Riyad réaffirme son partenariat avec l'Égypte et resserre ses liens avec la Jordanie avant le voyage de Biden dans la région
Le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman effectue une tournée diplomatique dans plusieurs pays de la région dans le but de renforcer les relations. La première étape de ce voyage était l'Égypte, où le dirigeant saoudien de facto est arrivé lundi soir pour rencontrer le président Abdel Fattah Al-Sisi.
Après une cérémonie d'accueil à l'aéroport du Caire qui a reflété la cordialité entre les deux hommes, Bin Salman et Al-Sisi ont discuté de questions d'intérêt commun et de sujets liés à leurs liens bilatéraux au palais présidentiel de la capitale égyptienne. À l'issue de la réunion, les deux dirigeants ont signé 14 accords d'une valeur de 7,7 milliards de dollars, selon Reuters
L'Arabie saoudite et l'Égypte entretiennent une coopération stratégique étroite dans de nombreux domaines. Cette visite, selon les mots de l'ambassadeur saoudien au Caire, Osama bin Ahmed Nugali, "est une extension d'un chemin ininterrompu de partenariat et de consultation", et "consolide et célèbre les liens qui ont été renforcés au fil des ans", rapporte Arab News.
À l'ordre du jour de la réunion figurent des questions régionales et internationales, notamment la guerre en Ukraine et son impact économique sur le Moyen-Orient. L'Égypte - premier importateur mondial de blé - est l'un des pays les plus menacés par l'insécurité alimentaire causée par le conflit, la Russie et l'Ukraine représentant 80 % des importations totales du pays en 2021. En mars dernier, un mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les prix du pain et de ses ingrédients, comme la farine, ont augmenté de 15 %. Pour cette raison, le Premier ministre Mostafa Madbuli a choisi de fixer les prix de vente du pain non subventionné pour les prochains mois.
D'autre part, l'Arabie saoudite a subi de fortes pressions de la part de l'Occident pour qu'elle augmente sa production de pétrole afin de faire face à la hausse des prix des carburants due à la guerre.
Le voyage de Mohammed bin Salman intervient donc à un moment extrêmement important pour le Moyen-Orient. Comme l'explique l'expert en relations internationales Tariq Al-Bardisi au média égyptien Sada El Balad, la région est confrontée à des défis politiques et économiques sans précédent dans le contexte de la crise ukrainienne.
"L'objectif de la visite de Mohammed bin Salman est de confirmer l'étendue de la force et de la fermeté de l'Égypte et de l'Arabie saoudite face à ce conflit et à ce contexte de turbulences mondiales", dit-il. Al-Bardisi souligne également les capacités énergétiques des deux pays. D'une part, Riyad et le pétrole, et d'autre part, le potentiel du Caire pour exporter du gaz depuis la Méditerranée. Pour cette raison, l'expert affirme que le président Joe Biden se concentre sur la région "parce qu'il a besoin de toutes les richesses que ces pays possèdent". Biden doit se rendre dans la région en juillet. Au cours de ce voyage, Biden participera à une réunion avec plusieurs dirigeants régionaux, dont Bin Salman et Al-Sisi.
Après la réunion au palais présidentiel du Caire, Bin Salman se rendra en Jordanie pour des entretiens avec le roi Abdallah II. La visite du prince saoudien à Amman vise à améliorer les relations entre les deux royaumes après plusieurs années de tensions autour de la garde des lieux saints de Jérusalem et de l'affaire du demi-frère du roi, Hamza bin Hussein, accusé d'une tentative de coup d'État contre le monarque.
Premièrement, le rapprochement présumé entre Israël et l'Arabie saoudite, qui se fait attendre depuis longtemps, a suscité des craintes à Amman quant à l'avenir de la mosquée Al-Aqsa de la ville sainte, ainsi que d'autres sites sacrés pour les musulmans et les chrétiens. La famille royale jordanienne est chargée de les protéger depuis 1994, date à laquelle Israël et la Jordanie ont signé un accord selon lequel Amman serait la gardienne de ces lieux saints.
Cependant, ces dernières années, plusieurs rapports ont révélé le désir de Riyad de prendre le contrôle des lieux saints de l'Islam à Jérusalem. Comme l'a admis un haut responsable de l'Autorité palestinienne à Al-Monitor en 2018, Riyad investissait cette année-là "beaucoup d'efforts pour retirer à la Jordanie la garde des lieux saints de Jérusalem".
En plus de ce désaccord, les relations saoudo-jordaniennes ont été affectées par la tentative de coup d'État contre Abdullah II. Des rapports font état de l'implication de Bassem Awadallah, ancien chef de la Cour royale de Jordanie et ancien conseiller de Mohammed bin Salman, dans le coup d'État déjoué.
Toutefois, cette visite vise à désamorcer les tensions et à améliorer les relations bilatérales avant le voyage de Biden dans la région. "Le roi Abdallah sera probablement intéressé par un engagement personnel de bin Salman à ne pas intervenir dans la politique intérieure jordanienne, notamment au sein de la famille royale", estime l'analyste Aaron Magid, cité par le Jerusalem Post.
Dans ce rapprochement, comme pour d'autres pays qui cherchent à renforcer leurs liens avec Riyad, l'économie joue un rôle clé. "Une façon tangible pour Riyad de renforcer les liens avec la Jordanie serait d'augmenter l'aide économique à Amman, qui a des problèmes de liquidités", ajoute Magid. L'expert jordanien Samar Muhareb partage cet avis et déclare au journal israélien que la visite pourrait "offrir un soulagement aux problèmes économiques" causés par la pandémie.
La nouvelle phase entre l'Arabie saoudite et la Turquie, le pays que Bin Salman visitera après la Jordanie, est également fortement conditionnée par la question économique en raison de la grave crise financière qui frappe le pays eurasien.
Coordinateur pour les Amériques : José Antonio Sierra.