Le pays d'Afrique du nord prévoit plusieurs initiatives pour améliorer la capacité nationale en matière d'eau

Mégaprojets, barrages et techniques innovantes sont les nouvelles armes du Maroc face à une situation hydrique difficile

PHOTO/MAP - Le barrage Youssef Ben Tachfin dans l'oued Massa, dans la province de Tiznit, inauguré en 1972

En raison de la sécheresse et de la faible pluviométrie que connaît le pays depuis quelques années, le Maroc envisage de lancer une série de projets à court et moyen terme pour remédier au problème. Face à une situation hydrique difficile, le gouvernement marocain a décidé d'agrandir les barrages et d'en construire de nouveaux, en plus de lancer des projets de dessalement d'eau de mer à grande échelle et de généraliser les techniques innovantes dans le secteur agricole. 

Lors de la présentation de son projet de budget 2024, le ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, a particulièrement mis l'accent sur les grands projets prévus dans les différents secteurs liés à l'eau. A cet égard, Baraka a souligné la situation difficile de l'eau dans le pays, qui continue à se détériorer en raison de la baisse des précipitations, importante pour cette période de l'année. 

Selon le ministère de l'Eau, les précipitations enregistrées au Maroc entre le 1er septembre 2022 et le 31 août 2023 ont augmenté à 134,05 millilitres contre 102,05 millilitres au cours de la saison précédente, reflétant une amélioration de 31,4%. Toutefois, le déficit national de -29,2% persiste par rapport à une année normale avec une pluviométrie atteignant 188,4 millilitres.  

PHOTO/ATALAYAR/GUILLERMO LÓPEZ - Nizar Baraka, ministre de l'Équipement et de l'Eau du Maroc

Barrages

Jusqu'au 7 novembre 2023, par rapport à une année normale, une baisse des réserves est observée au niveau des principaux bassins du pays.  Le stock des barrages au niveau national, qui a augmenté au cours de l'année hydrologique actuelle, c'est-à-dire depuis le 1er septembre 2023, pour atteindre 4,33 milliards de m³ (26,84% de son réservoir), a de nouveau baissé au 7 novembre 2023 pour atteindre près de 3,98 milliards de m³, soit 24,7% de son réservoir, ce qui est presque le même niveau que l'année dernière. 

Voici la situation actuelle des barrages au Maroc selon les dernières données actualisées et par ordre décroissant. 

Barrage de Sebou : avec 2,14 milliards de m³ représentant 38,6% de sa retenue, ce bassin couvre la quasi-totalité de la région du Gharb-Chrada-Beni Hssen et les régions de Fès et Boulmane. 

Barrage Loukkos : avec 621,5 millions de m³ représentant un taux de retenue de 36,1%, il couvre les provinces de Tanger, Tétouan, Larache, Chaouen, Al Hoceima, Kenitra, Sidi Kacem et Taza. 

Barrage Oum Errabia : avec 346,3 millions de m3 représentant un taux de remplissage de 7 %, il couvre les régions de Beni Mellal, Juribga, Azilal, ElYadida, Safi et une partie de Jenifra et Settat. 

Barrage Bouregreg-Chaouia : avec 288,4 millions de m³ représentant 26,6 % de sa retenue, il couvre la région de Casablanca-Settat, Rabat-Kénitra et une partie de Beni Mellal-Jénifra. 

Barrage de Tensift : avec 85,2 millions de m³ représentant 37,5% de la retenue, il couvre l'ensemble de la préfecture de Marrakech, les provinces d'Al-Haouz, de Chichaoua et d'Essaouira. 

Le barrage de Sus-Masa : avec 83,4 millions de m³ représentant 11,4 % de sa retenue, il répond aux besoins en eau de Sus, Masa, et des bassins côtiers du nord de Tamri-Tamghart, ainsi que de la plaine de Tiznit. 

PHOTO/FILE - Les autorités marocaines renforcent les mesures de lutte contre les pénuries d'eau

Face à cette difficile réalité de l'eau, le Royaume du Maroc a pris plusieurs mesures et défini des stratégies pour parvenir à une bonne gouvernance de ce secteur vital et assurer une gestion efficace des ressources en eau du pays. Dans ce contexte, il a signé des contrats et lancé des projets pour assurer la conservation des aquifères et la production d'eau potable. 

Selon le ministre de l'Eau, le déficit hydrique du Maroc ne l'a pas empêché de répondre aux besoins en eau potable de la population nationale. Ceci grâce aux projets lancés par l'Etat dans ce domaine, qui se résument aux stations de dessalement de l'eau de mer et à l'utilisation des aquifères.

