Abdelaziz Djerad démissionne deux semaines après les élections parlementaires

Le Premier ministre algérien démissionne

AFP/ RYAD KRAMD - El primer ministro argelino, Abdelaziz Djerad

Suite à l'annonce par le Conseil constitutionnel algérien des résultats définitifs des élections législatives du 12 juin, marquées par un taux d'abstention record de plus de 75%, le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad a démissionné jeudi, deux semaines après les élections législatives. 

En fonction depuis le 28 décembre 2019, Abdelaziz Djerad va rester chef du gouvernement pour gérer les affaires courantes. «J'accepte la démission, mais continuez à gérer les affaires courantes jusqu'à la désignation d'un nouveau gouvernement», a déclaré le président Tebboune, cité par l'agence de presse officielle APS. Le chef de l'État a remercié son premier ministre d'avoir dirigé le gouvernement «dans des conditions difficiles», notamment en raison de la pandémie de COVID-19.

Si l'information était évoquée depuis plusieurs semaines, l'annonce des résultats définitifs des élections législatives par le Conseil constitutionnel confirme la démission de l'actuel Premier ministre. Selon la télévision nationale algérienne, Djerad devra présenter officiellement sa démission au chef de l'Etat vendredi à 11h30, cette procédure est conforme à l'article 113 de la Constitution qui stipule que le Premier ministre ou le chef du gouvernement peut, selon le cas, présenter sa démission au Président de la République.

Dans le même ordre d'idées, il convient de noter que la Constitution stipule, à l'article 103, que "le gouvernement est dirigé par un Premier ministre lorsque les élections législatives ont donné lieu à une majorité présidentielle" et par "un chef de gouvernement lorsque les élections législatives ont donné lieu à une majorité parlementaire".

Le président algérien, que beaucoup continuent de lier à l'ancienne direction du Front de libération nationale, et les chefs de l'armée qui le soutiennent, ont misé sur les élections législatives, afin de mettre un terme à plus de deux ans de protestations du mouvement de protestation citoyen Hirak, qui continue d'inonder les rues pour réclamer les réformes politiques exigées par une population confrontée à une grave crise économique, marquée par la chute des prix du marché de l'énergie et la corruption d'une classe politique installée au pouvoir.  

L'assemblée qui se dessine est susceptible de déboucher sur une coalition rassemblant les deux partis traditionnels (FLN et le Rassemblement national démocratique RND), les indépendants, les islamo-conservateurs et des petites formations proches du pouvoir. Sitôt élus, la plupart des députés indépendants ont fait allégeance au président Tebboune. Quant au premier ministre, le chef de l'État pourrait soit reconduire Abdelaziz Djerad, soit désigner un représentant de la majorité parlementaire ou bien encore une personnalité non affiliée à un parti politique.

Le Conseil constitutionnel, qui a examiné 348 recours, a déclaré 48 recours recevables sur le fond et en a rejeté 300 "pour défaut ou insuffisance de preuves ou moyens infondés", ce qui a entraîné la correction de la répartition des sièges dans un certain nombre de circonscriptions. L'article 211 de la loi électorale stipule que "les résultats définitifs des élections législatives sont tenus et proclamés par la Cour constitutionnelle (aujourd'hui le Conseil constitutionnel) au plus tard dix jours après la date de réception des résultats provisoires adoptés par l'ANIE (Autorité électorale nationale indépendante).

Selon les résultats définitifs, les changements ont également affecté la répartition des sièges au sein de la nouvelle Assemblée populaire nationale (APN), où le Front de libération nationale (FLN), qui contrôle la chambre basse algérienne depuis l'indépendance du pays en 1962, a perdu sept sièges. L'ancien parti unique, qui a remporté une nouvelle fois les élections législatives, a finalement obtenu 98 des 407 sièges après la sélection et les vérifications effectuées par le Conseil constitutionnel au lieu des 105 - annoncés par l'ANIE. Alors que les Indépendants ont gagné six sièges supplémentaires, passant de 78 à 84 sièges, la troisième force politique du nouveau NPA est le Mouvement de la société pour la paix (MSP), le principal parti islamiste, avec 65 sièges, avec un député supplémentaire, selon Efe. Même le Rassemblement national démocratique (RND) a gagné un siège supplémentaire (58 sièges) tandis que le Mouvement Al Binaa (Construction nationale) a perdu un siège (39 au lieu de 40). Pour le Front El Moustakbal (Futur) au pouvoir, qui a remporté 48 sièges, rien n'a changé entre les résultats provisoires et définitifs.

Ce paysage politique représentait un défi majeur pour le désormais ancien premier ministre, car sa capacité de décision était de plus en plus réduite face à un pays qui continue de réclamer un système civil et non militaire. Abdelmadjid Tebboune doit engager à partir de samedi des consultations avec les dirigeants des partis politiques et les représentants des indépendants, en vue de la formation d'un nouveau gouvernement, a précisé un communiqué de la présidence. Le prochain chef du gouvernement devra appliquer la feuille de route de Abdelmadjid Tebboune, à commencer par des élections locales d'ici la fin de l'année. Le pouvoir est en effet déterminé à reprendre la main, après deux ans et demi d'instabilité politique, en ignorant les revendications de la rue: État de droit, transition démocratique, souveraineté populaire, justice indépendante.

Il s'agit de la troisième consultation citoyenne à se tenir en Algérie depuis le départ du pouvoir de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika en 2019, qui a dirigé le pays pendant 20 ans sous la pression de la mobilisation de la rue et du pouvoir militaire qui l'avait maintenu au pouvoir. 24 millions d'Algériens étaient appelés aux urnes pour des élections législatives marquées par un taux d'abstention record, des chiffres qui ont jeté une ombre sur la stratégie du gouvernement, qui avait brandi la consultation comme la "fin du Hirak" et la naissance de "l'Algérie nouvelle". 

La démission du premier ministre algérien ouvre la voie au président, Abedelmadjid Tebboune, pour former un nouveau gouvernement. Les prochaines étapes seront l'inauguration, à la fin du mois, de la nouvelle Assemblée populaire nationale (APN), suivie de la nomination d'un premier ministre et de la formation d'un nouveau gouvernement qui devra tenir compte de la nouvelle carte politique.