Les défis d'une nouvelle législature en Colombie
Les Colombiens se rendront aux urnes le 29 mai et le 16 juin lors du second tour pour élire un nouveau président. Environ 39 millions de Colombiens vont pouvoir choisir la personne chargée de diriger le pays dans un contexte où la Colombie est confrontée aux plus grands défis de son histoire.
Le nouveau locataire de la Casa de Nariño, qui prêtera serment le 7 août, devra faire face à des défis nationaux majeurs tels que la pauvreté, l'inflation, l'amélioration de la gouvernance démocratique, l'environnement, l'immigration vénézuélienne et la violence dans les rues. Selon le juriste constitutionnel Rodrigo Uprimny, il existe sept défis majeurs que le futur président devra relever lors de la prochaine législature, mais tous n'ont pas la même importance : "Le premier défi que le prochain président devra relever est la gouvernance démocratique".
La campagne électorale a atteint des niveaux très élevés de polarisation idéologique, ce qui laisse penser que si l'un des deux candidats de gauche ou de droite, Gustavo Petro ou Federico Gutiérrez, remporte les élections, le camp perdant accusera les élections de "fraude". Outre la radicalisation politique et les faiblesses du système électoral colombien, il existe un troisième facteur : le multipartisme. Bien que, en principe, la présence de plusieurs partis différents soit bonne pour améliorer la qualité démocratique d'un pays et oblige les gouvernements à s'appuyer sur un consensus, cette caractéristique peut être problématique pour des pays comme la Colombie, qui ont un système très personnaliste. "La première tâche sera de construire et de réaliser une gouvernance respectueuse de la démocratie et de l'État de droit, car son échec risque d'ouvrir la porte à des tentations autoritaires", déclare Uprimny.
L'un des plus grands défis que devra relever le prochain président colombien est la situation de l'Accord de paix et l'augmentation de la violence paramilitaire. Selon Viviana García Pinzón, chercheuse à l'Institut Arnold Bergstraesser, cette situation est liée à la détérioration de la sécurité nationale due à l'augmentation de la violence des groupes armés échappant au contrôle de l'État. Selon la politologue colombienne, "une politique de sécurité qui reste bloquée sur ce qu'était le conflit avec les FARC, et qui ne cherche qu'à éliminer les meneurs, ne résout pas le problème", ajoutant que cette stratégie "conduit à plus de fragmentation et ne répond pas aux problèmes des gens sur le terrain".
La police et les forces armées colombiennes ont montré des signes de forte politisation et ont agi sans le consentement de l'État. En raison de ce revirement des forces de sécurité nationales, on parle de "violations des droits de l'homme et d'assassinats de civils dans le cadre d'opérations militaires et policières, y compris de mineurs", déclare Uprimny, ajoutant que "la police est totalement hors de contrôle, comme en témoignent la répression violente de l'agitation sociale et les déclarations véhémentes du commandant de l'armée, Eduardo E. Zapateiro, contre le candidat de l'opposition, Gustavo Petro". Face à cette situation, le nouveau locataire de la Casa de Nariño doit définir et mettre en œuvre une nouvelle politique de sécurité pour faire face au crime organisé et mettre fin aux assassinats commis par la police et l'armée, deux forces politisées et hors de contrôle.
Pour changer la situation, le nouveau gouvernement devra terminer la mise en œuvre de l'accord de paix, qui fonctionne déjà partiellement, mais avec "des éléments irréversibles tels que le système de vérité, de justice et de réparation", explique Uprimny, qui souligne que, malgré les difficultés, "le JEP progresse et révèle ou documente les atrocités commises tant par les FARC que par les forces de sécurité".
Coordinateur pour les Amériques : José Antonio Sierra