Les Crimes perpétrés par toutes les factions avec l'aide de la "négligence internationale" 

L'ONU documente 10 ans de crimes de guerre en Syrie face à la négligence du monde  

AFP/NAYEF AL-ABOUD - Des civils transportent une victime d'une explosion dans la ville d'Azaz, dans la campagne du nord de la province d'Alep en Syrie, tenue par les rebelles, le 31 janvier 2021 

La mission d'enquête des Nations unies pour la Syrie a présenté un rapport documentant dix années de crimes de guerre dans le cadre du conflit civil dans ce pays, perpétrés par toutes les factions avec l'aide de la "négligence internationale", selon les termes des auteurs de l'étude. 

Une guerre qui a laissé la moitié des Syriens sans abri  

Le rapport, le 33ème préparé par cette mission, sera présenté le 11 mars au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, quelques jours avant le dixième anniversaire d'un conflit qui, selon le document, a forcé la moitié de la population à quitter ses foyers et a condamné six Syriens sur dix à la pauvreté extrême.  

"Les enfants, les femmes et les hommes en Syrie ont payé le prix d'un régime autoritaire qui a agi violemment pour écraser la dissidence, tandis que l'opportunisme de certains acteurs étrangers, sous forme de financement, d'armes et d'autres influences, a alimenté un feu que le monde a simplement regardé brûler", a déclaré le président de la mission, le Brésilien Paulo Pinheiro, lors du lancement du rapport.  

Le document de 31 pages conclut que depuis mars 2011, la population civile a subi des abus qui, dans certains cas, constituent "des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et d'autres crimes internationaux, y compris le génocide". 

Bombarder des hôpitaux sous couvert de lutte antiterroriste  

Le rapport souligne, par exemple, que le régime de Bachar al-Assad a utilisé la prétendue lutte contre le terrorisme pour ordonner des bombardements aveugles de cibles civiles, notamment des hôpitaux, des établissements médicaux, des écoles ou des magasins. 

"L'armée syrienne et les forces aériennes russes (qui la soutiennent) ont ciblé des zones résidentielles, y compris des marchés bondés en plein jour, avec des engins explosifs à large portée, tuant et blessant des civils dans des attaques équivalant à des crimes de guerre", souligne l'enquête.  

De telles attaques sur des cibles civiles ont également été perpétrées par d'autres acteurs du conflit, comme Daech, les milices kurdes, l'alliance islamiste Hayat Tahrir al-Sham (l'ancien Front al-Nusra) ou la coalition soutenue par les États-Unis, indique le rapport.  

Plus de trente attaques chimiques  

Il est également rapporté que sur dix ans de conflit, au moins 38 attaques à l'arme chimique ont été détectées, dont au moins 32 étaient le fait des forces gouvernementales syriennes et une de Daech.  

En dehors du front, les exécutions et les mutilations de soldats sont monnaie courante, tant de la part de l'armée syrienne que des forces d'opposition et de Daech, ainsi que les attaques, menaces, arrestations et assassinats de journalistes, l'une des cibles prioritaires du régime d'Al-Assad.  

Parmi les autres crimes documentés, citons le pillage, les attaques contre le patrimoine culturel (notamment, mais pas exclusivement, par Daech), les sièges de villes ou le refus de l'aide humanitaire, ce dernier dénonce le rapport, avec l'accord du Conseil de sécurité des Nations unies.  

Sur les 22 millions d'habitants que comptait la Syrie avant la guerre, plus de 11,5 millions sont déplacés, dont plus de cinq millions comme réfugiés dans d'autres pays, notamment dans la région (Turquie, Jordanie, Liban, Egypte ou Irak).  

Appel à un dialogue qui n'aboutit pas  

Le rapport se termine par un appel renouvelé à un cessez-le-feu permanent, garanti par le Conseil de sécurité des Nations unies et les principaux pays impliqués dans le conflit, ainsi qu'à la justice et à l'obligation de rendre compte des crimes perpétrés pendant la guerre.  

Cet appel intervient à un moment où les négociations entre le gouvernement syrien et l'opposition pour tenter d'élaborer une constitution de consensus, qui se déroulent depuis 2019 à Genève, semblent être dans l'impasse.  

"On ne peut pas attendre la fin du conflit pour obtenir une réparation que les Syriens ont réclamée à plusieurs reprises sur des questions telles que les personnes disparues, les personnes détenues arbitrairement (...) et le soutien psychosocial, en particulier pour les enfants et les victimes de violences sexuelles et sexistes", a commenté Hanny Megally, membre de la mission.  

Le rapport, basé sur plus de 8 000 entretiens, documente plus de 3 200 auteurs présumés de crimes de guerre et autres abus de différentes factions du conflit.