L'Algérie craint les retombées internes de l'extension de la rébellion touareg dans le nord du Mali

Combattants de la CMA (alliance rebelle touareg) dans le nord-est du Mali, près de Tinzaouaten, Mali, juillet 2024 - PHOTO/ Coordination des Mouvements de l'Azawad via REUTERS
La principale préoccupation d'Alger est liée à l'émergence de tendances séparatistes parmi les Touaregs d'Algérie 

Les tensions entre l'Algérie et le Mali augmentent en raison de la rébellion touareg en cours dans le nord du Mali. Alger craint que cette révolte n'incite d'autres minorités ethniques d'Algérie à lutter pour leur autonomie et ne mette en péril la sécurité nationale. 

L'Algérie est favorable à un règlement négocié qui réponde aux demandes des rebelles et s'appuie sur l'accord de paix de 2015, tandis que la junte militaire au pouvoir au Mali préfère une réponse militaire.   

Les relations entre les deux pays se sont détériorées ces derniers mois après que la junte militaire malienne a accusé l'Algérie de s'ingérer dans ses affaires intérieures en rencontrant les rebelles. 

Bien que les deux pays n'aient pas de relations diplomatiques à l'heure actuelle, l'Algérie a, par le passé, mené des efforts pour négocier la paix entre les dirigeants maliens et les groupes touaregs. Cette médiation a abouti aux accords d'Alger de 2015 entre l'ancien gouvernement malien et la Coordination des mouvements touaregs de l'Azawad.  

« L'Algérie a fortement soutenu l'accord de paix de 2015 et a tenté de le sauver en décembre 2023, craignant qu'une reprise des hostilités au Mali ne mobilise la population touareg en Algérie et ne pousse les réfugiés à fuir ce pays », note l'analyste Liam Carr de l'Institute for the Study of War.   

Outre le déplacement de milliers de personnes sur le territoire algérien - avec les charges qui en découlent en termes d'hébergement et de services -, la principale préoccupation d'Alger concerne l'émergence de tendances séparatistes parmi les Touaregs d'Algérie. 

Le président algérien Abdelmajid Tebboune - PHOTO/RÉSEAUX SOCIAUX

Le Mali, quant à lui, accuse l'Algérie de soutenir les rebelles. En janvier 2024, la junte militaire a mis fin à la participation du Mali aux accords d'Alger tout en intensifiant ses attaques contre les Touaregs. 

En juillet dernier, l'armée malienne, soutenue par des mercenaires russes, est tombée dans une embuscade tendue par des rebelles touaregs alors qu'elle s'apprêtait à attaquer la partie malienne de Tinzaoutin, une ville située à la frontière avec l'Algérie. L'embuscade a tué des dizaines de soldats maliens et de mercenaires russes.  

« L'embuscade a mis en lumière les préoccupations sécuritaires de l'Algérie, révélant la fragilité de ses frontières et la profondeur de son dilemme diplomatique sur la manière d'affronter les forces soutenues par la Russie dans le Sahel sans mettre en péril ses relations cruciales avec Moscou », explique Carr. 

Une capture d'écran d'une vidéo diffusée montre des personnes que les rebelles touaregs disent être des mercenaires russes de Wagner avec des soldats maliens dans le nord-est du Mali, près d'Aguelhok, au Mali, juillet 2024 - PHOTO/ Coordination des mouvements de l'Azawad via REUTERS.

Le Mali et ses alliés russes ont suivi un mois plus tard avec une attaque de drone sur une communauté qui a tué 20 civils et a conduit à une guerre diplomatique entre l'Algérie et le Mali aux Nations unies.   

Tinzaoutin a servi de base aux rebelles touaregs et au groupe Nasr al-Islam wal Muslimin, la branche sahélienne d'Al-Qaïda, depuis que les deux groupes ont chassé l'armée malienne en 2012.   

Malgré ces liens étroits, l'Algérie a demandé à l'ONU de mettre fin à la présence des mercenaires russes au Mali. Cependant, il est peu probable que Moscou les retire, car ils sont devenus un outil important pour exercer une influence au Sahel. 

Un combattant de la Coalition du peuple de l'Azawad (CPA) lève son arme en l'air lors d'une patrouille près de la frontière entre le Mali et la Mauritanie - AFP/SOULEYMANE AG ANARA

« Le Mali est un élément essentiel des ambitions stratégiques du Kremlin en Afrique. Le Mali est également un partenaire crucial pour le projet politique plus large de la Russie dans la région du Sahel », ajoute Carr.  

Selon les observateurs, le soutien continu de Moscou au Mali pourrait peser sur ses relations avec l'Algérie, qui est confrontée à la tâche délicate de trouver un équilibre entre son partenariat crucial avec la Russie et la nécessité d'une intervention militaire au Mali pour protéger ses intérêts.