Fractures internes croissantes entre les milices irakiennes
L'assassinat d'Abu Mahdi al-Muhandis, commandant de la milice irakienne, ainsi que du soldat iranien Qassem Soleimani dans une attaque de drones américains, a laissé un vide de pouvoir dans la milice irakienne. Ces morts ont mis au défi les milices soutenues par l'Iran en Irak, où les Etats-Unis veulent renverser l'influence de leur ennemi régional Téhéran.
Ce vide a été comblé par Abdul Aziz al-Mohammedawi, un commandant de milice irakien formé en Iran. De nombreux miliciens pro-iraniens espéraient que ce serait la solution à leurs problèmes, et qu'Al-Mohammedawi, connu sous le nom de guerre d'Abu Fadak, remplacerait Al-Muhandis en tant que chef général des groupes paramilitaires irakiens.
Bien au contraire. Diverses factions ont refusé de reconnaître Abu Fadak comme le commandant du groupe de coordination de la milice irakienne, les Unités de mobilisation populaire (PMF), et même au sein de son propre groupe, le Kataïb Hezbollah, certains s'opposent à ce qu'il prenne les rênes.
Le PMF est apparu à la mi-2014 comme un ensemble de milices, principalement chiites, mais comprenant également des factions chrétiennes et sunnites. Ils sont nés pour faire face à l'offensive de Daesh sur Bagdad, après que le principal religieux musulman chiite d'Irak, le Grand Ayatollah Ali al-Sistani, ait appelé tous les hommes capables à prendre les armes contre les militants sunnites. Ces milices soutenues par le gouvernement jouent un rôle essentiel dans la défense de la capitale irakienne. Le soutien iranien est également crucial pour maintenir ces groupes, en particulier pour organiser les PMF et fournir des équipements, des formations et un soutien logistique.
Aujourd'hui, selon l'agence de presse Reuters, des sources au sein des factions du PMF soutenues par l'Iran et des commandants de groupes moins proches de Téhéran décrivent des fractures croissantes sur le leadership iranien et une réduction des financements. Le PMF est financé par l'État irakien et comprend des dizaines de milices, pour la plupart chiites, d'allégeances diverses, mais il est dominé par des factions ayant des liens étroits en Iran, notamment le Kataïb Hezbollah d'Al-Muhandis. Le PMF se compose d'environ 40 organisations de bénévoles, dont l'Organisation Badr, Asaib Ahl al-Haq et des unités kurdes appartenant au gouvernement régional du Kurdistan.
La lutte pour la direction du PMF a ouvert la porte à la confrontation. Le Kataïb Hezbollah a annoncé en février que Mohammedawi prendrait la direction militaire du PMF, mais les factions au sein de ce groupe s'y opposent fortement, notamment en raison du changement d'alliances que Mohammedawi a opéré.
Ces fissures qui se sont ouvertes dans les milices ont accéléré leur retrait de la scène politique, où leurs dirigeants, qui ont occupé des postes gouvernementaux et des sièges au Parlement, se cachent par crainte d'être tués par les États-Unis et font face à la dissidence anti-iranienne dans les rues.
Touchées, mais pas coulées, les milices ont intensifié leurs attaques contre les forces dirigées par les États-Unis en Irak. Les autorités militaires et diplomatiques occidentales affirment que cela augmente la possibilité d'une escalade entre Washington et Téhéran.
Ces divisions signifient que les groupes commencent à organiser des attaques de leur propre chef, comme l'attaque de la base militaire de Taji. Cette attaque a tué deux soldats américains et un soldat britannique à la mi-mars.
D'autres factions, plus proches du grand ayatollah Al-Sistani, qui ne se réjouissent pas de l'hégémonie iranienne sur le PMF, ont également rejeté publiquement la prétention de Mohammedawi à diriger les milices. Al-Sistani est un fervent défenseur de la séparation entre l'islam et l'État et donc contraire à la vision du leader iranien Khamenei.
Ce groupe serait favorable à une union entre l'armée irakienne et les milices, une mesure qui réduirait considérablement les liens avec l'Iran. Cependant, selon Reuters, aucun de ces mouvements ne peut être rendu officiel avant la mise en place du nouveau gouvernement.
Le mois dernier, le président Barham Saleh a nommé Adnan al-Zurfi, auquel s'opposent les commandants des milices, au poste de Premier ministre car il a toujours été accompagné d'une complaisance envers les États-Unis.
Le Kataïb Hezbollah a averti il y a quelques semaines qu'il combattrait toute force qui coopère avec Washington pour attaquer les milices.