La guerre en Libye et sa résurgence, produit des ambitions du président turc sur le gaz méditerranéen

L'ambition du sultan Erdogan

AFP - Un opposant au Parti des travailleurs, Erkan Bas, montre une carte de la Libye divisée avant un vote parlementaire pour envoyer des troupes turques en Libye le 2 janvier (AFP)

Il est prévu que les tensions en Méditerranée orientale devraient augmenter fortement alors que la stratégie agressive de la Turquie dans la lutte pour les ressources de gaz naturel déclenche une réponse unie des pays voisins déterminés à arrêter Ankara. L'approbation par le Parlement turc du déploiement de troupes en Libye et la confirmation à la télévision du président Erdogan contribuent à l'aggravation des tensions. 

L'initiative de la Turquie a déclenché des avertissements des États-Unis et de la Russie, ainsi que de l'Égypte. « L'escalade est probable au Moyen-Orient », a déclaré Halil Karaveli, auteur de ‘Pourquoi la Turquie est autoritaire’ et il a ajouté que « la Turquie pourrait décider d'annexer officiellement Chypre du Nord. La construction d'une base navale est également envisagée ».

Le Parlement turc a voté le 2 janvier pour envoyer des troupes en Libye après que le Premier ministre libyen, Fayez al-Sarraj, internationalement reconnu par le Gouvernement Sarraj, aussi appelé gouvernement d´union nationale (GNA), a demandé le soutien du gouvernement d'Ankara. Le GNA se défend contre une offensive de l'Armée Nationale Libyenne (LNA) du maréchal Khalifa Haftar, qui tente de conquérir Tripoli.

Le même jour, les dirigeants de la Grèce, d'Israël et de Chypre ont signé un accord pour un gazoduc sous-marin qui transporterait le gaz des nouveaux gisements en haute mer du sud-est de la Méditerranée vers l'Europe continentale, en laissant la Turquie de côté.

Le gazoduc EastMed de 1 900 km est destiné à fournir une source alternative de gaz pour une Europe en manque d'énergie, qui dépend fortement des approvisionnements de la Russie et de la région du Caucase. Karaveli a déclaré que le plan de la Turquie pour s'engager militairement dans le conflit libyen était conçu pour créer une pression sur ses voisins de la Méditerranée orientale.

« Précisément parce que toutes les autres puissances régionales et leurs grands sponsors se sont alignés sur la Turquie dans leur effort conjoint pour exclure la Turquie de la Méditerranée orientale (ses ressources pétrolières et gazières), Ankara retournera militairement en Libye » un siècle après l'Empire ottomane a perdu la région au profit de l'Italie, a ajouté l'écrivain Karaveli, qui a commenté aussi que « la Turquie doit maintenir le gouvernement libyen officiellement reconnu, avec lequel elle est parvenue à l'accord sur la frontière maritime qui coupe effectivement la connexion maritime gréco-chypriote, au pouvoir d'avoir influence sur le jeu du pétrole et du gaz en la Méditerranée orientale ».

« Tout est dû au problème de Chypre »

Un fonctionnaire turc, qui a parlé sous couvert d'anonymat, a déclaré que la racine des problèmes entre la Turquie et ses voisins était le problème non résolu de Chypre, divisé entre une partie turque et une partie grecque depuis 1974.

La division de l'île a suscité des critiques turques selon lesquelles la Grèce et la République Grecque de Chypre ignoraient les intérêts des chypriotes turcs dans l'exploitation des ressources gazières à proximité. Ankara est également contrariée par le fait que les pays de la région préfèrent construire le coûteux tuyauterie sous-marin pour envoyer du gaz en Europe au lieu d'utiliser un réseau de canalisations sur le continent turc.

Ankara a augmenté ses paris avec les mouvements récents pour explorer les eaux contrôlées par Chypre et la Grèce, provoquant un profond malaise entre les deux pays membres de l'UE. La Turquie a envoyé des navires de forage escortés par des navires de guerre dans les eaux où Chypre a des droits économiques exclusifs.

Rejet de l'envoi de troupes turques

Le plan de la Turquie d'envoyer des troupes et des combattants en Libye aggrave encore les tensions. L'Observatoire syrien des droits de l'homme a déclaré qu'environ 300 combattants pro-turcs syriens ont été envoyés en Libye. 

Dans son déploiement de combattants, la Turquie semble emprunter les plans à des entrepreneurs mercenaires privés internationaux et à des groupes djihadistes mondiaux.

Le président américain Donald Trump a averti au président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un appel téléphonique « que l'ingérence étrangère complique la situation en Libye », a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, Hogan Gidley, dans un communiqué.

La Russie est également préoccupée par le projet de la Turquie d'envoyer des troupes en Libye. Leonid Slutsky, président de la commission des affaires internationales de la Douma d'Etat, a déclaré que l'intervention militaire n'est certainement pas la meilleure option pour résoudre la crise en Libye. L'Égypte, qui, comme la Russie, soutient Haftar en Libye, a condamné le vote au Parlement turc.

Dans un discours télévisé du 3 janvier, Haftar a appelé les Libyens à porter des armes, « hommes et femmes, soldats et civils, pour défendre notre terre et notre honneur » contre les « colonisateurs » turcs.