A un an des élections, les choses commencent à trembler dans certaines sphères du pouvoir algérien. Chacun tente de préserver son avenir en avançant ses pions

Le général Mehenna crée une chaîne de télévision à Paris pour préparer les élections présidentielles de 2024 en Algérie

Le général Djebbar Mehenna, directeur de la sécurité étrangère algérienne

Bien que l’armée demeure le seul centre décisionnaire dans le choix du locataire du palais d’El-Mouradia foulant au pied la souveraineté populaire, il n’en demeure pas moins que certains gradés conscients de la vulnérabilité qui marque l’institution militaire et son instabilité cherchent à prendre l’initiative pour ne pas rester sur le carreau du jour au lendemain.

L’on se souvient comment le général-major Wacini Bouazza installé à la tête des services de la sécurité intérieure, par feu Gaïd Salah, alors vice-ministre de la défense nationale et chef d’état-major de l’armée, avait trahi son parrain dès le début de la campagne électorale en jouant la carte du ministre de la communication, Azzedine Mihoubi, qu’il propulsa à la tête des candidats à la magistrature suprême pour la joute électorale de décembre 2019. Il a failli réussir son coup n’était-ce l’insistance du général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah à désigner Abdelmajid Tebboune à la présidence de la république. 

Lorsque le patron de la sécurité intérieure annonça au vieux soldat, au début de la matinée du 13 décembre 2019, que le scrutin avait donné comme vainqueur Azzedine Mihoubi, ordre lui a été donné de déclarer Abdelmajid Tebboune quelque que soit le résultat d’une élection boycottée par la grande majorité du peuple algérien. 

Résultat des courses : Tebboune est depuis le 19 décembre aux commandes du pays tandis que l’officier qui a cherché à lui damer le pion pour placer son poulain est, aujourd’hui derrière les barreaux de la prison militaire de Blida où il est condamné à purger une peine de 16 ans tout en se voyant dégradé au rang de simple homme de troupe.

Cinq ans plus tard, le scénario de Wacini Bouazza risque d’être réédité par le patron de la Sécurité extérieure, cette fois-ci, le général major Djebbar Mehenna qui a, déjà, passé un court séjour de 11 mois (d’octobre 2019 à juillet 2020), à la prison militaire de Blida pour enrichissement illicite.

De source bien informée, le général Djebbar Mehenna, directeur général de la sécurité extérieure (DGDSE) vient de charger l’un des relais médiatiques activant dans les réseaux sociaux de créer une chaîne de télévision en prévision de l’élection présidentielle de décembre 2024. L’objectif de la chaîne est de revêtir l’habit de l’opposition en prenant pour cible le président Tebboune, son conseiller Boualem Boualem et le patron de la police Farid Bencheikh. 

Une façon de barrer la route à l’actuel locataire du palais d’El-Mouradia pour un second mandat et ouvrir la voie à un poulain qu’aurait choisi le général Mehenna et son clan.

En parlant de clan, il est tout à fait évident que le patron de la sécurité extérieure n’agit pas en solo. Faut-il rappeler qu’il doit aux généraux à la retraite Mohamed Mediène alias Tewfik (l’ex-patron des services secrets de 1990 à 2015) et Khaled Nezzar (l’ex-ministre de la Défense nationale de 1990 à 1993) sa sortie de prison et son retour sur scène à un poste qui lui permet de siéger au Haut Conseil de Sécurité. 

Abdelmajid Tebboune et Saïd Chengriha

Il doit beaucoup à ces deux hommes dont il était l’exécutant docile de leurs ordres durant la guerre civile. Deux hommes qui ne portent pas dans leur cœur Abdelmajid Tebboune dont le parrain n’est autre que leur ennemi juré feu Gaïd Salah. Il avait jeté l’un en prison et l’autre contraint à la fuite avec une peine de 20 ans de prison par contumace qui lui collait au dos.

On ne peut, donc, exclure le rôle de ces deux hommes notamment le général Tewfik. Son compère Khaled Nezzar très malade et très diminué physiquement passe le relais à son fils Lotfi impliqué dans de graves affaires de corruption et de blanchiment d’argent. C’est, d’ailleurs, lui qui s’est chargé de trouver le sbire qui donnera corps au projet de la chaîne de télévision. 

Un sbire sans expérience aucune dans le monde de la presse. Encore moins dans le domaine de l’audiovisuel. Toute son expérience se limite à un passage dans un journal arabophone algérien où il réceptionnait le courrier des lecteurs et le prise en charge de la rubrique des annonces matrimoniales. Sans ancrage aucun dans le milieu de la presse pour constituer une équipe de journalistes et de techniciens, il lui serait impossible de donner satisfaction à ses mentors. 

Son seul atout est son opportunisme et sa servilité à celui qui lui offre le plus. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il bénéficie du statut de réfugié politique en Grande Bretagne mais il est connu pour son obédience au pouvoir en place et notamment les services secrets dont il est l’un des relais médiatiques le plus insolent. Ses cibles préférées sont l’opposition algérienne à l’étranger en usant de grossiers mensonges sans scrupule aucune et le Maroc.

