L'Europe durcit le ton contre l'Iran et condamne les limites des inspections de l'AIEA
Le lundi 22 février, l'envoyé de l'Iran auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Kazem Gharibabadi, a annoncé que les inspections de l'AIEA se poursuivraient, bien qu'avec un accès réduit, après avoir menacé de les suspendre complètement.
Face à cette décision, les partenaires européens de l'accord nucléaire ont choisi de durcir le discours contre l'Iran et de présenter cette semaine à l'AIEA une résolution condamnant la limitation des inspections, selon des sources diplomatiques informées lundi.
Dans un document consulté par l'agence de presse AFP, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne "expriment de sérieuses préoccupations" et "appellent l'Iran à reprendre immédiatement" l'ensemble du programme d'inspection prévu dans l'accord de 2015.
La résolution des pays européens sera soutenue par les États-Unis et soumise au vote du Conseil des gouverneurs de l'AIEA vendredi, bien qu'il n'y ait pas d'unanimité parmi les autres signataires du pacte. La Russie a mis en garde contre "des mesures maladroites et irresponsables qui pourraient compromettre les perspectives de rétablissement complet de l'accord dans un avenir proche".
Le ministère iranien des Affaires étrangères a assuré, dans une note informelle adressée aux Etats membres et également consultée par l'AFP, que la résolution des pays européens en ne prenant pas en compte les échanges constructifs avec l'Agence, sera absolument contre-productive et destructrice.
Dans le passé, et plus précisément en juin 2020, les partenaires européens avaient déjà averti l'Iran dans le cadre de l'AIEA face au refus d'accès à deux sites suspects.
Si la résolution européenne est adoptée, Téhéran a menacé de "résilier" l'accord technique temporaire signé le 21 février avec l'AIEA, qui permet à l'agence de maintenir une certaine surveillance, bien que réduite, jusqu'à la reprise des pourparlers diplomatiques pour relancer l'accord de 2015.
La République islamique prétend avoir "accordé de bonne foi un sursis" en acceptant de fournir à l'AIEA toutes les données des caméras et autres outils de surveillance si les sanctions sont levées dans les trois mois.
Pour sa part, le chef de l'AIEA, Rafael Grossi, a averti qu'ils ne seront pas des "pions de négociation" pour relancer le dialogue entre les Etats-Unis et l'Iran. Depuis le début de l'accord de 2015, l'agence a effectué 170 inspections supplémentaires sur la base des protocoles. "Avoir des inspections et de la transparence n'est pas un prix, ni une amende, c'est l'essence même de notre travail", a déclaré M. Grossi.
Kelsey Davenport, Directeur de la politique de non-prolifération à l'Association pour le contrôle des armements, a déclaré à l'AFP que l'Iran "a fait preuve de retenue dans ses négociations avec l'AIEA" et a appelé les Etats-Unis à faire un "geste concret". Il estime également que "à court terme", l'agence peut poursuivre son travail, mais que "si la situation se prolonge, la nature pacifique du programme nucléaire iranien sera affectée".
L'accord nucléaire de 2015, officiellement le Plan d'action global conjoint (JCPOA), a été gravement blessé depuis que l'ancien président américain Donald Trump a ordonné la sortie de l'accord et l'imposition de nouvelles sanctions.
Le nouveau président, Joe Biden, a promis en campagne électorale de revenir si l'Iran respecte le pacte de 2015, mais Téhéran met la balle dans le camp de Washington, en avertissant qu'il ne se conformera pas aux sanctions tant que celles-ci ne seront pas levées.
Pour l'instant, il semble que la relance de l'accord soit bloquée, d'autant plus que l'Iran a refusé dimanche la proposition de l'Union européenne d'entamer des discussions informelles avec les Etats-Unis.
"Compte tenu des récentes actions et déclarations des Etats-Unis et de trois puissances européennes, l'Iran ne considère pas que le moment soit venu de tenir des réunions informelles", a déclaré le porte-parole du Ministère iranien des Affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh, qui a également accusé l'administration Biden de "ne pas lâcher la politique de pression maximale de Trump", en faisant clairement référence au bombardement américain des positions de la milice pro-iranienne en Syrie la semaine dernière.