Les descendants des personnes déportées par Paris dans l'archipel du Pacifique demandent à Alger la citoyenneté algérienne

Les Algériens en Nouvelle-Calédonie, loin des priorités de l'Algérie et de la France

AFP/LUDOVIC MARIN - Le président français Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune à Alger

La situation des Algériens déportés en Nouvelle-Calédonie par les troupes françaises entre 1864 et 1897 reste absente des agendas d'Alger et de Paris alors qu'elle constitue l'un des principaux enjeux de l'époque coloniale française dans ce pays d'Afrique du Nord.

Selon les données recueillies par l'AFP, environ 2 100 Algériens ont été jugés par des tribunaux spéciaux ou militaires et déportés vers des colonies pénitentiaires dans l'archipel du Pacifique administré par Paris au cours de ces années. Cependant, les sources algériennes parlent de quelque 300 000 personnes. Leur crime ? Participation à des soulèvements contre l'occupation française.

Les condamnés ont été transportés vers un territoire situé à plus de 18 000 kilomètres dans des bateaux semblables à ceux utilisés par les marchands d'esclaves africains. Comme le soulignent les historiens et les chercheurs, des milliers de personnes sont mortes en chemin en raison des conditions épouvantables des navires et du manque de médicaments pour combattre les maladies.

"Le nombre de personnes qui ont été jetées par-dessus bord pendant la traversée est inconnu", a déclaré à l'AFP Taieb Aifa, fils de l'un des derniers déportés vers la colonie en 1898. Son père, condamné à 25 ans, a combattu les troupes françaises à Sétif, dans l'est de l'Algérie.

Aifa souligne que les Algériens ont été enchaînés dans les cales des navires pendant le voyage de cinq mois. Un code de silence régnait dans les familles des déportés", dit-il.

Christophe Sand, un autre descendant de déportés, rappelle également que les Algériens étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, car la plupart d'entre eux ne parlaient pas français, mais arabe ou berbère.

Une fois leur peine purgée, beaucoup n'ont pas pu rentrer en Algérie et n'ont jamais revu leur famille. "Mon grand-père a laissé en Algérie deux fils qu'il n'a jamais revus", déplore Maurice Sotirio, petit-fils d'un déporté de Constantine, une ville du nord-ouest de l'Algérie, cité par l'agence de presse.

Selon des sources algériennes, plus de 20 000 Algériens résident actuellement en Nouvelle-Calédonie. Certains ont visité la terre de leurs ancêtres, un voyage décrit par Sand comme un "processus de guérison" pour "construire un avenir" en Nouvelle-Calédonie. "Se remettre du traumatisme de l'exil permet de se projeter dans l'avenir sans rester prisonniers du passé", expliquent-ils à l'AFP

Les descendants ont fondé plusieurs associations telles que "Arabes et amis des Arabes en Nouvelle-Calédonie" et "Descendants de l'exil" pour sensibiliser le public aux déportations. Hassan Belardi, qui dirige l'une de ces organisations, a également exhorté le gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune à accorder la citoyenneté algérienne aux descendants des déportés. Comme l'explique Belardi à Asharq al-Awsat, en 2015, ils ont d'abord demandé la citoyenneté et des facilités pour s'installer sur "la terre des ancêtres", mais n'ont reçu aucune réponse. C'est pourquoi, chaque année, à l'occasion de la fête de l'indépendance, ils réitèrent leur demande.

Une source gouvernementale algérienne a révélé au journal arabe qu'Alger "est intéressée" par l'acceptation de la reconnaissance des descendants des déportés comme Algériens à part entière. De même, à l'occasion du Jour de l'indépendance 2021, la télévision d'État a diffusé un documentaire sur les petits-enfants des déportés demandant la citoyenneté au gouvernement. Cependant, plus d'un an plus tard, leur situation n'a toujours pas évolué. "Jusqu'à présent, l'Algérie s'est contentée de simples références à la question", note Al-Arab

En juillet dernier, à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, Tebboune a dévoilé une fresque en hommage aux Algériens déportés par la France. Comme le rapporte l'agence de presse algérienne APS, la fresque est destinée à "exprimer la gratitude des Algériens et leur loyauté envers leurs frères déportés en Nouvelle-Calédonie, en Guyane (Amérique du Sud), à Marguerittes (France), dans les pays du Levant et à Brazzaville (Afrique)".