La Russie renforce son influence dans la mer Rouge avec une nouvelle base navale au Soudan

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov et son homologue soudanais Ali Yousuf Al-Sharif se serrent la main lors d'une conférence de presse après leurs entretiens à Moscou, Russie le 12 février 2025 - REUTERS/ MAXIM SHEMETOV
L'accord entre la Russie et le Soudan prévoit l'établissement d'une installation navale russe dans la mer Rouge, capable d'accueillir des navires de guerre à propulsion nucléaire
  1. Caractéristiques de l'accord
  2. Quatre ans de négociations
  3. Une base navale en échange d'un soutien militaire

Après des années de négociations et d'attente, Moscou a atteint son objectif stratégique de créer une base navale militaire sur le territoire du Soudan, afin de contrôler l'accès à la mer Rouge. C'est ce qu'a annoncé le ministre soudanais des Affaires étrangères, Ali Youssef Al-Sharif, lors de sa visite à Moscou.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov et son homologue soudanais Ali Yousuf Al-Sharif se serrent la main lors d'une conférence de presse après leurs entretiens à Moscou, Russie le 12 février 2025 - REUTERS/ MAXIM SHEMETOV

« Nous n'avons pas discuté de ce que nous voulions convenir, car cela avait déjà été signé dans un accord entre les deux pays et il n'y avait aucun désaccord à ce sujet », a déclaré le ministre après la réunion avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. L'accord prévoit la construction d'une base navale militaire dans la ville de Port Soudan, au nord-est du pays et sur les rives de la mer Rouge, ce qui était l'un des principaux objectifs du Kremlin. 

Lavrov, pour sa part, a précisé que cet accord s'inscrit dans le cadre du renforcement des relations bilatérales, qui se sont considérablement améliorées grâce au soutien de la Russie au veto du Conseil de sécurité contre la résolution britannique qui établissait l'éventuelle ingérence du Royaume-Uni dans les affaires intérieures du Soudan.

Youssef a conclu en soulignant le rejet par Khartoum de toute ingérence étrangère et a indiqué que cette station ne représentait une menace ni pour aucun autre pays ni pour la souveraineté du Soudan, citant en exemple la ville voisine de Djibouti, qui abrite plusieurs bases étrangères. 

« Nous sommes parvenus à un accord mutuel sur ce sujet. Par conséquent, la question est très simple : nous sommes d'accord sur tout », a déclaré Lavrov en réponse aux négociations sur l'établissement de la nouvelle base militaire à Port Soudan. 

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et le chef du Conseil souverain transitoire du Soudan, Abdel Fattah al-Burhan, lors d'une réunion à Moscou - PHOTO/FILE

Caractéristiques de l'accord

Bien que les détails de l'accord n'aient pas été précisés, des sources consultées par la BBC ont assuré que le contrat durera 25 ans, car l'idée de la Russie est d'établir un centre logistique naval qui servira de liaison pour les navires russes se trouvant dans les eaux de la mer Rouge et ses environs. 

Parmi les capacités de cette nouvelle base, on peut citer la possibilité d'accueillir des navires dotés d'un arsenal nucléaire et de servir de base à plus de 300 soldats russes

La même source affirme que les intérêts russes dans le port ont probablement augmenté ces derniers mois en raison de la perte de soldats en Syrie après la chute du régime de Bachar Al-Assad, puisque le nouveau gouvernement a résilié les contrats avec le Kremlin qui accordaient à la Russie la location à long terme de la seule base navale que Moscou possédait en dehors du territoire de l'ancienne Union soviétique.

La frégate RFS Admiral Grigorovich (494) de la marine russe à l'ancre à Port-Soudan - PHOTO/ FILE

Quatre ans de négociations

1 550 jours après que le président russe Vladimir Poutine a entamé les négociations avec les autorités soudanaises, la base navale militaire au Soudan prend forme. Malgré l'impasse des discussions, Khartoum et Moscou ont réussi à rapprocher leurs positions.

le déclenchement de la guerre entre l'armée et les Forces de soutien rapide (RSF), mais ce n'est qu'en avril 2023 que l'approbation du plan de développement de la base militaire est passée sous la responsabilité du parlement soudanais. 

Enfin, en mai, le commandant en chef adjoint de l'armée soudanaise, Yasser al-Atta, a confirmé que les deux États signeraient prochainement les contrats connus aujourd'hui pour l'établissement définitif de la base navale à Port Soudan. 

Le président russe Vladimir Poutine serre la main du chef du Conseil souverain transitoire du Soudan, Abdel Fattah al-Burhan, lors d'une réunion en marge du sommet Russie-Afrique à Sotchi, Russie, le 23 octobre 2019 - KREMILIN/ MIKHAIL METZEL via REUTERS

Une base navale en échange d'un soutien militaire

Toute concession implique un troc ; rien n'est donné sans qu'il y ait quelque chose, visible ou non, en échange. Dans ce cas, le Soudan n'allait pas être en reste. Lors de l'annonce à la presse de l'accord d'établissement de la base navale, Lavrov a assuré qu'en échange des concessions soudanaises, l'exécutif russe s'engageait à envoyer « une aide militaire qualitative sans restrictions ».

Selon le politologue allemand Hager Ali, c'est la Russie qui a toujours eu et qui a toujours les cartes en main dans les négociations. Ali explique que plus le conflit durera, plus les FSR auront besoin d'armes et donc plus la Russie vendra d'armes.

C'est le même cas que pour les carburants, en particulier le diesel. Pour cela, le politologue a souligné que l'activité russe dans d'autres pays comme la Libye et le Tchad a été financée grâce à la contrebande de diesel, de sorte que maintenant, depuis la nouvelle base de Port Soudan, le commerce des hydrocarbures pourrait à nouveau devenir l'une des principales sources de revenus pour Moscou.