Les mouvements militaires de Haftar menacent l'Algérie

Le général Khalifa Haftar, commandant de l'Armée nationale libyenne - REUTERS/ESAM OMRAN AL-FETORI
Moscou cherche à établir un corridor stratégique allant de la Libye au golfe de Guinée en passant par ses nouveaux alliés du Sahel, tels que le Niger, le Mali et le Burkina Faso 

Le déplacement des unités militaires de l'homme fort de l'est de la Libye, le maréchal Khalifa Haftar, vers des zones du sud-ouest provoque des tensions régionales qui pourraient particulièrement affecter l'Algérie.  

Selon Al-Arab, les unités militaires de Haftar ont ciblé les régions du sud-ouest - sous le prétexte de protéger les frontières - mais elles se concentrent sur la ville et l'aéroport de Ghadamès, près de la frontière avec l'Algérie, ce qui ajoute une autre dimension à l'opération. 

Les analystes cités par les médias arabes ont souligné que Haftar commence à mettre en œuvre un plan dirigé par la Russie pour étendre son influence en Libye, en utilisant le territoire comme base arrière pour pénétrer dans la région du Sahel. 

Moscou cherche à établir un corridor stratégique allant de la Libye au golfe de Guinée en passant par ses nouveaux alliés du Sahel, tels que le Niger, le Mali et le Burkina Faso.  

Ce projet isole encore davantage l'Algérie sur le plan régional en l'éloignant du Mali, du Niger et de la Russie.  

Bien que le chef d'état-major de l'armée libyenne ait confirmé que l'opération visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le sud-ouest du pays et à contrôler les frontières ne visait aucun des pays voisins, tels que l'Algérie et la Tunisie, les représentants de l'ONU et de l'UE n'ont pas tardé à exprimer leur inquiétude face aux manœuvres de Haftar. 

Célébrations marquant le 10e anniversaire de la révolution de 2011 à Tripoli, en Libye, le 17 février 2021 - AFP/MAHMUD TURKIA

Le chef d'état-major du commandement général des forces terrestres, dirigé par Saddam Haftar, fils du maréchal Haftar, aurait confirmé que "le déplacement de ses unités vers le sud-ouest fait partie d'un plan global visant à sécuriser la frontière méridionale et à améliorer la sécurité nationale dans cette région stratégique en intensifiant les patrouilles et la surveillance du désert dans la bande frontalière avec les pays voisins". Il a également souligné que "cette mesure ne vise personne".  

Dans un communiqué publié sur sa page officielle Facebook, il a indiqué que "cette mesure intervient en application des instructions du maréchal Khalifa Haftar dans le cadre du renforcement de la sécurité des frontières et de l'affrontement de toute menace pouvant viser la sécurité et la stabilité de la patrie, et que des unités militaires ont été déplacées vers les zones assignées pour les sécuriser".  

Le vice-ministre russe de la Défense, Yunus-bek Yevkurov, et l'homme fort de l'armée libyenne, Khalifa Haftar, se rencontrent à Benghazi, en Libye - Photo du bureau de presse de Khalifa Haftar / AFP

Le communiqué souligne également que "ces mouvements visent à renforcer la sécurité de la frontière et des zones méridionales, en particulier face à la tension dans les pays voisins et à la possibilité d'activités de gangs et de groupes extrémistes". 

Le communiqué fait référence aux tensions dans le nord du Mali, notamment celles liées à la bataille au cours de laquelle l'armée malienne et les forces de Wagner ont subi une défaite sans précédent, d'autant plus que le nationalisme de l'Azawad - qui s'oppose au régime de Bamako - s'étend sur les frontières entre le Mali, le Niger, l'Algérie et même la Libye, ce qui a conduit les forces de Haftar à assiéger les factions armées de l'Azawad à l'intérieur de leurs frontières. 

Des Maliens manifestent contre la France et en faveur de la Russie à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance de la République du Mali en 1960, à Bamako, au Mali, le 22 septembre 2020. La banderole en français dit : Poutine, la voie de l'avenir - PHOTO/AP

Cependant, l'alliance de Haftar avec la Russie et d'autres pays de la région inscrit son action militaire dans un cadre qui ne se limite pas à la situation interne de la Libye, mais qui s'étend à un agenda régional visant à renforcer l'alliance des pays du Sahel avec la Russie et à éliminer les séparatistes armés. 

Le Conseil suprême de l'État a exprimé sa profonde inquiétude et son rejet de ces actions militaires dans la région du sud-ouest, les qualifiant de "suspectes" et "illégitimes", et les décrivant comme "une tentative flagrante et claire des forces de Haftar d'accroître leur influence et leur contrôle sur d'importantes zones stratégiques avec les pays voisins", faisant référence à l'intention de ces forces de contrôler le poste-frontière de Ghadamès avec l'Algérie. 

Ce point de passage entre l'Algérie et la Libye reste fermé à la circulation malgré l'accord conclu ces dernières années entre les deux gouvernements pour l'ouvrir. En raison des avertissements de Haftar et des craintes que l'opération n'entraîne des affrontements armés, l'opération a été suspendue et reportée. 

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune - PHOTO/FILE

Les relations entre l'Algérie et M. Haftar ne sont pas au beau fixe depuis 2020, date à laquelle Alger a tenté de trouver des solutions pour résoudre la crise libyenne. Auparavant, Haftar avait menacé d'"avancer militairement contre l'Algérie". L'Algérie, pour sa part, soutient le gouvernement de Tripoli dirigé par Abdul Hamid Dabaiba, mais insiste sur la nécessité d'organiser des élections légitimes en Libye.

Bien que l'Algérie n'ait pas encore officiellement commenté le mouvement des forces de Haftar le long de la frontière commune, le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf, lors d'une réunion avec le chef de la Mission de soutien de l'ONU en Libye, Stéphanie Khoury, a rejeté la présence étrangère en Libye comme jouant des rôles hostiles aux intérêts de l'Algérie dans la région du Sahel.