L'arrestation de 12 avocats pour leurs liens présumés avec le PKK soutient le syndicat en Turquie

Les avocats turcs en ont assez d'Erdogan

PHOTO/KREMLIN - Le président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan

Les avocats de la Turquie semblent en avoir assez dit à leur président. La décision de l'exécutif de Recep Tayyip Erdogan d'arrêter douze avocats ce week-end a fait froncer les sourcils de ses confrères. Les autorités d'Ankara affirment que les personnes arrêtées appartenaient à une « organisation terroriste », en référence au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). En réponse, pas moins de 24 syndicats ont signé une communication exprimant leur dégoût pour les actions du gouvernement. 

Les douze détenus viennent du sud-est du pays, des principales villes du Kurdistan turc. Selon le journal émirati Al-Ain, sept sont originaires de Sanliurfa, quatre de Diyarbakir et le dernier de Sirnak. Le journal affirme qu'ils étaient tous membres de syndicats d'avocats locaux.  

La déclaration signée par leurs collègues, dont les syndicats de juristes d'Istanbul et d'Izmir, décrit ces arrestations comme « une violation flagrante des dispositions légales pertinentes », puisqu'ils ont été privés de leur liberté, selon eux, uniquement pour avoir exercé leur travail.  

« Les mesures prises à l'encontre des avocats arrêtés sont une insulte visant à réduire au silence tous ceux qui défendent la loi dans ce pays », indique la lettre, en rappelant que le droit international interdit l'arrestation des avocats qui exercent leurs fonctions. Le texte demande la libération immédiate des personnes arrêtées.

Abdullah Oncal, directeur de l'association du barreau de Sanliurfa, s'exprime également avec force et critique sur l'opacité qui entoure les arrestations. « Bien que nous ne puissions accéder à aucune information, les autorités disent que nos collègues ont été arrêtés pour avoir prétendument aidé l'organisation [le PKK], » déclare Oncal. « Mais ils ont certainement été arrêtés parce qu'ils sont des militants des droits de l'homme et qu'ils ont rempli leurs devoirs d'avocats », ajoute-t-il. 

Selon Oncal, aucun avocat n'a de lien avec le PKK, le gouvernement Erdogan insistant pour les présenter. Pour lui, c'est plutôt un prétexte pour entraver le travail des professionnels du droit et il prévient qu'il s'agit d'une pratique plus ou moins répandue : « Le système judiciaire en Turquie est devenu un outil entre les mains de la politique. Une politique visant à supprimer et à marginaliser la profession juridique est actuellement pratiquée à l'encontre des avocats ».

Il met notamment l'accent sur ceux qui osent dénoncer les violations des droits de l'homme. « Le régime les considère comme une opposition simplement pour défendre des droits qui ont été perdus », note-t-il. Les organisations de défense des droits de l'homme telles qu'Amnesty International et Human Rights Watch corroborent, dans leurs rapports, le point de vue d'Oncal ; en Turquie, la lutte pour les libertés fondamentales devient de plus en plus dangereuse. 

Les Kurdes sont également au milieu de cette situation compliquée. Le PKK, qui est employé par Erdogan comme subterfuge dans le cas des avocats arrêtés, est considéré par Ankara comme une organisation terroriste. Le désir d'indépendance des Kurdes, qui se répartit principalement entre la Turquie, la Syrie et l'Irak, a été une source constante de tensions. Ankara manque souvent l'occasion de saper sa structure politique et de dénoncer les options de représentation des Kurdes les plus pacifistes, comme le Parti démocratique du peuple (HDP, avec 61 sièges au Parlement).

La persécution d'Erdogan a même dépassé les frontières. En fait, certaines des opérations menées par l'armée turque dans les provinces les plus septentrionales de la Syrie visaient à désarmer et, dans certains cas, à éliminer les milices appelées « peshmergas », des unités de guérilla kurdes qui ont joué un rôle capital dans la défaite territoriale de Daesh.