En matière de dessalement de l'eau de mer, la station d'Agadir a une capacité de 34 millions de m³/an d'eau potable, tandis que les stations d'Al Hoceima et de Safi, d'une capacité de 6 millions de m³/an, sont déjà exploitées progressivement à partir de septembre 2023.  

Les aquifères ou eaux souterraines ont été utilisés pour l'irrigation, notamment des champs de Sus, Errachidia, Tadla, Berrechid et Al-Haouz.  Cependant, la surexploitation a provoqué une baisse du niveau de l'eau, notamment à Tadla avec -5m, Beni Amir avec -4m, Sus avec -4m et Chtouka avec -1,5m. 

A cet égard, le ministère a déjà signé trois contrats de gestion participative de l'eau, à savoir : Al-Haouz-Mejjat, Rmel et Meski-Boudnib, et a préparé cinq contrats d'eau à signer, tels que les contrats Fayja, Trifa, Berrechid, Almenarse, Drader. Onze autres contrats sont en cours de préparation, qui visent à régulariser l'utilisation des eaux souterraines afin de parvenir à une bonne gestion de cette richesse hydrique.

PHOTO/SOMAGECGROUPE - Plan du projet de liaison entre le Sebou et le Bourgreg par des "autoroutes de l'eau"

En matière de barrages et d'amélioration de la capacité de stockage d'eau du pays, un budget de plus de 40 millions d'euros sera alloué à la construction des barrages de M'dez Sefrou et Ghiss à Al Hoceima et Koudiat El Berna à Sidi Kacem, d'une part, et au suivi de la construction de 16 autres grands barrages, d'autre part. Par ailleurs, le démarrage de la construction du barrage de Boukhmis à Jemisset d'une capacité de production d'eau de 650 millions de m3 et l'appel d'offres pour sa construction ont déjà été lancés. 

La même enveloppe budgétaire comprend également le lancement de l'appel d'offres pour la construction du barrage de Sidi Mansour à Tétouan, de Sidi Ghighaya à Al-Haouz et de Toughza à Azilal. Ces deux derniers barrages seront construits par l'Agence de développement du Haut Atlas dans le cadre du développement des provinces touchées par le tremblement de terre d'Al-Haouz.

AFP/FETHI BELAID - Un technicien dans une station d'épuration.

Il est à noter qu'entre octobre 2021 et octobre 2023, 18 grands barrages étaient en cours de construction dans plusieurs bassins et leur achèvement est prévu entre 2023 et 2029. Il s'agit des barrages suivants :  

Le barrage de Fask Guelmim, d'une capacité de production de 79 millions de m³. Sa construction nécessite un investissement de 130 millions d'euros. Les travaux sont réalisés à 95,1 % et devraient s'achever fin 2023. 

Le barrage de M'dez Sefrou, d'une capacité de production de 700 millions de m³, nécessite un budget de 160 millions d'euros.  Il est réalisé à 82 % et son achèvement est prévu pour 2024. 

Surélévation du barrage Mohammed VI à Taurirt pour atteindre une capacité de production de 980 millions de m3, avec un budget de 140 millions d'euros. Il est réalisé à 25 % et devrait être achevé en 2026. 

Le barrage de Kheng Grou à Figuig d'une capacité de production de 1 million de m³ nécessite un budget de 110 millions d'euros et devrait être achevé en 2027. 

Le barrage de Ratba à Taunat d'une capacité de production de 1 million de m3 et sa réalisation nécessite un budget de près de 400 milliards d'euros. Il devrait être achevé en 2029, avec un taux d'avancement de seulement 7 %. 

  

Le Maroc sera également doté d'une capacité de stockage supplémentaire estimée à 5,7 milliards de mètres cubes, avec un surplus budgétaire de 2,9 milliards d'euros.

Il s'agit de deux barrages dont la capacité de production dépasse 1 milliard de m³, de deux barrages dont la capacité de production varie entre 200 et 600 millions de m³ et de 10 barrages dont la capacité de production sera inférieure à 200 millions de m³.

Le ministère de l'Eau prévoit également de lancer d'autres projets de barrages de petite et moyenne taille d'ici 2024. La Baraka prévoit de lancer des appels d'offres pour la construction de deux barrages de taille moyenne avec un budget de 69,2 millions d'euros, tels que le barrage de Tassa-Ouirgane dans la province d'Al-Haouz et le barrage d'Ain Kesb dans la province de Benslimane, en plus du barrage de Sidi Yaacoub à Tiznit, du barrage de Mssalit à Tata et du barrage de Lemdad à Tarudant. 

