Les ministres des affaires étrangères de Moscou et de Kiev se rencontrent en Turquie
Des représentants russes et ukrainiens se sont rencontrés à Antalya, dans le sud-ouest de la Turquie, à la mi-journée aujourd'hui pour les premiers entretiens de haut niveau depuis que le Kremlin a lancé son "opération militaire spéciale". Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a présidé la réunion tripartite.
La réunion s'est terminée sans un rapprochement des positions. Au lieu de cela, les deux ministres se sont lancés de graves accusations. Dmitro Kuleba, le ministre de Kiev, a déclaré que ses attentes à l'égard des pourparlers étaient faibles et a encouragé Sergey Lavrov à les aborder dans une perspective proche et pacifique.
La réunion a toutefois été un succès diplomatique pour la Turquie. Le président d'Ankara, Recep Tayyip Erdogan, se propose depuis des semaines comme médiateur, car il entretient de bonnes relations avec les deux pays. Cependant, la Turquie est divisée sur le conflit, d'une part en qualifiant l'invasion russe d'inacceptable, d'autre part en désapprouvant les sanctions contre Moscou.
Mustafa Aydin, professeur à l'université Kadir Has d'Istanbul, estime que cette rencontre est "un pas en avant" et pourrait conduire à l'escalade diplomatique souhaitée. La position russe "cède progressivement la place à une position de négociation, mais pas encore suffisamment pour parvenir à un résultat concret".
Les questions humanitaires les plus urgentes ont été au cœur du dialogue. M. Kuleba indique que ses objectifs sont de parvenir à un cessez-le-feu de 24 heures et de faire pression pour que des couloirs humanitaires permettent d'évacuer les personnes piégées dans les points chauds. "Je suis venu ici avec une proposition humanitaire : créer un corridor humanitaire vers et depuis Mariupol", dit-il.
La situation à Mariupol est de plus en plus fragile. Les habitants ont peu accès à la nourriture, aux médicaments ou à l'eau potable. Les convois humanitaires qui tentent de s'y rendre sont contraints de faire demi-tour et les morts doivent être enterrés dans une fosse commune.
Mercredi dernier, la Russie a bombardé sa maternité, tuant trois personnes, dont une fille. Lavrov, quant à lui, dément qu'il soit opérationnel et soutient qu'il est devenu le quartier général du bataillon Azov, une milice radicale de l'armée ukrainienne.
Le chef de la diplomatie ukrainienne accuse son homologue russe de ne pas être ouvert à la négociation. "Je lui ai posé une question très simple : 'nous avons nos téléphones, je peux appeler les dirigeants et obtenir une réponse immédiate, pouvez-vous faire cela ?' Il n'a pas répondu". Malgré l'absence de progrès, Kiev espère que M. Lavrov discutera de ces demandes avec les autorités russes à son retour à Moscou.
Le représentant russe est également inflexible sur la démilitarisation et la dénazification du pays voisin. Il reconnaît que les sanctions appliquées par les États-Unis et leurs alliés ont une vertu dans la mesure où ils ne seront plus jamais à la merci de l'Occident sur aucune question de fond.
La seule condition posée par le Kremlin pour mettre fin à l'offensive est que l'Ukraine réponde à toutes ses exigences : la reconnaissance des républiques séparatistes du Donbas, la création d'une nouvelle constitution reconnaissant un statut de neutralité, ou l'abandon de ses aspirations à rejoindre l'OTAN.
Pour sa part, M. Poutine serait prêt à s'asseoir avec M. Zelenski pour autant qu'une telle rencontre offre une certaine "valeur ajoutée" et permette de conclure des accords solides. La Russie reste persuadée que la balance militaire continuera de pencher en sa faveur malgré les souffrances causées.
Depuis le début du conflit, plus de 2,3 millions d'Ukrainiens ont fui leur pays, selon l'Organisation internationale pour les migrations. En outre, l'ONU estime à 474 le nombre de morts parmi les civils. En guise de condamnation, les pays occidentaux ont imposé des sanctions économiques sans précédent contre les entreprises, les banques et les oligarques russes.