La visite d’Erdogan une bouffée d’oxygène pour Tebboune
Après avoir essuyé de multiples revers diplomatiques dont le plus cinglant le refus d’adhésion au groupe BRICS, le régime algérien a sombré corps et âme dans un isolement qu’il a du mal à accepter. Depuis le sommet arabe tenu à Alger les 1 et 2 novembre 2022 et boycotté par les chefs d’Etats arabes les plus illustres et notamment par ceux des pays du golfe, et les échecs de ses visites en Russie et en Chine, le président Tebboune n’a plus apparu dans les grandes rencontres internationales. Pis encore, il fut vertement prié par le ministre saoudien des affaires étrangères dépêché à Alger par le prince héritier, Mohammed bin Salman, de ne pas participer au sommet de la ligue arabe de Djeddah tenu au mois de mai 2023 à cause de l’entêtement du régime algérien à refuser toute médiation arabe dans le conflit qui l’oppose à son voisin marocain.
Les Saoudiens récidivent tout récemment en omettant d’inviter l’Algérie au sommet arabo-islamique abrité par Ryad, le 11 novembre dernier, consacré à la guerre contre Gaza.
En brouille avec de nombreuses capitales arabes dont Dubaï, le Caire, Ryad et évidemment l’inévitable Rabat, le régime algérien est en réalité en désaccord avec tous les pays arabes. Aucun pays membre de la ligue arabe ne s’aligne sur la position algérienne au sujet de l’affaire du Sahara occidental. La reconnaissance nette et sans ambages de la marocanité du Sahara par les pays arabes a mis en échec la tentative d’Alger de mettre dans le même sac la cause palestinienne et l’affaire du Sahara occidental lors du sommet d’Alger de novembre 2022.
Avec l’Europe, les choses ne sont pas meilleures. En froid avec l’Espagne et la France, Alger se voit flouée par les Italiens qui ont bénéficié de sa générosité dans les contrats gaziers sans lui renvoyer l’ascenseur.
Alger est asphyxiée par un isolement qu’elle n’a jamais connu même aux moments les plus forts de la guerre civile qui a ravagé le pays durant plus d’une dizaine d’années. C’est pourquoi elle se contente d’une visite de quelques heures du président turc qui lui permet de sortir la tête de l’eau et surtout profiter de la présence d’une voix écoutée dans le monde pour faire entendre la sienne sur la guerre israélo-palestinienne.
Evidemment, les Turcs ne font rien pour rien. Le président Recep Tayyip Erdogan a évoqué le chiffre de « 10 milliards de dollars » d’échanges économiques qu’il « espère » atteindre entre les deux pays dans « un court laps de temps » rappelant que 1400 entreprises ont investi en Algérie. Un chiffre à l’avantage net de la Turquie puisque Alger fait figure de parent pauvre en matière d’investissements en Turquie et n’a pratiquement rien à vendre aux Turcs.
Accompagné d’une délégation forte de plusieurs ministres de différents secteurs, Recep Tayyip Erdogan brasse large. Des contrats d’investissement colossaux dans les domaines de l’Industrie, l’Energie et les Mines, les Transports, la Pêche et les Productions halieutiques, l’Agriculture, la Justice, l’Education, le Commerce, les Finances, les Travaux publics, la Culture et l’Enseignement supérieur.
La coopération économique commence à s’étendre à d’autres secteurs, tels que les énergies renouvelables, les mines, l’agriculture saharienne et l’industrie pharmaceutique. Une coopération que le président algérien qualifie de « fructueuse et prometteuse ».
Sur le plan historique, la Turquie passe aux yeux des Algériens pour le plus grand traître pour avoir « vendu » leur pays aux Français en 1830 après trois siècles de domination ottomane (de 1518 à 1830). Pis encore, Elle a voté contre l’indépendance de l’Algérie en 1958 à l’ONU. Mais, cela ne semble pas affecter les gouvernants de « l’Algérie nouvelle » qui font du Maroc, qui a servi de base arrière à la révolution algérienne de 1954, l’ennemi numéro un. Aussi, les dirigeants algériens qui font de la normalisation des relations du Maroc avec Israël un alibi supplémentaire pour justifier leur animosité envers le voisin de l’ouest, ne font pas le moindre grief à la Turquie sur ce sujet.
Cette embellie des relations algéro-turques trouve son explication dans les relations personnelles que tissent avec des hommes d’affaires turcs, certains hauts responsables militaires et civiles dont le président Tebboune et ses enfants comme démontré par deux reportages diffusés durant la campagne électorale de décembre 2019, par la chaîne de télévision An-nahar. Dans ces reportages on voyait comment Abdelmadjid Tebboune, alors en disgrâce, après son limogeage de son poste de premier ministre, était pris en charge par des hommes d’affaires turcs. Les reportages avaient pour objectif de coller une étiquette de corrompu au candidat Tebboune. Ils ont été diffusés sur instructions du général-major Wacini Bouazza, aujourd’hui à la prison militaire de Blida pour purger une peine de 16 ans. Ce général était patron de la Sécurité intérieure et voulait vaille que vaille barrer le chemin à Tebboune soutenu par le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, alors vice-ministre de la défense nationale et chef d’état-major de l’armée.
Aujourd’hui, les choses sont claires. Jamais les relations entre les deux pays n’ont connu pareil niveau de coopération et d’échanges. Erdogan est le seul président avec qui Tebboune a eu le plus d’échanges. En quatre ans, les deux hommes se sont rencontrés à quatre reprises. Deux fois à Alger (janvier 2020 et novembre 2023) et deux fois à Ankara (en mai 2022 et juillet 2023). Sans pour autant oublier de souligner que Recep Tayyip Erdogan est le premier chef d’Etat étranger à s’être rendu à Alger après l’investiture de Tebboune. C’était en janvier 2020. De toutes ces rencontres et de toute relation forte et bien soutenue, Alger a gagné une chose : l’extradition de l’adjudant Guermit Bounouara, l’ex-secrétaire particulier de feu Gaïd Salah parti demander l’asile politique en Turquie en échange d’un volumineux dossier compromettant pour Tebboune et certains hommes d’affaires turcs.