Le Conseil de l'Europe confirme l'utilisation par la Turquie de mercenaires dans la guerre du Nagorny-Karabakh
Après le déclenchement de la deuxième guerre du Nagorny-Karabakh, un conflit qui a opposé les forces armées azerbaïdjanaises à l'Arménie dans la région, la Turquie, ainsi que d'autres pays comme l'Afghanistan et le Pakistan, ont manifesté leur soutien à l'Azerbaïdjan. Cependant, la Turquie est allée plus loin dans le conflit en fournissant un soutien militaire et humain important. À cet égard, les rapports des Nations unies critiquant le rôle de la Turquie dans le conflit ont rapidement suivi les affirmations selon lesquelles la Turquie fournissait des mercenaires depuis la Syrie, qui pourraient inclure des djihadistes.
Plusieurs rapports publiés par différentes institutions, telles que l'Observatoire syrien des droits de l'homme, ont affirmé que plusieurs entreprises turques avaient recruté des combattants syriens pour combattre dans les rangs de l'armée azerbaïdjanaise contre les Arméniens. L'Observatoire a indiqué que ces mercenaires venaient du nord de la Syrie et ont réussi à atteindre l'Azerbaïdjan via la Turquie.
Ces accusations ont été portées à l'attention du Conseil de l'Europe, qui, par l'intermédiaire de son Assemblée parlementaire, a identifié la Turquie comme le pays ayant envoyé des mercenaires syriens pour soutenir l'Azerbaïdjan dans le conflit de l'année dernière contre l'Arménie.
Dans une résolution, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a indiqué qu'il y avait suffisamment de preuves de "l'utilisation inquiétante par l'Azerbaïdjan, avec l'aide de la Turquie, du recours à des mercenaires syriens". Suite à cette déclaration, l'Assemblée a exhorté la Turquie à coopérer pleinement avec la Cour européenne des droits de l'homme sur ces allégations.
L'APCE s'est ainsi référée au groupe de travail des Nations unies sur l'utilisation de mercenaires et a déclaré que "l'Azerbaïdjan, avec l'aide de la Turquie, a utilisé des combattants syriens pendant la guerre de six semaines, y compris sur la ligne de front". Le rapport ajoute que "les combattants semblaient être motivés principalement par le gain privé et, en cas de décès, leurs proches se seraient vu promettre une compensation financière ainsi que la nationalité turque".
À cet égard, le législateur arménien Ruben Rubinyan a déclaré que "l'utilisation de mercenaires de Syrie par l'Azerbaïdjan avec l'aide de la Turquie est un fait. Cet événement a été confirmé par les agences de sécurité de l'Iran, de la Russie, de la France, des États-Unis, des médias internationaux, des organismes de surveillance des droits de l'homme et des ONG, c'est donc la vérité et elle doit être montrée".
Du côté turc, les conclusions du rapport ont été remises en question. Les membres des délégations turque et azerbaïdjanaise ont déposé un certain nombre d'amendements visant à supprimer les références aux mercenaires. Toutefois, l'Assemblée a rejeté l'amendement par 68 voix contre, 28 pour et 10 abstentions. À la fin de la session, la résolution et son rapport ont été adoptés à une majorité écrasante.
Les experts des droits de l'homme de l'ONU ont réitéré les allégations contre la Turquie concernant l'utilisation de mercenaires et le rôle du gouvernement turc dans le recrutement de combattants syriens pour participer aux opérations militaires dans le Nagorny-Karabakh.
En novembre 2020, coïncidant avec le déclenchement de la deuxième guerre du Haut-Karabakh, les rapporteurs des Nations unies ont envoyé une lettre commune au gouvernement turc pour lui demander des informations sur le rôle de la Turquie dans le conflit et "les circonstances entourant le recrutement, le financement, le transport et le déploiement de combattants syriens pour participer aux hostilités dans le conflit du Nagorny-Karabakh".
L'ONU a indiqué que l'utilisation présumée de combattants syriens dans le conflit avait un impact très négatif sur la paix et la sécurité dans la région. La Turquie a répondu par une note verbale datée du 21 janvier 2021, dans laquelle elle souligne que "le communiqué de presse du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires, basé sur des produits de propagande noire composés de fausses images et de nouvelles fabriquées, a sapé la crédibilité du mécanisme des procédures spéciales de l'ONU".
Toutefois, selon les rapporteurs des Nations unies, le déploiement de mercenaires syriens a contribué à une escalade rapide du conflit, entraînant une recrudescence des hostilités et causant des dommages et des souffrances à la population civile.
Selon les rapports reçus par l'ONU, des membres de la division Hamza, de la division Sultan Murad, de la faction Al-Amshat et de la brigade Sultan Sliman Shah auraient accepté d'être transférés en Azerbaïdjan en échange d'une compensation financière. La lettre des Nations unies note que "la Turquie aurait passé des contrats avec des sociétés militaires et de sécurité privée pour faciliter la préparation de la documentation officielle et contractuelle des combattants, apparemment en coordination avec les services de sécurité turcs".
On estime qu'environ 2 000 mercenaires du Moyen-Orient ont combattu dans le conflit du Nagorny-Karabakh. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s'est dit préoccupé par "l'internationalisation du conflit" et l'utilisation de "combattants du Moyen-Orient".
Dans ce conflit, selon Amnesty International, l'utilisation "indiscriminée" d'armes de faible précision par les deux armées a fait des dizaines de morts et des centaines de blessés parmi les civils. En outre, des milliers de maisons et d'infrastructures de base ont été détruites dans la région, laissant des centaines de civils sans abri.
Selon la directrice d'Amnesty International pour l'Europe de l'Est et l'Asie centrale, Marie Struthers, "en utilisant cet armement imprécis et mortel à proximité de zones civiles, les forces arméniennes et azerbaïdjanaises ont violé les lois de la guerre et fait preuve de mépris pour la vie humaine". "Des civils ont été tués, des familles ont été brisées et d'innombrables maisons ont été détruites parce que toutes les parties au conflit ont utilisé des armes notoirement imprécises contre des villes et des villages", a-t-elle déclaré.