Erdogan se réconcilie avec l'Arabie saoudite en vue de l'économie
Le président turc Recep Tayyip Erdogan est en Arabie saoudite pour une visite officielle qui met en scène la nouvelle étape des relations entre les deux pays, brouillés depuis 2018. Ce voyage est de la plus haute importance pour le dirigeant turc, comme en témoigne le nombre élevé d'autorités compétentes qui ont accompagné Erdogan à Riyad.
La délégation qui s'est rendue en Arabie saoudite avec Erdogan comprend le ministre de l'Intérieur, Suleyman Soylu, le ministre de la Défense, Hulusi Akar, le ministre de la Justice, Bekir Bozdag, le ministre de la Santé, Fahrettin Koca, et le ministre des Finances, Nureddin Nebati.
La délégation turque comprend également le ministre de la Culture et du Tourisme, Mehmet Nuri Ersoy, le ministre du Commerce, Mehmet Muş, le vice-président du Parti de la justice et du développement, Binali Yildirim, le chef des services de renseignement, Hakan Fidan, et le directeur des communications présidentielles, Fahrettin Altun.
La présence d'un si grand nombre de hauts fonctionnaires de différents domaines reflète l'intention d'Erdogan d'entamer cette nouvelle phase avec le Royaume en se concentrant sur plusieurs questions clés. Mais s'il y en a un qui intéresse particulièrement le président turc, c'est bien l'économie. L'économie turque traverse des moments difficiles depuis le début de la crise de la lire, fin 2021, causée par les politiques monétaires controversées d'Erdogan.
Les mesures prises par le gouvernement, vivement critiquées par les économistes internationaux, ont provoqué une inflation de plus de 60 %. À cette situation s'ajoutent les conséquences de la guerre en Ukraine, qui touchent également d'autres pays. Le prix de l'essence, par exemple, a augmenté de 32 % en mars, tandis que les prix ont augmenté de 4,7 % le même mois en raison de problèmes dans la chaîne d'approvisionnement de certains produits en provenance d'Ukraine, comme l'huile de tournesol.
Pour ces raisons, l'économie est un point essentiel de la visite d'Erdogan en Arabie saoudite. Comme le souligne Al-Arab, les cercles politiques du Golfe ont indiqué que le dirigeant turc est arrivé à Riyad en quête d'aide pour sortir l'économie de son pays de la crise. En effet, avant de s'envoler pour le Royaume, Erdogan a déclaré que l'Arabie saoudite "a une place spéciale en Turquie en raison des relations commerciales, des investissements et des projets", rapporte le quotidien arabe.
Pour tenter de renforcer cette union économique et en tirer profit, Erdogan fera de son mieux pour mettre de côté l'affaire du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khasogghi, principal point de discorde entre Ankara et Riyad. Après avoir accusé pendant des années les "plus hauts niveaux" du gouvernement saoudien de la mort du chroniqueur du Washington Post, la justice turque a décidé de clore l'affaire et de la transférer en Arabie saoudite.
Les démarches d'Ankara concernant le meurtre de Khasoggi visent à plaire à l'Arabie saoudite et à obtenir des fonds de ce pays pour stimuler l'économie nationale. Aussi, avec ce voyage, Erdogan espère que Riyad lèvera le boycott officieux imposé en 2020 sur les produits turcs. À la suite de cette mesure, les exportations turques vers l'Arabie saoudite ont diminué de 2,7 milliards de dollars en 2018 à 189 millions de dollars en 2021, selon Middle East Monitor.
Selon Reuters, Ankara pourrait chercher à conclure avec Riyad un accord similaire aux accords d'échange de devises existants avec la Chine, le Qatar, la Corée du Sud et les Émirats arabes unis, d'une valeur totale de 28 milliards de dollars. Quelques jours avant cette visite, le ministre turc des Finances, Nebati, a déclaré qu'il avait discuté de la coopération économique et commerciale et échangé des points de vue avec son homologue saoudien.
Avec Riyad, Erdogan suit la voie qu'il a empruntée avec d'autres pays de la région pour renforcer les liens bilatéraux et conclure des accords économiques. Fin 2021, le président turc a invité le cheikh Mohammed bin Zayed al-Nahyan, prince héritier d'Abou Dhabi et dirigeant "de facto" des Émirats arabes unis, en Turquie pour la première fois depuis dix ans. Au cours de la réunion, Abu Dhabi a annoncé la création d'un fonds de 10 milliards de dollars pour encourager les investissements en Turquie. Plus tard cette année, les deux pays ont signé un accord visant à promouvoir le commerce bilatéral. De même, Erdogan s'efforce de renforcer les liens avec d'autres pays de la région, tels qu'Israël et l'Égypte.
Erdogan tente de redresser les perspectives économiques avant les élections présidentielles de l'année prochaine, puisque, selon les sondages de Metropoll Research, la cote de popularité du président est la plus basse depuis 2015, à 38,6 %, selon Reuters. Un autre sondage Metropoll a montré que 36,7 % des personnes interrogées pensaient que la coalition d'opposition était mieux préparée à améliorer l'économie, contre 35,4 % qui faisaient confiance au parti AKP d'Erdogan.