Mohammed bin Salman a reçu le président turc dans le but d'établir de nouveaux accords économiques

Erdogan se rend dans le Golfe pour sauver l'économie turque et accroître son influence au Moyen-Orient

PHOTO/ Bandar AL-JALOUD / Palais royal saoudien - Cette image fournie par le Palais royal saoudien montre le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salaman (à droite) accueillant le président turc Recep Tayyip Erdogan (à gauche) à Jeddah, le 17 juillet 2023

Recep Tayyip Erdogan a dirigé la délégation turque qui a atterri en Arabie saoudite pour renforcer les liens avec le leader régional. Environ 200 hommes d'affaires, investisseurs et propriétaires d'entreprises de différentes tailles ont accompagné le président ottoman lors de la première étape d'une tournée qui le conduira dans les trois États du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Qatar). Son arrivée lundi soir a été suivie de réunions avec des ministres et des fonctionnaires saoudiens, après quoi il a pu discuter avec le prince héritier d'une série d'accords dans les secteurs de l'énergie, de la défense, de la recherche et du développement, entre autres, que les deux dirigeants ont paraphés peu de temps après.

PHOTO/SPA/AFP - Le président turc Recep Tayyip Erdogan (2ème à gauche) et son épouse Emine Erdogan (à gauche) sont reçus par le vice-gouverneur de La Mecque, le prince Badr bin Sultan bin Abdulaziz (2ème à droite) et le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan (à droite) à leur arrivée à Djeddah, le 17 juillet 2023

Un autre point abordé lors de la réunion concernait deux contrats entre les Saoudiens et l'entreprise turque Baykar. Erdogan a précisé que l'objectif de cette série de voyages était "l'investissement conjoint et les activités commerciales avec ces pays". Les relations de la Turquie avec les pays du Golfe ne pouvaient guère être meilleures dès le départ. Au cours des deux dernières décennies, le volume des échanges entre la Turquie et ces trois pays est passé de 1,6 milliard de dollars à 22 milliards de dollars, un chiffre auquel Recep Tayyip Erdogan s'est référé en assurant que "grâce aux forums d'affaires qui seront organisés, nous chercherons des moyens d'accroître encore ce chiffre".

L'Arabie saoudite semble être l'un des principaux partenaires avec lesquels la Turquie souhaite renforcer ses liens. Rien que l'année dernière, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 6,5 milliards de dollars, un montant qui pourrait être dépassé cette année, puisque jusqu'à présent, en 2023, le volume des échanges a atteint 3,4 milliards de dollars. Le président turc a également fait référence aux secteurs dans lesquels il est le plus intéressé par la coopération avec les trois pays qu'il prévoit de visiter au cours de cette tournée : "La Turquie aura de sérieuses opportunités d'investissement dans l'industrie de la défense, les infrastructures et les investissements dans les superstructures dans les trois pays".

PHOTO/BAYKAR via REUTERS - Haluk Bayraktar, PDG du fabricant turc de drones Baykar, et Khaled bin Hussein Al-Bayari, vice-ministre saoudien de la Défense pour les affaires exécutives, assistent à une cérémonie de signature à Jeddah, en Arabie saoudite, le 18 juillet 2023

Il a également précisé que tous ces pays pourront bénéficier des actifs turcs, dans lesquels il attend des investissements importants de la part de ses partenaires du Golfe. La première de ces démarches n'a pas tardé, puisque Riyad était à la recherche de drones turcs, pour lesquels il a conclu un accord lors de la rencontre entre les dirigeants des deux pays. Cette acquisition a été confirmée sur Twitter par le ministre saoudien de la Défense, Khalid bin Salman al Saud, qui a assuré que son pays "achètera des drones dans le but d'améliorer la préparation des forces armées et d'accroître leurs capacités de défense et de fabrication".

AFP/Saudi Press Agency via REUTERS - Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman rencontre le président turc Recep Tayyip Erdogan à Jeddah, en Arabie saoudite, le 17 juillet 2023

La visite de la délégation turque dans la région a une motivation beaucoup plus délicate qu'il n'y paraît. Plus qu'une opportunité - ce qui est toujours le cas lorsque les partenaires sont ceux mentionnés - il s'agit d'une obligation. La Turquie a besoin de faire rentrer une somme d'argent importante avant le mois de novembre, date à laquelle elle devra rembourser sa dette. Pour cela, elle a besoin d'investissements directs étrangers et surtout d'augmenter ses réserves internationales de change. Pour cela, l'établissement d'une "nouvelle ère" avec les Saoudiens, comme le décrit le communiqué commun des deux administrations, est une excellente nouvelle pour les aspirations ottomanes.

Erdogan franchit ainsi un pas qui pourrait être accompagné d'autres qui continueront à modifier la configuration des relations diplomatiques dans la région, complètement renouvelée depuis le rétablissement des liens entre l'Arabie et l'Iran. Ceci, couplé au retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, ouvre la porte à un alignement de la position turque sur celle du pays de Bachar el-Assad. Erdogan lui-même a assuré que son pays n'avait jamais "fermé la porte" à des discussions avec le gouvernement syrien, tentant ainsi de détourner l'attention d'un contexte qui reste compliqué pour les Turcs.

AFP/OZAN KOSE - La livre turque a atteint son plus bas niveau face au dollar le 7 juin 2023, plus d'une semaine après la réélection du président Recep Tayyip Erdogan

La priorité du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan est de consolider sa position au Moyen-Orient en augmentant les investissements. Ce voyage est donc clé à la fois pour la situation économique de son pays, qui ne tient plus qu'à un fil depuis quelque temps, et pour son influence dans la région, là où le Golfe est justement dans une bonne passe. S'il est une chose que le président turc a démontré en presque dix ans à la tête du pays, c'est qu'il sait se mouvoir dans des situations extrêmes et profiter des moments de changement, comme celui que connaît actuellement la région. C'est maintenant qu'Ankara peut profiter d'une série de réajustements qui pourraient la placer dans une grande position d'alliance avec les pays du Golfe.