Erdogan et Fidan rencontrent le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères sur fond de méfiance
La Chine a tenu sa première réunion avec un pays de l'OTAN depuis que l'organisation a accusé le pays de Xi Jinping de "s'efforcer de renverser l'ordre international fondé sur des règles, y compris dans les domaines spatial, cybernétique et maritime", selon le communiqué publié à l'issue du sommet de Vilnius. A cette occasion, c'est le nouveau ministre des affaires étrangères, Wang Yi, qui a récemment succédé à feu Qin Gang, qui s'est rendu en Turquie pour rencontrer son homologue Hakan Fidan et le président Recep Tayyip Erdogan.
L'objectif de la réunion était d'améliorer les relations bilatérales entre les deux pays, selon la présidence ottomane. Erdogan a exprimé la volonté de son pays d'organiser la première réunion du groupe de travail de haut niveau, créé pour "aligner l'initiative chinoise Belt and Road avec le projet turc de Middle Corridor". L'idée de ce projet est d'utiliser le bassin de la mer Caspienne pour relier la frontière orientale de la Turquie aux pays voisins.
Parmi les sujets abordés, la coopération dans des secteurs tels que l'énergie nucléaire, l'agriculture, l'aviation civile, la culture et le tourisme. La Turquie a un besoin urgent de partenaires pour l'aider à surmonter la situation économique difficile qu'elle connaît depuis un certain temps. D'où la volonté du président de se démarquer du communiqué de l'Alliance atlantique, dont la Turquie est membre.
Pourtant, Erdogan s'était déjà montré plus conciliant à l'égard de Pékin : "A une époque où les risques pour la sécurité mondiale augmentent, il est naturel de faire progresser la coopération globale et le dialogue politique avec nos partenaires de la région Asie-Pacifique, tant au niveau bilatéral que par le biais de l'OTAN". Il a également affirmé que "durant la réunion, j'ai particulièrement insisté sur le fait que ces liens devaient être renforcés sans viser un pays tiers", en référence à la Chine.
Toutefois, les observateurs estiment que les belles paroles d'Erdogan pourraient ne pas suffire à établir des relations solides avec la Chine. La raison remonte à plusieurs années, lorsque le président a qualifié de génocide l'action de la Chine contre la minorité turque ouïghoure en 2009. Bien que les relations entre la Turquie et la Chine se soient progressivement améliorées après ces déclarations virulentes, certains experts ne sont pas convaincus que ces dissensions historiques sont prêtes à être surmontées.
Pékin n'entrevoit pas encore une relation de pleine confiance. Soner Cagaptay, directeur du programme de recherche sur la Turquie à l'Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient, a déclaré à Al-Monitor que "ce qui est au cœur de ce problème [le manque de confiance], ce sont les liens profonds et historiques de la Turquie avec la diaspora ouïgoure et, bien sûr, avec les Ouïgours en Chine même".
Si une chose est claire, c'est que la Turquie, au-delà des problèmes historiques avec le géant asiatique, est engagée dans une recherche exhaustive de partenaires économiques, ce qu'elle n'essaie pas de cacher non plus. Les récentes visites dans les États du Golfe sont une nouvelle preuve des intentions ottomanes et du besoin urgent de revenus. À son arrivée en Arabie saoudite, Erdogan a déclaré que sa tournée au Moyen-Orient visait à accroître "les activités conjointes d'investissement et de commerce avec ces pays".
Il espère maintenant ajouter la Chine à cette liste de pays sur lesquels il compte pour atténuer la situation économique difficile de son pays. Mais la tâche ne s'annonce pas facile, malgré les efforts de la Turquie pour se dissocier de la confrontation de l'OTAN avec la Chine.