La Marine grecque a repéré ces derniers jours six navires turcs soupçonnés de transférer illégalement des réfugiés

La Grèce soupçonne la Turquie d'avoir l'intention de faire venir illégalement des migrants sur ses côtes

PHOTO/AFP - Photo d'archive d'un dragueur de mines des forces navales turques

Les tensions entre la Grèce et la Turquie continuent de s'accroître. Cette fois, la situation s'est aggravée dans le contexte de la crise migratoire que traversent les deux pays. Selon des sources de la marine grecque citées par le quotidien Kathimerini, jusqu'à six navires battant pavillon turc ont été aperçus en mer Égée ces derniers jours, tous soupçonnés d'avoir embarqué des migrants pour les faire entrer clandestinement dans les îles grecques.

Le journal grec estime que le nombre de migrants - pour la plupart des réfugiés - à bord des cargos se compterait par centaines, une activité qui pourrait être considérée comme un trafic d'êtres humains. Pour l'instant, les navires de la marine grecque ont suivi les navires turcs et les ont forcés à se replier dans leurs propres eaux.

Ils sont en attente, surveillant tous les mouvements des navires turcs, mais sont prêts à agir lorsqu'on leur ordonne d'intercepter leur trajectoire à l'approche des côtes.

Le 16 mars, en effet, un navire turc avec 193 migrants à bord a quitté le port de Çanakkale, à l'extrémité occidentale du pays d'Anatolie, pour la côte italienne. Cependant, il s'est échoué sur quelques rochers de l'île grecque de Kea et les patrouilles côtières grecques n'ont eu d'autre choix que de les ramener à terre.

La crise des réfugiés, un thème récurrent dans l'ouvrage d'Erdogan

Les autorités grecques craignent que d'autres incidents du même type ne se reproduisent ces jours-ci si la Turquie continue à envoyer des bateaux chargés de migrants sur ses côtes. Depuis que le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan a rouvert ses frontières pour permettre le passage des réfugiés de Syrie vers le sol de l'Union européenne, Ankara et Athènes ont déjà connu plusieurs épisodes de tension maximale.

La décision du gouvernement turc a été interprétée comme une tentative de faire pression sur Bruxelles pour qu'elle envisage une plus grande implication dans la guerre en Syrie. Cependant, ni les autorités de l'UE ni celles des pays limitrophes n'ont suivi cette voie. La fermeture des frontières par les territoires européens a laissé des milliers de réfugiés bloqués à la frontière, dans le no man's land et incapables de retourner en Turquie. Enfin, la Commission européenne et le gouvernement d'Erdogan ont négocié un nouvel accord sur la migration entre les deux parties qui met à jour celui signé en 2016.

Cette stratégie a fait de la Turquie l'un des pays qui a accueilli le plus de réfugiés fuyant des guerres comme celles qui ont eu lieu en Syrie ou en Afghanistan. Au total, on estime qu'entre trois millions et demi et quatre millions de personnes déplacées vivent dans le pays, dont beaucoup dans des camps qui ne répondent pas à des conditions sanitaires et hygiéniques décentes. Au cours des dernières années, Erdogan avait menacé à plusieurs reprises d'ouvrir sa frontière occidentale, ce qui aurait signifié une avalanche migratoire très difficile à gérer pour ses pays voisins, déjà touchés par cette réalité, notamment la Grèce.

Athènes-Ankara : un axe en tension

Bien que les relations entre Athènes et Ankara n'aient jamais été particulièrement harmonieuses, les derniers mois ont contribué de manière significative à les rendre encore plus harmonieuses. Le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis a considéré la politique étrangère expansionniste de la Turquie dans toute la zone de la Méditerranée orientale comme une menace pour sa souveraineté.

En particulier, le conflit sur les eaux est le plus brûlant. Fin 2019, Erdogan a signé un pacte avec le gouvernement de concorde nationale (GNA) de Fayez Sarraj à Tripoli qui garantissait aux entreprises extractives turques un accès préférentiel aux ressources en gaz naturel au large des côtes libyennes. Ce document impliquait, de facto, la création d'une sorte de corridor maritime reliant les côtes des deux pays.

Cet accord n'a toutefois pas été accueilli favorablement par la Grèce, Chypre et l'Égypte, qui l'ont considéré comme contraire aux dispositions existantes du droit international de la mer et donc inapplicable. Le conflit a atteint un tel niveau que le gouvernement grec a tenu des discussions avec le maréchal rebelle Khalifa Haftar, le rival du NAG de Sarraj dans la guerre dans ce pays d'Afrique du Nord.

La position de l'OTAN sur cette situation est particulièrement difficile, car les deux États font partie de l'Alliance atlantique. Pour l'instant, la Grèce s'est clairement positionnée aux côtés des États-Unis, avec lesquels elle a récemment signé de nouveaux accords pour recevoir des unités destinées à moderniser sa force aérienne. La Turquie, en revanche, a joué un double jeu entre Washington et Moscou, de sorte que sa ligne de conduite a été considérablement moins définie.