L'Iran propose de désarmer ses alliés régionaux en échange de la fin de la « pression maximale » de Washington

L'ayatollah Ali Khamenei - PHOTO/HO/KHAMENEI. IR
Le régime iranien propose une stratégie de désescalade pour éviter une confrontation directe avec les États-Unis tout en reconfigurant son influence au Yémen, en Irak et au Liban 
  1. Hezbollah, FMP et Houthis : les trois fronts du désarmement 
  2. Une véritable désarmement ? 

Lors de la réunion qui s'est tenue samedi dernier à Mascate entre les États-Unis et l'Iran, la délégation iranienne a présenté une proposition qui envisage de réduire le soutien militaire à ses alliés régionaux en échange de l'abandon par Washington de la politique de « maximum pressure » imposée par le président Donald Trump

Cette proposition fait partie d'une stratégie calculée par Téhéran pour éviter une confrontation directe avec Washington, qui a durci sa rhétorique contre le régime iranien depuis le retour de Trump à la Maison Blanche.  

Sur la base de cette proposition, l'Iran serait prêt à geler les activités armées de groupes tels que le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen et les Forces de mobilisation populaire (FMP) en Irak, selon des sources proches des négociations citées par Al-Arab. La délégation iranienne a fait part aux représentants américains de sa capacité à exercer un contrôle sur ses alliés et à garantir une cessation des hostilités, à condition de progresser vers une solution globale sur des questions telles que le programme nucléaire, les sanctions économiques et les attaques israéliennes. 

Hezbollah, FMP et Houthis : les trois fronts du désarmement 

La reconfiguration la plus visible se produit au Liban, où le Hezbollah a commencé à retirer ses positions militaires dans le sud du pays, sous la pression interne et internationale. Le président libanais, Joseph Aoun, a proposé l'intégration progressive des combattants du groupe dans les Forces armées libanaises (FAL), soulignant que le modèle des FMP en Irak, où les milices pro-iraniennes ont conservé une autonomie de facto, ne sera pas reproduit. « Les membres du Hezbollah peuvent rejoindre l'armée en tant qu'individus, et non en tant que bloc armé », a déclaré Aoun. 

Permettre une unité exclusive du Hezbollah au sein de l'armée porterait atteinte à la structure institutionnelle du pays. Comme l'explique David Wood, analyste de l'International Crisis Group à l'AFP, « le désarmement ou l'intégration totale sous le commandement de l'État est essentiel pour maintenir la souveraineté du Liban ». 

Des partisans du Hezbollah portent des photos du défunt chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, lors d'une manifestation organisée par eux contre ce qu'ils considèrent comme une violation de la souveraineté nationale, près de l'aéroport international de Beyrouth, Liban - REUTERS/EMILIE MADI

En parallèle, en Irak, l'Iran rencontre moins de résistance. Les FMP - milices chiites alliées de Téhéran - opèrent déjà en coordination avec l'armée irakienne. Cela permettrait une reconfiguration tactique : réduire leur visibilité armée sans perdre de capacité opérationnelle. La stratégie iranienne vise à préserver son influence tout en répondant partiellement aux exigences de Washington

Au Yémen, le cas est plus complexe. Le régime iranien aurait déjà commencé à retirer du personnel militaire du pays au milieu de l'offensive militaire américaine, a révélé The Telegraph début avril. Un haut fonctionnaire iranien a déclaré que cette mesure vise à empêcher les attaques aériennes américaines d'atteindre des officiers de haut rang, comme cela s'est produit en 2021 avec l'assassinat du général Qassem Soleimani à Bagdad, ce qui augmenterait encore les tensions entre Washington et Téhéran.  

La stratégie iranienne vise à préserver l'influence tout en répondant partiellement aux exigences de Washington - Depositphotos

Une véritable désarmement ? 

Malgré la proposition présentée, un certain scepticisme persiste quant aux intentions de l'Iran. Si les plans de désarmement sont réels, il existe un risque que Téhéran les utilise comme un outil temporaire et reprenne son soutien aux groupes armés lorsque le paysage géopolitique changera. 

Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, aurait autorisé l'inclusion dans les négociations de la question du soutien militaire aux alliés régionaux, avec la possibilité de conditionner son retrait à des avancées concrètes dans les pourparlers sur le nucléaire. 

Au sein de l'Iran, le consensus est de vouloir éviter une confrontation directe avec les États-Unis, en particulier sous l'administration Trump, considérée comme imprévisible et prête à attaquer des cibles stratégiques sans préavis. La possibilité de nouveaux assassinats ciblés, comme celui du commandant des forces Qods ou de hauts responsables à Damas, a renforcé la nécessité de réduire les risques et d'éviter les provocations qui obligeraient l'Iran à réagir militairement. 

Des manifestants participent à une manifestation de solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza, à Sanaa, au Yémen, le 17 mars 2025 - REUTERS/ ADEL AL KHADER

D'autre part, malgré le repli, l'Iran maintiendrait des canaux de soutien clandestin, en particulier envers les Houthis, en utilisant des réseaux alternatifs de contrebande et d'armement chinois. La réduction du soutien public ne signifierait pas une rupture totale avec ses alliés, mais une transformation de ses formes de soutien.

Pendant ce temps, les États-Unis intensifient la pression contre les milices pro-iraniennes. Lors d'une récente visite au Liban, la représentante spéciale adjointe pour le Moyen-Orient, Morgan Ortagus, a réitéré l'exigence de désarmer toutes les milices actives, y compris le Hezbollah, « le plus tôt possible ». 

Le président américain Donald Trump - REUTERS/CARLOS BERRIA

Dans ce contexte régional incertain, et avec Trump de retour au pouvoir, l'Iran semble pencher pour la prudence et la diplomatie afin d'éviter une confrontation directe avec Washington sans renoncer à son réseau d'influence au Moyen-Orient.

À Téhéran, les dirigeants politiques et militaires estiment que l'administration Trump pourrait être une tempête passagère. Ils espèrent que, s'ils parviennent à surmonter ces quatre années grâce à des mesures de confinement, une future administration américaine, vraisemblablement moins agressive, offrira une plus grande marge de manœuvre. En attendant, la priorité est de gagner du temps, de conserver les alliances stratégiques et de laisser la porte ouverte aux négociations sans s'exposer à une escalade qui pourrait avoir des conséquences irréversibles pour le régime.