Tebboune confond les Algériens : la reconnaissance d'Israël passe par la création d'un Etat palestinien

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune - PHOTO/ Pavel Bednyakov/Host photo agency RIA Novosti via REUTERS
Le président algérien a accordé une interview à L'Opinion, dont les réponses ont surpris les Algériens par ses déclarations sur Israël
  1. Israël et la solution à deux États
  2. Macron, Sansal et le Sahara occidental
  3. Les États-Unis, Trump et le Polisario

Démontrant que le pouvoir algérien repose sur l'autorité de la junte militaire, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a accordé une interview à L'Opinion dans laquelle il a fait état d'une série de rebondissements dans la politique étrangère algérienne qui ont déconcerté tant les Algériens que l'opinion internationale. 

Il n'est pas surprenant que les analystes et les observateurs du régime algérien aient qualifié cette interview de « début de la fin de Tebboune à la tête de l'Algérie ». 

Président algérien Abdelmadjid Tebboune - PHOTO/Russian Foreign Ministry via REUTERS

Le président algérien a déconcerté tout le monde avec ses déclarations sur les changements dans les relations avec les États-Unis et l'arrivée de Trump ; avec les références au président français Emmanuel Macron concernant les relations tendues entre les deux nations ; avec les conditions de reprise des relations avec Israël ; avec sa demande de ne pas considérer le Front Polisario comme une organisation terroriste ; ou encore avec les incohérences sur le soutien ou non au régime syrien de Bachar Al-Assad. 

Israël et la solution à deux États

En répétant le slogan « Avec la Palestine, qu'elle soit oppresseur ou opprimée », Tebboune a précisé la nouvelle position de l'Algérie sur la solution du conflit : deux Etats indépendants... avec la capitale palestinienne à Jérusalem. 

Palestiniens de Gaza célébrant l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas - REUTERS/Ramadan Abed

Dans l'interview, il a ouvertement déclaré que, comme ses prédécesseurs Bouteflika et Chadli Bendjedid, la seule solution pour que le processus de paix ait lieu est la création d'un Etat palestinien indépendant. Selon Abdelmadjid Tebboune, toute solution qui n'inclurait pas la création de deux Etats indépendants ne serait pas soutenue par Alger. « Le jour où il y aura un Etat palestinien, l'Algérie normalisera bien sûr ses relations », a-t-il déclaré. 

Toutefois, les déclarations du dirigeant algérien ont souligné que le seul obstacle à toute relation entre l'Algérie et Israël est le refus de Tel-Aviv de permettre la création d'un État palestinien indépendant. 

Manifestation organisée par American Muslims for Palestine pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza défile sur Pennsylvania Avenue à Washington, États-Unis. ÉTATS-UNIS, le 21 octobre 2023 - REUTERS/BONNIE CASH

Macron, Sansal et le Sahara occidental

En ce qui concerne les relations entre Alger et Paris, le président algérien a été clair : « Nous perdons notre temps avec Macron ». Si le dirigeant français est venu en août 2022 pour normaliser les relations, les récentes décisions politiques en faveur du Maroc ces dernières années ont conduit à une rupture des liens entre les deux pays. 

Le président français Emmanuel Macron avant de voter au premier tour des élections législatives dans un bureau de vote au Touquet, dans le nord de la France, le 30 juin 2024 - REUTERS/YARA NARDI

De l'ordre donné à l'ambassadeur algérien en France de ne pas rester au consulat aux extraditions d'activistes algériens, des dizaines d'actes ont conduit à un climat de tension. Cependant, parmi tous les problèmes, Tebboune a pointé deux raisons spécifiques : le refus d'extrader ceux que le président considère comme des dissidents algériens auxquels la France a accordé l'asile, et le soutien français au plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental.

Boualem Sansal, écrivain franco-algérien - PHOTO/ARCHIVO

Sur le cas de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le président a dénoncé une manipulation des autorités françaises pour remettre en cause les frontières algériennes. « Boualem est français, mais il est d'abord algérien », a déclaré Tebboune. 

Enfin, il a précisé que l'état de santé de l'essayiste est bon et qu'il partage du temps avec sa famille comme le reste des détenus de la prison, faisant allusion au fait que le traitement que reçoit l'écrivain est le même que celui du reste des prisonniers. 

Les États-Unis, Trump et le Polisario

L'arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis continue d'avoir des répercussions. Pour Tebboune, les relations avec l'exécutif américain sont plus importantes que jamais, car le partenaire prioritaire de Washington en Afrique est le Maroc. 

L'instabilité persistante du Sahel, dont la défense a toujours été soutenue par la force militaire russe, a fait des États-Unis le seul acteur capable d'assurer un équilibre durable dans la région. 

Le président élu Donald Trump - REUTERS/REBECCA COOK

C'est pourquoi, une semaine avant l'interview, le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire, le général Said Chengriha, et le général du Corps des marines, Michael Langley, ont signé un protocole d'accord permettant aux troupes américaines et algériennes de coopérer plus étroitement dans la région du Sahel.

En guise de rapprochement avec l'administration de Donald Trump, Tebboune a confirmé qu'il accepterait l'arrivée des 306 Algériens vivant aux États-Unis et bénéficiant du statut français d'OQTF, en échange d'une « réflexion de Trump sur l'opportunité de qualifier le Front Polisario d'organisation terroriste ». 

L'influent général Saïd Chengriha occupe depuis novembre le poste de ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, qui est le président Abdelmadjid Tebboune lui-même, également chef suprême des forces armées - PHOTO/ARCHIVO

Pour les objectifs du régime militaire algérien, l'inscription du Front Polisario sur la liste des organisations terroristes pourrait être décisive, car elle mettrait en péril les objectifs de réalisation d'une RASD (République arabe sahraouie démocratique).

Avec ces mesures, Alger s'attend à ce que les Etats-Unis fassent des progrès diplomatiques significatifs comme ils le font avec le Maroc voisin. Enfin, Tebboune a noté que l'infrastructure des hydrocarbures de l'Algérie n'aurait pas pu survivre sans le soutien des États-Unis et a remercié Trump d'avoir félicité le président algérien pour sa victoire électorale dans les heures qui ont suivi son élection en 2019.