises se sont rendus sur place ou ont apporté leur aide sans entrave.  

REUTERS/NACHO DOCE - Un aperçu des dégâts suite au tremblement de terre meurtrier à Adassil, au Maroc.

"Les médias français ont également omis de préciser que leurs équipes travaillaient dans la zone sinistrée en toute sécurité et liberté, rendant compte de la réalité du terrain sans entrave ni censure", ajoute le communiqué.