Une pandémie perturbe le modèle actuel de mondialisation

La pandémie de COVID-19 a agi comme un catalyseur pour des processus déjà en cours dans le monde. Si la mondialisation a commencé à être remise en cause ces dernières années par les délocalisations et les inégalités croissantes dans les pays développés, la crise sanitaire actuelle a accéléré ce processus. Le télétravail est un autre élément qui est sorti renforcé de cette situation difficile. Bien que ces tendances soient restées en dehors du radar du Panorama stratégique 2020 produit par l'Institut d'études stratégiques (IEEE), depuis la clôture des analyses en janvier, lors de la présentation du document ce mardi en session virtuelle, les intervenants ont évoqué ces nouvelles tendances.  

« De nombreux pays avaient déjà inclus la menace d'une pandémie dans leurs analyses prévisionnelles. Ce scénario est discuté depuis les années 1990 », a déclaré Felipe Sahagún lors de son discours. Ce journaliste est l'auteur du premier chapitre du Panorama stratégique 2020 de l'IEEE qui aborde les principaux défis auxquels le monde est confronté cette année : la démocratie en crise, les protestations dans le monde, les conflits oubliés (comme en Afghanistan, en Ukraine, en Libye ou en Corée) ou le risque d'un retour à des politiques protectionnistes.  

« La mondialisation est imparable, même s'il y aura désormais des pas en arrière et que les chaînes de production seront limitées, il n'y aura pas de retour aux modèles du passé. Il est probable que l'intégration asiatique sera renforcée par la reprise d'une partie de la production vers l'Occident », a déclaré le colonel José Pardo de Santayana lors de son discours de présentation de Panorama 2020.

Le deuxième chapitre est écrit par le diplomate Ricardo López-Aranda, ambassadeur d'Espagne en Côte d'Ivoire. Cette section traite de l'importance croissante de l'Asie dans le monde. « Ce continent va gagner en importance à l'avenir, au moment où les États-Unis se retirent à leurs frontières », a déclaré M. López-Aranda dans son discours par vidéoconférence depuis Abidjan. Concernant l'impact de COVID-19 en Afrique, le diplomate a expliqué que la pandémie a une incidence plus faible sur le continent que dans le reste du monde, bien que les causes de ce phénomène soient encore inconnues. « Il y a certains éléments de résilience dans la région, comme un grand volume de population rurale, mais aussi de nombreuses vulnérabilités », a-t-il déclaré.  

L'Afrique du Nord a été l'un des territoires qui a agi le plus rapidement. Le Maroc, la Tunisie ou l'Algérie ont fermé leurs liaisons aériennes et maritimes à la mi-mars. Les craintes d'un effondrement de leur système de santé les ont amenés à prendre des précautions extrêmes contre le virus. Au Moyen-Orient, les infections ont également été moins nombreuses qu'en Espagne ou en Italie et des mesures de confinement strictes ont été prises. « La pandémie est arrivée dans un contexte social de transformations internes dans la région. Ces pays ont un grand défi à relever sur le plan sanitaire, économique et politique », a déclaré María Dolores Algora, professeure à l'université San Pablo CEU, qui a préparé le chapitre de Panorama 2020 consacré aux défis stratégiques en Méditerranée.  

Dans la crise sanitaire actuelle, tous les pays doivent faire face à des problèmes similaires, bien que chaque région ait ses propres particularités. Dans le cas de l'Union européenne, la pandémie a démontré son incapacité logistique. « Nous avons dû nous tourner vers des fournisseurs extérieurs à l'UE et il y a eu un manque de prévoyance. Une stratégie de santé est nécessaire au niveau européen pour faire face à ces menaces », a expliqué le professeur Rafael Calduch, professeur de droit public international à l'université Complutense et auteur du cinquième chapitre du rapport, consacré aux dilemmes et défis politiques auxquels l'Union européenne est confrontée. M. Calduch a prédit un scénario très compliqué pour les années à venir pour le Royaume-Uni, qui devra faire face à la crise économique suite à la pandémie en même temps qu'il consomme sa sortie de l'UE.  

La dernière partie de Panorama 2020, bien que non moins importante, est une section consacrée à la stratégie et à la technologie. « La Chine est un grand pays, avec une population importante, qui est en train de devenir très riche. En outre, il commence à développer une capacité technologique capable de faire face à la suprématie occidentale », a déclaré le général Enrique Silvela, co-auteur du chapitre sur les technologies émergentes avec Gonzalo León, professeur d'ingénierie des télécommunications à l'Université polytechnique de Madrid. « Prévoir ce qui va se passer est difficile, mais nous avons essayé. Nous avons intégré des graphiques provenant de sociétés de conseil qui indiquent quand la productivité technologique maximale sera atteinte », a déclaré M. León.