Dans le cadre des investissements dans le secteur de l'eau, le Maroc poursuit les projets de petits barrages et la poursuite des travaux du barrage de Foum Zguid à Tata (6,3 millions d'euros) et le lancement des appels d'offres pour 10 petits barrages (41,5 millions d'euros). 

Cinq petits barrages sont déjà en cours de réalisation, dont la construction nécessite un budget de 23,315 millions d'euros. 

Dans le même ordre d'idées, le ministère de l'équipement et de l'eau prévoit d'achever l'année prochaine le projet de raccordement du bassin de Sebou au barrage de Sidi Mohamed Ben Abdellah (bassin du Bouregreg) et au barrage d'Al-Massira (bassin de l'Oum Errabia), avec un débit de 30 m³/s. Le projet sera achevé au cours de l'année prochaine. Le projet de raccordement du barrage Oued al-Makhazin au système hydraulique du Grand Tanger sera également réalisé de cette manière.

PHOTO/FILE - Barrage au Maroc

Stations de dessalement d'eau de mer 

Dans le domaine du dessalement de l'eau de mer, six projets sont actuellement en cours, ce qui permettra au ministère de renforcer l'approvisionnement en eau potable du pays et d'éviter d'éventuelles pénuries d'eau dans certaines régions du pays. Les stations sont les suivantes par ordre décroissant : 

Station de Jorf Lasfar : avec une capacité de production de 52 millions de m³/an dont 45 millions de m³/an d'eau potable. 

Station de Safi : plus de 50 millions de m³/an dont 20 millions de m³/an pour l'industrie et 30 millions de m³/an pour l'eau potable. 

Station de Dakhla : 37 millions de m³/an d'eau potable et d'eau d'irrigation. 

Station de Sidi Ifni : 3,15 millions de m³/an d'eau potable. 

Station d'Amgriou : 0,16 million de m³/an d'eau potable et d'irrigation. 

Station de Guerguerat : 0,16 million de m³/an d'eau potable. 

Jusqu'à présent, un total de 14 stations ont déjà été installées avec une capacité de 192 millions de m³/an, tandis que les 16 autres stations sont en cours d'étude et grâce à elles, la capacité de production d'eau passera à 1,5 milliard de m³/an. 

Le ministère a révélé que la station de dessalement de Jorf Lasfar est en cours de construction, que sa capacité de production passe à 30 millions de m³/an et qu'elle sera exploitée à partir de fin 2023 pour alimenter la ville d'El Jadida en eau potable. La construction de la station de Casablanca devrait commencer début 2024, selon le ministère. 

AFP/FADEL SENNA - Le barrage d'Abdelmoumen, à une soixantaine de kilomètres de la ville côtière d'Agadir, au Maroc

Des techniques innovantes 

Le Maroc a adopté un plan national pour optimiser l'utilisation des ressources en eau et augmenter la productivité agricole. Rappelons ici que le Plan national d'économie d'eau d'irrigation est soutenu par la Banque mondiale depuis 2010. 

À la recherche des méthodes les plus efficaces pour fournir de l'eau et des nutriments aux cultures, l'irrigation au goutte-à-goutte a représenté pour le Maroc l'une des meilleures techniques d'irrigation qui ont modifié les pratiques agricoles locales. 

L'irrigation au goutte-à-goutte est la méthode uniforme, quelles que soient les conditions topographiques et pédologiques, qui permet aux agriculteurs non seulement d'obtenir un rendement élevé et une meilleure qualité, mais aussi d'économiser de l'énergie, car elle fonctionne à basse pression. C'est une technique qui garantit une plus grande stabilité et le plus faible niveau de risque.

PHOTO/FILE - Les autorités marocaines renforcent les mesures de lutte contre les pénuries d'eau

La recherche et l'innovation sont au cœur des préoccupations des opérateurs du secteur agricole au Maroc. Ainsi, dans le contexte du changement climatique et de l'évolution de la gestion de l'eau, le Maroc développe des systèmes d'irrigation durables pour dynamiser son agriculture et optimiser l'utilisation de l'eau afin d'augmenter la productivité des cultures irriguées. 

Le semis direct est la nouvelle arme des agriculteurs marocains contre la sécheresse. En adoptant cette méthode, les agriculteurs s'assurent une réduction significative des coûts liés à la préparation des champs, tout en préservant la qualité des sols. 

Le système de semis direct ou sans labour propose une perturbation minimale ou nulle du sol. Il se contente d'un semis conventionnel, en enlevant la couche arable avant le semis pour aérer le sol, incorporer le fumier et les engrais. Le semis direct tente d'éviter de labourer le sol afin de le protéger davantage et de ne pas lui faire perdre sa consistance et ses qualités.