Le général Chengriha serait-il dans le coup ?

Si les généraux Tewfik et Nezzar se tiennent derrière le général Djebbar pour les raisons précédemment évoquées, le général Saïd Chengriha, le chef d’état-major de l’armée et l’homme fort du régime, serait-il au parfum et d’accord pour la création d’une chaîne de télévision à Paris pour barrer la route à Tebboun pour un second mandat ? Difficile à le croire. Saïd Chengriha n’a nullement besoin de toute cette agitation pour dégommer Tebboune. 

Il lui suffit de lui dire de quitter la table et le président exécutera. Il sait très bien qu’il n’est qu’un homme lige entre les mains des militaires. Il n’a aucune force sur laquelle s’appuyer pour s’opposer à la volonté des généraux qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Même si son véritable mentor avait ce monde une semaine après son investiture, il doit son mandat présidentiel aux généraux de l’armée et principalement au successeur de Gaïd Salah.

PHOTO/DOSSIER - Saïd Chengriha, chef d'état-major général de l'Algérie

Dans le cas où le chef d’état-major de l’armée n’est pas dans le coup, on peut aisément dire que le général Djebbar réédite le scénario de Wacini Bouazza qui s’était appuyé, à l’époque, sur la chaîne de télévision An-nahar de Mohamed Megueddem alias Anis Rahmani. On connaît, aujourd’hui, ce qu’il est advenu des deux hommes. L’un à la prison militaire de Blida pour purger la peine de 16 ans et l’autre est pensionnaire au pénitencier d’El-Menia à 700 km au sud d’Alger pour une durée de 10 ans. 

Des financiers otages contraints et forcés

Pour mettre à exécution le projet, le général Djebbar n’a pas besoin de mettre la main à la poche bien qu’il dispose d’une importante fortune amassée durant la guerre civile. Il est de notoriété publique que Djebbar Mehenna soumettait au racket les hommes d’affaires de la Kabylie, dont il est originaire, et de Blida et ses environs où il avait sévi durant la guerre civile à la tête du principal centre d’investigations et de recherches. 

Un centre où les détenus ne devaient leur libération qu’après paiement d’une rançon. Il sévissait, également, comme proxénète dans le plus grand hôtel de la ville de Blida qu’il avait transformé en un grand lupanar pour des prostituées qui offraient leur charme aux nombreux officiers de cette ville garnison siège de la 1ère Région Militaire et qui compte de nombreuses casernes dont l’Ecole de Formation des Officiers de Réserve (EFOR).

Ses protecteurs et associés, eux aussi, ne mettent pas la main à la poche pour la création d’une chaîne de télévision dont ils comptent tirer un grand bénéfice. Comme il l’avait fait en 2014, alors qu’il était directeur central de la sécurité militaire avec la chaîne ATLAS à Alger. Alors que le propriétaire de cette chaîne, un jeune homme d’affaire qui répond au nom de Hichem Bouallouche, n’avait absolument aucune relation avec le monde politique et voulait faire de sa chaîne de télévision une chaîne de divertissement, il s’est trouvé dans de sales draps depuis qu’un proche parent du général Mehenna lui mit le pied dans l’étrier de la politique. 

Sur instructions du patron de la sécurité de l’armée, la chaîne se met au service du candidat à la présidentielle de 2014, Ali Benflis. Résultat des courses : le propriétaire de la chaîne sera seul à subir les foudres de guerre de Bouteflika, victorieux de l’élection, et se retrouve demandeur d’asile en Italie, les locaux de sa chaîne sous scellés, ses frères interdits de sortie du territoire national et condamnés à des peines de prison. Bien avant son renvoi de l’armée, le général Djebbar Mehenna ne sera d’aucun secours à Hichem Bouallouche.

Pour sa seconde expérience dans le monde des médias lourds en vue de faire gagner la présidentielle à un poulain qu’il aurait choisi avec son clan, le général Djebbar Mehenna a contraint quelques hommes d’affaires de préparer la première cagnotte d’un montant d’un million d’euros remis récemment à celui qui est appelé à réaliser le projet. 

Le suivi de l’exécution est assuré par des officiers fidèles au patron de la sécurité extérieure dont le colonel Souaï Zerguine alias Mouadh. Seront également de la partie, les officiers Bachir et Ahlmed Touati alias Houari l’oranais qui est originaire de la Kabylie. 

Ces officiers ont remis cinq flash disk à l’exécutant du projet contenant des enregistrements compromettants pour les enfants du président Tebboune notamment Zohra et Khaled et les enfants de son conseillers Boualem Boualem, Skander et Noureddine.

Pour augmenter le montant de la cagnotte, les hommes du général Djebbar ont arrêté un homme d’affaires à Oran, propriétaire des hôtels Eden dans l’ouest algérien et lui ont soutiré la somme de 200.000 euros. C’est ainsi que se fait le financement d’une chaîne qui va promettre aux Algériens des jours meilleurs avec un nouveau président marionnette du général Djebbar et ses acolytes.