Kosovo : une affiche ne suffit pas, mais elle commence à parler
Le 17 février est le jour de l'indépendance du Kosovo, une indépendance qui ne peut pas encore être criée à haute voix car il s'agit d'un État partiellement reconnu. La moitié des États membres des Nations unies, dont l'Espagne, comprennent que cette République fait toujours partie de la Serbie, un des aspects qui a rendu son intégration européenne plus difficile depuis sa déclaration en 2008.
Outre les obstacles diplomatiques, le Kosovo a dû faire face à de nombreux défis qui, dans certains cas, ont entraîné une perte de confiance de ses citoyens dans les institutions. Il s'agit notamment de la corruption, du népotisme, de l'instabilité politique, du peu de progrès dans la libéralisation des visas, du taux de chômage élevé, de la fuite des cerveaux qui en résulte et, enfin, des hauts et des bas du dialogue avec la Serbie.
Dans de nombreux cas, les principales victimes ont été les femmes, qui ont plus de difficultés à accéder au marché du travail, surtout les plus jeunes.
Malgré ce sombre scénario, comme chaque 17 février, beaucoup descendent dans la rue pour agiter leurs drapeaux afin de célébrer l'indépendance tant attendue. Certains portent le drapeau officiel du Kosovo, d'autres celui de l'Albanie, car environ 93% de la population est albanaise.
Le point de rencontre principal est le monument emblématique NEWBORN, qui - comme son nom l'indique en anglais - célèbre le fait d'être le nouveau-né de l'Europe. Depuis sa création, ce monument change de design chaque 17 février. A cette occasion, l'hommage a cherché à rendre visible l'un des aspects les plus cruciaux de tout conflit : la violence sexuelle comme arme de guerre.
Ainsi, le mot NEWBORN est devenu un acronyme : Never Ending Wars Bring Opression, Rape and Neglect. (En français : « Les guerres sans fin entraînent l'oppression, le viol et l'abandon »). Si le message est universel, la référence immédiate est l'utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre pendant le conflit qui a fait la une des journaux du monde en 1998-1999.
Les lettres colorées sur fond noir cherchent à mettre en évidence la souffrance des femmes kosovares pendant et après le conflit et la stigmatisation dont elles sont quotidiennement victimes dans une société traditionnelle et patriarcale. L'une des phrases incluses est la suivante :
« Il venait l'après-midi et restait toute la nuit jusqu'au matin, vingt-deux jours, le même gars chaque nuit. Les choses qu'il m'a faites... Je n'ai pas de mots pour les décrire. Horribles ! C'est comme regarder la mort tout le temps, la mort devant soi, mais on ne meurt pas ».
L'hommage vise également à mettre en lumière la résilience des victimes, tandis que les dessins de fleurs, d'oiseaux et de papillons représentent l'espoir et la liberté.
Juste en face du monument NEWBORN, vous trouverez le mémorial connu sous le nom d'Héroinat (en albanais, Héroïnes en français) en tant que témoin lors de l'inauguration du nouveau design, composé de 20145 médailles qui reflètent chacune des femmes albanaises qui ont souffert des horreurs de la guerre dans sa propre chair.
Le Kosovo a pris des mesures en vue de la reconnaissance juridique des victimes de violences sexuelles grâce à une aide financière de 230 euros par mois. Cependant, de nombreuses femmes et hommes continuent de garder leur expérience de ce qu'ils ont vu ou ressenti pendant la guerre. En particulier, les femmes restent largement interrogées même par leur propre famille pour les événements horribles qu'elles ont dû vivre. Bien que les organisations de la société civile et les militants aient fait des efforts importants pour inscrire à l'agenda politique des questions telles que la violence sexuelle et la participation active des femmes, il reste encore beaucoup à faire.
2020 sera une année pleine de nouveaux défis pour le Kosovo, mais aussi de nouvelles opportunités, en particulier pour les femmes. Bien que l'égalité ne soit pas totale à tous les niveaux, les femmes sont mieux représentées au Parlement et au sein du gouvernement depuis les élections d'octobre dernier.
La société kosovare doit rassembler toutes les couches de la société sans distinction de couleur pour documenter la souffrance des victimes qui ont vécu les terribles conséquences du conflit, ainsi que pour changer la conscience de ceux qui continuent à blâmer les femmes pour ce qui leur est arrivé. Ce n'est qu'ainsi qu'il sera possible d'obtenir justice et d'apporter le soutien nécessaire aux victimes après deux décennies d'ombre.
Malgré les progrès et les efforts accomplis, il reste beaucoup à faire au Kosovo pour changer la mentalité qui perpétue la souffrance de ces victimes. Les autorités doivent prendre des mesures pour rendre la justice et accorder des réparations. Toutefois, cette initiative doit être applaudie, non seulement parce que cette représentation rendra les victimes de violence sexuelle plus visibles, mais aussi parce qu'elle a été faite de manière neutre, en ne se référant pas seulement à une communauté, mais en l'englobant comme quelque chose qui peut être vécu par n'importe qui, quelle que soit son origine ethnique.