L'Algérie change de cap dans sa politique portuaire et se rapproche de la France

Drapeaux algérien et français - PHOTO/ARCHIVO
Ce choix montre la volonté de l'Algérie d'apaiser les tensions avec Paris, même si cela risque de créer des frictions avec un allié crucial comme la Chine
  1. Chiffres du projet

Les médias français ont annoncé que l'Algérie avait décidé de modifier l'approche du projet portuaire de Hamdania, situé à l'ouest de sa capitale, dont le financement et la construction devaient être assurés conjointement par des entreprises françaises et chinoises grâce à des prêts. 

Toutefois, certaines sources ont indiqué que la récente visite de l'homme d'affaires français Rodolphe Saadé en Algérie au début du mois et sa rencontre avec le président Abdelmadjid Tebboune pourraient avoir pour conséquence que ce soient finalement des entreprises françaises qui réalisent le projet. 

C'est pourquoi, dans les principaux médias algériens, divers experts du secteur portuaire ont indiqué que cet homme d'affaires, qui dirige la célèbre compagnie maritime CMA-CGM et possède un grand groupe de médias en France, est le principal candidat pour servir de médiateur entre les deux puissances, compte tenu de ses liens étroits avec Emmanuel Macron et de son rôle à l'Élysée. 

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le président français Emmanuel Macron - REUTERS/ LOUISA GOULIAMAKI

Ce pouvoir place Saadé comme le candidat idéal pour servir de médiateur dans les relations commerciales entre Alger et Paris. C'est pourquoi l'arrivée de Rodolphe Saadé en Algérie et son entretien avec le président Tebboune ont été associés à la décision éventuelle du gouvernement algérien d'attribuer l'ensemble du projet du port de Hamdania à la société CMA-CGM. 

Parallèlement, les autorités algériennes ont confirmé, par l'intermédiaire du directeur général de la Compagnie portuaire algérienne (Serport), Abdelkrim Rezzal, la véracité des informations relayées par les médias français concernant l'annulation définitive du projet portuaire de Hamdania, situé dans la banlieue de Cherchell, dans la province de Tipaza, à 50 km à l'ouest de la capitale. 

Le directeur de l'Autorité portuaire algérienne a laissé entendre que la décision d'abandonner le projet était due à des questions techniques et économiques et que, d'autres projets portuaires étant encore à l'étude, la Chine pourrait avoir l'occasion de participer à certains d'entre eux, même si la priorité semble actuellement être de faciliter la réalisation par le groupe français du développement et de la modernisation des ports existants. 

En outre, les analystes ont fait remarquer que les conditions imposées par la Chine pour le port d'El Hamdania étaient inégales, comme l'exigence de ne financer que les entreprises chinoises impliquées dans sa construction, en plus de son coût élevé, proche de 5 milliards de dollars. 

Vue générale du terminal portuaire d'Alger - REUTERS/ ZOHRA BENSEMRA

Cette semaine, un article du journal français L'Opinion mentionne que « le président algérien a annulé le projet de port en eau profonde à El Hamdania, qui avait débuté en 2015 et devait être attribué à la Chine, en raison de son coût extrêmement élevé, qui a explosé sous la présidence du défunt Abdelaziz Bouteflika. Les autorités prévoient plutôt d'améliorer le réseau portuaire existant afin de permettre l'accès à des navires plus grands ». 

L'article soulignait que la plupart des ports ne disposent pas des caractéristiques nécessaires pour accueillir de grands navires. Plusieurs projets de dragage ont également été annoncés afin d'atteindre une profondeur de 17 mètres, au lieu des 12 mètres actuels, avec pour objectif final d'atteindre 20 mètres. 

Le journal français indiquait également qu'« une autre option consiste à construire de nouveaux quais s'étendant vers la mer afin de pouvoir accueillir des navires », mais que cela serait plus coûteux et limiterait considérablement les activités du port. 

Selon le quotidien français L'Opinion, « cette proposition s'inscrit dans un plan stratégique visant à faire de l'Algérie un point logistique clé entre l'Europe et l'Afrique. Dans ce contexte, le président Tebboune a rencontré le directeur général du groupe français, Rodolphe Saadé, début juin ». 

Cette stratégie de rapprochement avec la France par l'octroi de contrats stratégiques suggère également que l'administration algérienne considère depuis des années le rapprochement avec la France comme un atout majeur dans la région méditerranéenne et un lien entre l'Europe et l'Afrique. Malgré les similitudes entre les messages de Paris et d'Alger, ce choix reste une énigme, notamment en ce qui concerne sa signification politique. 

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune marche avec le président chinois Xi Jinping lors d'une cérémonie de bienvenue au Grand Hall du Peuple à Pékin, Chine le 18 juillet 2023 - NG HAN GUAN via REUTERS

Chiffres du projet

Le coût total du projet varie entre 3,3 et 5,3 milliards de dollars, dont une partie sera financée par un prêt de la Banque chinoise d'import-export (Eximbank) et gérée par une coentreprise de développement entre l'Algérie et la Chine, la Hamdania Joint Stock Company. 

L'Algérie devrait détenir une participation de 51 % et la Chine de 49 %, et le projet sera attribué à la China State Construction Corporation et à la China Port Corporation. Un calendrier a été défini pour le projet, avec une période de mise en œuvre de sept à dix ans, et les opérations partielles devraient commencer dans les quatre premières années de sa construction. 

L'entreprise prévoit d'investir des centaines de millions d'euros dans des projets comprenant la construction de terminaux à conteneurs modernes, l'amélioration des systèmes logistiques et la possibilité de gérer un port stratégique important.