Lucas Martín : "Poutine veut un gouvernement fantoche en Ukraine et fera tout pour y parvenir"
Dans la dernière édition de "De cara al mundo", notre programme radio sur Onda Madrid, nous avons eu la participation de Lucas Martín, analyste international, militaire de carrière et collaborateur d'Atalayar. Martín nous a donné les clés du conflit armé qui se déroule en Europe de l'Est, et les objectifs de Vladimir Poutine.
Vous avez dit que Poutine attaquerait l'Ukraine le 23 et Poutine a attaqué l'Ukraine le 23, comment le saviez-vous ?
Il s'agissait d'une date approximative, mais il était clair, d'après toutes les indications, que l'attaque aurait lieu cette semaine-là. Comme je l'ai écrit dans Atalayar, l'accumulation de forces par la Russie n'était pas normale et n'était pas soutenable dans le temps, compte tenu du coût que cela impliquait. Dès qu'ils ont commencé à occuper les zones qu'ils avaient occupées et à se disperser, il était clair que ce n'était qu'une question de jours avant que l'attaque ne soit lancée.
Militairement, la supériorité de la Russie est incontestable, mais ensuite... ?
La première chose à clarifier est de savoir quels seraient les véritables objectifs de la Russie : d'une part, prendre le contrôle des deux républiques indépendantes autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, en étendant la frontière jusqu'au Dniepr et, d'autre part, renverser le gouvernement de Kiev afin d'installer un gouvernement fantoche. Ce que la Russie ne fera en aucun cas, c'est pénétrer dans les grandes villes ou les zones densément peuplées pour y combattre ; en ce moment, elle encercle Kiev, mais elle ne va pas occuper la ville en combattant maison par maison, car cela entraînerait un coût humain très élevé et signifierait s'engager dans une lutte contre l'insurrection qui n'a aucun sens et ne ferait qu'épuiser la Russie. Rappelons qu'il est dans l'intérêt de la Russie que le conflit soit très rapide en raison de ses capacités ; la Russie a tiré les leçons de l'Afghanistan et est très claire sur ce qu'elle ne fera pas.
Il a été question de l'entrée en Ukraine d'armes d'une valeur de 1,5 milliard de dollars, et malgré leurs lacunes militaires, ils disposent de systèmes suffisamment résistants pour devenir un ennemi capable de faire beaucoup de dégâts aux Russes.....
Il existe un mythe autour de cette question. De nombreuses armes ont en effet été fournies à l'Ukraine, principalement des missiles antichars et des missiles portatifs de défense aérienne, mais l'efficacité de ces missiles est bonne, bien qu'il devienne évident qu'ils ne sont pas aussi efficaces que prévu. La raison est que ces armes sont actionnées par un ou deux fantassins qui dégainent leurs tireurs d'élite et évidemment tenir tête à 20 chars et attendre qu'ils soient à 800 mètres pour pouvoir tirer... il faut tenir tête, ce n'est pas facile. Il est évident qu'ils causeront des pertes, mais ils causent moins de pertes aujourd'hui que ce à quoi je m'attendais.
Poutine s'arrêtera-t-il ou d'autres pays sont-ils en danger ?
Je doute fort que Poutine touche à un quelconque pays de l'OTAN, il est très clair sur ses capacités et sait que ce serait la fin pour lui en tant que leader de la Russie, à moins qu'il n'utilise des armes nucléaires comme il a menacé de le faire ces derniers jours. Poutine veut obtenir sa "zone tampon", il veut un gouvernement fantoche en Ukraine et il fera tout ce qu'il faut pour y parvenir, le reste n'est que menaces et fanfaronnades. À moins que quelqu'un ne se mette en colère ou qu'il se produise un événement auquel on ne s'attend pas, les conflits éclatent souvent et les choses dérapent par erreur ou involontairement.
Vous savez comment une guerre commence, mais vous ne savez pas comment elle finit...
En effet.
Personnellement, je pense que l'Ukraine sera la fin de Poutine, en raison de toute l'usure qu'elle va lui causer. Il est vrai que maintenant, avec les sanctions, les oligarques et les entreprises russes ont eu le temps de mettre leur argent en sécurité.
Je suis un peu plus sceptique, les sanctions ne vont pas avoir un effet immédiat, donc elles ne vont pas arrêter ce que fait la Russie, elles auront un effet à moyen terme. La Russie vit avec des sanctions depuis 10 ans, elle s'est habituée à vivre avec et à chercher des moyens de les contourner. Les sanctions feront mal, comme il est logique, mais pas beaucoup, n'oublions pas que la Chine est derrière elles et a levé les restrictions sur les importations de céréales en provenance de Russie, une question très importante, et puis la Russie continue à avoir l'atout du gaz et aussi quelque chose qui affecte l'Espagne, n'oublions pas que le pays dont nous dépendons pour notre approvisionnement en gaz, l'Algérie, est un allié de la Russie. À tout moment, Poutine peut avoir la clé des gazoducs.
Ces attentes nous font dresser les cheveux sur la tête, heureusement que l'Espagne possède 6 ports avec une capacité de gazéification et que nous pourrions faire venir du gaz des États-Unis, du Qatar ou d'autres endroits.....
Dans ce cas, le problème ne serait pas les ports, mais le prix et les navires, le nombre de navires ayant la capacité de transporter du gaz est limité, par conséquent, une compétition commencerait pour voir qui obtient les navires pour transporter le gaz vers son pays.