La guerre se poursuit, l’hiver arrive, l’Ukraine se prépare
Après une pause opérationnelle de l’armée russe, les tirs ont regagné en intensité sur le front du Donbass, constituant aujourd’hui le point central et géographique de la guerre. Face à une destruction massive d’infrastructures nécessaires à la fourniture de chaleur et d’électricité ainsi que face à une crainte d’une percée russe encore plus violente, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a donné l’ordre aux près de 200 000 civils de la région de Donetsk d’évacuer afin de « sauver un maximum de vies ».
À mesure que les jours, les semaines et mois s’écoulent, l’Ukraine revoit sa stratégie et préfère anticiper l’hiver prochain. Le lancement de roquettes russes à destination de trois sous-stations électriques en avril dernier, est venu priver, temporairement, certains quartiers d’électricité. D’après une enquête menée par l’institut Kennan du Woodrow Wilson International Center, 5 000km de gazoducs seraient endommagés et près de 3 800 centres de distribution de gaz seraient touchés. Les dégâts seraient également remarquables au niveau des centrales thermiques ainsi qu’auprès des chaudières au gaz dont 200 auraient été détruites après les frappes russes.
L’arrivée progressive de l’hiver fait craindre à l’Ukraine un passage de cette situation temporaire en une situation permanente, conduisant le pays à se préparer en amont. Ainsi, les habitants stockent du bois, les ferronniers forment des poêles à bois et les forestiers scient suffisamment d’arbres pour fournir un maximum de bois de chauffe pour l’hiver. Andriy Savoyi, le maire de Lviv, résume la stratégie ukrainienne par ces quelques mots : « Notre objectif, c’est la survie ». Le bois, coupé dans les forêts à travers tout le pays, se trouve désormais stocké à grande échelle, dans de vastes réserves dont les responsables de l’urbanisme ont la charge de surveiller rapport le chef de l’agence forestière ukrainienne, Yuriy Bolokhovets.
La réduction d’approvisionnement en gaz par la Russie vers l’Europe ainsi que les nombreux bombardements russes sur les infrastructures énergétiques stratégiques de l’Ukraine compliquent encore davantage la situation. Dans ce contexte, le gouvernement a lancé un vaste plan d’accumulation de carburants de secours, en plus d’un amassement d’arsenaux d’urgence et de la formation de provisions alimentaires.
Les bombardements continus de la Russie sur les sites stratégiques de l’Ukraine fait craindre à Kiev un risque quant à la fourniture d’électricité suffisante pour cet hiver. C’est pourquoi le gouvernement se mobilise pour multiplier les sites de stockage de gaz et de stations électriques, en plus de développer des chaufferies.
Certains habitants ont commencé à anticiper l’hiver en approvisionnant la cave de leur maison en bois, en bouteilles de gaz ainsi qu’en lampe en cas de coupure prolongée d’électricité. Une habitante de la ville de Lviv raconte qu’« en fin de compte, nous pouvons survivre sans lumière ni gaz mais nous ne serons pas en mesure de survivre si les envahisseurs prennent le relais ».
Lucide et conscient des risques à venir, le ministre ukrainien du développement des communautés et des territoire, Oleksiy Chernyshov, déclarait en fin de semaine dernière que « les Russes peuvent continuer à cibler infrastructures énergétiques critique avant et pendant l’hiver ». Ainsi, et même si la directrice administrative de la ville de Kiev, Iryna Dzhuryk, espère ne pas avoir à les utiliser, de nombreuses villes investissent dans l’achat de tentes pouvant accueillir jusqu’à 50 personnes chacune dans le cas où des immeubles d’appartement multi-familiaux seraient laissés sans gaz nécessaire pour les chauffer.
Qui plus est, l’incertitude quant à l’avenir de la guerre renforce les efforts de l’Ukraine pour se préparer au mieux à l’hiver. En effet, si certains espèrent voir la Russie défaite d’ici l’arrivée du froid, en octobre, d’autres sont plus prudents et évoquent la possibilité d’un conflit prolongé au sein duquel l’Ukraine se trouverait prise en étau par la Russie qui réduirait les capacités énergétiques ukrainiennes. D’ailleurs, la sécurité énergétique de l’Ukraine est aujourd’hui mise à mal, à l’heure où celle-ci achète son gaz naturel à ses voisins européens, eux-mêmes en difficulté à l’heure où Moscou réduit les approvisionnements énergétiques à destination de l’UE. Enfin, l’annonce d’une aide supplémentaire à destination de l’Ukraine, par la Lettonie, ce samedi 30 juillet, a conduit Moscou à rompre complètement son approvisionnement en gaz vers Riga.
Ce risque de pénurie en gaz est d’autant plus perceptible que la société publique de pétrole et de gaz, Naftogaz, a rappelé que si les réserves de stockage s’établissent à environ 11 milliards de mètres cubes, ces niveaux se trouvent en deçà des du niveau souhaité par le gouvernement. Le gaz constitue une des énergies les plus essentielles pour l’Ukraine puisque c’est grâce à cela que des milliers de complexes sportifs, d’écoles, de ménages ainsi que de bâtiments administratifs se trouvent chauffés. Les températures négatives de l’hiver à venir font peser une menace sur la capacité de l’Ukraine à pouvoir fournir suffisamment d’électricité à l’ensemble des ménages de tout le territoire national. D’ailleurs, le maire de Lviv a annoncé une régulation de l’électricité au sein des ménages pour cet hiver, ordonnant une baisse des thermostats à 15 degrés Celsius quand l’hiver s’installera.
« Les Russes feront tout pour essayer de nous détruire. Mais personne n’a réussi à nous unir autant que Poutine » déclarait le maire de Lviv la semaine dernière. Il s’agit désormais d’une course contre la montre - ou plutôt contre l’hiver - a estimé le spécialiste auprès de l’institut royal de sécurité et de défense. Espérons que l’Ukraine se prépare à temps pour l’hiver, avant que le temps ne s’écoule.