Face au Hirak, le Président algérien convoque des élections législatives anticipées
Comme promis, le Président algérien Abdelmadjid Tebboune a convoqué jeudi des élections législatives anticipées pour le 12 juin, selon le décret de convocation des élections.
"En application des dispositions de l'article 151, alinéa 2, de la Constitution, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a signé le 11 mars 2021, le décret présidentiel 96-01 relatif à la convocation du corps électoral pour les élections législatives, dont la date est fixée au samedi 12 juin 2021", précise le communiqué, selon l'agence Algérie Press Service.
Les dernières élections législatives en Algérie ont eu lieu en mai 2017 et ont été remportées par le Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique du pays) et le Rassemblement national démocratique (RND), les deux principaux partis de l'alliance présidentielle qui a soutenu Bouteflika pendant les quatrième et cinquième mandats.
Une fois arrivé à la présidence du pays, Tebboune a promis de mettre en œuvre des changements politiques et économiques pour tenter de mettre fin au mouvement de protestation, le Hirak, qui exigeait le départ de toute l'élite dirigeante. Un jour après son élection, Tebboune avait déjà gracié 76 détenus, dont des figures du Hirak. Ce nouveau geste d'apaisement du Président, tout juste rentré d'un long séjour à l'hôpital en Allemagne, intervient avant le deuxième anniversaire du Hirak, le 22 février. Dans une allocution à la nation, jeudi, le Président Abdelmadjid Tebboune a déclaré : "Le Hirak béni a sauvé l'Algérie."
Les prochaines élections législatives se tiendront sur la base d'une nouvelle loi électorale, que le Président algérien a également ratifiée jeudi. La loi fixe les règles de financement et de contrôle des campagnes électorales. Il est interdit à tout candidat de recevoir des dons en espèces ou en nature d'un État étranger ou d'une personne physique ou morale de nationalité étrangère.
Les élections législatives devaient se tenir en 2022, mais à la veille de l'anniversaire du Hirak, le Président Tebboune, élu en décembre 2019 avec un très faible taux de participation lors d'une élection boycottée par le mouvement de contestation, le Hirak, a dissous l'Assemblée nationale populaire (APN), la chambre basse du Parlement, et annoncé le 21 février un remaniement limité du gouvernement, pour tenter de faire face aux nouveaux rassemblements et ouvrir la voie aux élections.
Lors des prochaines élections, les Algériens devront élire pour cinq ans les 462 députés de la huitième législature de l'Assemblée populaire nationale, dans ce qui sera le deuxième rendez-vous avec les urnes depuis l'arrivée de Tebboune à la présidence, après le référendum sur la Constitution organisé en novembre 2020 qui accorde plus de pouvoirs au Premier ministre et au Parlement.
Dans un geste d'apaisement et une tentative de reprise en main face à la reprise du mouvement du Hirak dans la rue, et pour répondre à la crise politique qui secoue le gouvernement depuis deux ans, l'actuel Président de l'Algérie, Tebboune s'est engagé à prendre des mesures visant à diversifier l'économie pour réduire la dépendance au pétrole et au gaz, qui représentent 60 % du budget de l'État et 94% du total des recettes d'exportation. Les Algériens attendent la mise en œuvre des réformes économiques et politiques promises par Tebboune après avoir succédé à Bouteflika, qui a quitté le pouvoir en 2019 à la suite de manifestations de masse après deux décennies au pouvoir.
Le pays, membre nord-africain de l'OPEP, a été soumis à une forte pression financière en raison d'une chute brutale des recettes énergétiques, ce qui a contraint le gouvernement à réduire les dépenses et à retarder certains projets d'investissement prévus. Le Président algérien est rentré début février d'Allemagne, où il a été opéré du pied pour des complications liées à une infection à coronavirus. Pendant son absence, le pays a connu une multitude de protestations. Le besoin d'un changement de génération à la tête du pays a été l'une des raisons des protestations, d'abord contre Bouteflika et maintenant avec Tebboune. Cette fois, les manifestants sont descendus dans la rue pour protester contre le gouvernement actuel, qui, selon eux, a peu changé par rapport à celui dirigé pendant deux décennies par M. Bouteflika.
Après la démission de l'ancien Président Bouteflika, les manifestants ont poursuivi leurs actions en exigeant une refonte complète du système de gouvernement en place depuis l'indépendance de l'Algérie vis-à-vis de la France en 1962. Ces manifestations ont été suspendues en mars 2020 en raison des restrictions imposées par le coronavirus. A Alger, cette nouvelle marche est la plus grande manifestation depuis sa suspension le 13 mars dernier.
Les manifestants continuent de réclamer le démantèlement du "système" politique en place depuis l'indépendance de l'Algérie (1962), qu'ils considèrent comme synonyme de corruption et d'autoritarisme. Abdelmadjid Tebboune a déjà multiplié les appels pour que "les portes du Parlement soient ouvertes aux jeunes", considérant qu'"ils doivent avoir un poids politique".