En pleine trêve avec les Houthis, le changement de pouvoir marque le plus grand changement de gouvernement depuis le début de la guerre civile

Le président en exil du Yémen accepte la proposition saoudienne et cède le pouvoir à un Conseil de gouvernement

yemen hadi riad

Le président en exil du Yémen, Abed Rabbo Mansur Hadi, a annoncé jeudi qu'il allait céder la présidence du pays en proie à des troubles. À sa place, un conseil de gouvernement composé de huit hommes politiques et officiers militaires, dirigé par Rashad Muhammad Al-Alim, ancien ministre de l'intérieur sous le gouvernement d'Abdullah Saleh (1978-1990), prendra le relais. 

Rashad Al-Alim est une personnalité politique chevronnée et bien établie au Yémen, qui entretient des liens étroits avec l'Arabie saoudite. Il était auparavant conseiller de Hadi et siégera au conseil d'administration en tant que "primus inter pares". Selon l'AP, Al-Alim a également des liens étroits avec le parti politique Islah, l'affilié yéménite des Frères musulmans. 

Hadi, qui a rendu sa décision publique sur la chaîne de télévision gouvernementale du Yémen, a également annoncé le limogeage de son vice-premier ministre, Ali Mohsen Al-Ahmar, qui verra ses fonctions confiées au Conseil de gouvernement. 

Cette décision a été applaudie par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, principaux soutiens du gouvernement yéménite. Les deux pays ont ensuite annoncé un don de 3 milliards de dollars d'aide au gouvernement yéménite. La télévision saoudienne a publié des images de la rencontre entre le prince héritier Mohammed bin Salman et Hadi.

Dans la déclaration publiée par la suite par la présidence, il a été précisé que le Conseil de gouvernement aura un pouvoir de supervision sur les tâches souveraines liées à la défense de la République et celles de la direction et de l'exécution de la politique étrangère de l'État. Ce nouvel organe devient ainsi l'interlocuteur des Houthis en cette période de trêve pendant le mois de Ramadan.

Le communiqué détaille la liste des membres du Conseil des gouverneurs : 

Rashad Muhammad Al-Alimi
Sultan Ali Al-Arada
Tariq Muhammad Salih
Abd al-Rahman Abu Zara'a.
Abdullah Al-Alimi Bawazeer.
Othman Hussein Megali.
Aidarous Qassem Al-Zubaidi.
Faraj Salmin Al-Bahsani.
 


L'analyste spécialisé dans le Yémen, Peter Salisbury, a commenté sur le réseau social Twitter, que ce changement pourrait signifier une évolution importante dans les négociations du conflit. La guerre civile au Yémen est dans l'impasse depuis 2015, lorsque les Houthis se sont emparés de la capitale Sanaa et d'une grande partie du pays, incitant Hadi, le successeur de facto de Salah, à fuir en Arabie saoudite. Une coalition arabe dirigée par les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite a été impliquée dans cette guerre par procuration, l'Iran soutenant les Houthis. Les longues années de guerre ont plongé le pays dans une grave crise sociale et humanitaire, déchirante pour la population civile, selon les rapports des Nations unies.

Selon Peter Salisbury, le changement de pouvoir est essentiel, car un président en exil depuis sept ans transmet le mandat à un groupe de politiciens et d'officiers militaires plus proches des réalités du conflit. 

La trêve du Ramadan est considérée par les spécialistes comme ayant une force suffisante pour faire avancer les négociations avec les Houthis. Un sommet de paix a été convoqué à Riyad par la coalition arabe, mais les Houthis refusent de participer à une réunion en "terre ennemie", de sorte que les négociations n'ont pas encore progressé de manière significative. 

Selon les rapports de l'ONU, on a constaté une diminution de la violence au Yémen au cours des deux dernières semaines, et cette tendance devrait se poursuivre tout au long du mois sacré du Ramadan. Les Houthis n'ont pas encore commenté ce changement de pouvoir.

Au cours des trois premiers mois de 2022, la coalition arabe a subi des coups durs de la part des Houthis, qui ont réussi à frapper certaines cibles logistiques en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Une raffinerie d'Aramco à Jeddah a été touchée par un missile en Arabie saoudite juste avant le Grand Prix de Formule 1. L'aéroport international d'Abu Dhabi a également subi une attaque de drone des Houthis en février, qui a tué trois travailleurs. Les Houthis bénéficient d'un soutien très fort de l'Iran, ce qui explique pourquoi ils ont pu mener de telles actions contre les pays du Golfe. 

D'autre part, la coalition arabe a reproché aux Etats-Unis leur désintérêt pour la région et le manque de soutien de l'administration Biden. Pourtant, après les attentats, Joe Biden a donné son feu vert à la vente de missiles d'interception Patriot à l'Arabie saoudite, et a envoyé une frégate antimissile dans le port d'Abu Dhabi.