Une solution politique pour le Sahara occidental

Des membres du Front Polisario conduisent une camionnette équipée d'un canon anti-aérien au coucher du soleil à Bir Lahlou, Sahara Occidental - REUTERS/ ZOHRA BENSEMRA
La question du Sahara occidental est complexe et nécessite une solution négociée entre les parties
  1. Contexte historique
  2. Stagnation du processus et recherche d'une solution politique
  3. Le plan d'autonomie du Maroc comme alternative viable
  4. Principales caractéristiques du statut d'autonomie
  5. Réaction du Conseil de sécurité au plan d'autonomie marocain
  6. La dernière résolution du Conseil de sécurité
  7. En quoi consiste le principe de libre détermination des peuples ?
  8. Qui est le peuple sahraoui ?
  9. Le Polisario est-il une organisation démocratique ?
  10. Quelques réflexions finales

Cette analyse part d'une approche essentiellement juridique du différend sahraoui, en gardant à l'esprit que, selon le droit international, le conflit sans fin du Sahara occidental est un processus de décolonisation inachevé qui a commencé après le retrait de l'Espagne du territoire en 1975 et qui persiste depuis un demi-siècle. 

Pendant cette longue période, la population sahraouie a souffert en permanence, son bien-être ayant été relégué au second plan dans le processus de négociation. 

Il convient de noter que l'article 73.1 de la Charte des Nations Unies établit comme « obligation sacrée » la promotion du bien-être des habitants des territoires non autonomes jusqu'à ce qu'ils parviennent à une pleine autonomie. 

Un combattant du Polisario assis sur un rocher dans une base avancée à la périphérie de Tifariti, Sahara Occidental - REUTERS/ ZOHRA BENSEMRA

Contexte historique

Afin de contextualiser les considérations qui suivent, je vais évoquer de manière schématique certains événements d'importance historique et leurs conséquences juridiques. 

En 1884, le protectorat espagnol sur le Sahara occidental a été établi. Un an avant la Conférence de Berlin, au cours de laquelle les grandes puissances européennes se sont réparti l'Afrique. 

En 1958, la province du Sahara espagnol a été créée avec l'intention de l'État espagnol de s'annexer le territoire. 

En 1963, le Sahara occidental a été inscrit sur la liste des territoires non autonomes des Nations Unies (ONU) auxquels s'appliquait la résolution 1514 de l'Assemblée générale (AG) du 14 décembre 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux peuples coloniaux, ce qui impliquait la reconnaissance du droit à la libre détermination du peuple sahraoui. 

En 1970 : Résolution 2625 (XXV) de l'AG qui a établi les principes du droit international concernant les relations d'amitié et de coopération entre les États, y compris le principe de l'égalité des droits et de la libre détermination des peuples. 

L'année 1975 a été une année cruciale : 

L'avis de la Cour de La Haye a été rendu public, rejetant partiellement la demande du Maroc et reconnaissant aux populations sahraouies le droit à l'autodétermination. 

Après la Marche verte, l'Espagne s'est désintéressée du processus après la signature des accords tripartites de Madrid qui cédaient l'administration du Sahara au Maroc et à la Mauritanie, ce qui a déclenché la guerre avec le Polisario. 

En 1979, le Front Polisario a signé un accord de paix avec la Mauritanie. À partir de ce moment, le Maroc a occupé l'ensemble du territoire. 

En 1988, le Maroc et le Polisario ont donné leur accord au plan de règlement proposé par l'intermédiaire de l'Union africaine et de l'ONU, pour la tenue d'un référendum d'autodétermination, par l'intermédiaire de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO). 

En 1991, le déploiement de la MINURSO a coïncidé avec un cessez-le-feu, après 16 ans de guerre. 

J'ai pris la liberté de faire cette brève chronologie pour résumer les événements les plus importants qui ont conduit, dans un premier temps, à inscrire le conflit dans le droit international, sous la supervision des Nations unies. Il est passé d'un conflit armé à un différend juridique qui, selon les accords, devait être résolu par la tenue d'un référendum d'autodétermination, avec l'option de l'indépendance et la participation des résidents sahraouis inclus dans le recensement espagnol de 1974. 

Un soldat du Front Polisario tire une roquette vers le Maroc, près de Mehaires, Sahara occidental, jeudi 14 octobre 2021 - AP/ BERNAT ARMANGUE

Stagnation du processus et recherche d'une solution politique

Je ne vais pas m'étendre sur d'autres événements ultérieurs bien connus, tels que le non-respect des accords de Houston signés en 1997 et les difficultés rencontrées pour établir le recensement des électeurs. Le fait est que le processus a été paralysé et que l'ONU n'avait pas le pouvoir d'imposer une solution, car le différend relevait du Chapitre VI de la Charte, qui habilite uniquement le Conseil de sécurité (CS) à exhorter les parties à parvenir à un règlement pacifique du différend. Il n'a pas été envisagé de l'inscrire dans le chapitre VII, relatif aux éventuelles mesures coercitives à adopter en cas de menace contre la paix ou d'acte d'agression. 

Cette situation de blocage a conduit le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, dans son rapport au Conseil de sécurité du 17 février 2000, à exprimer ses doutes quant à la possibilité et à l'efficacité du référendum, car il n'y avait aucun moyen de contraindre l'une des parties à accepter le résultat. Il a souligné qu'en raison de la paralysie du processus de paix, il était nécessaire d'explorer d'autres alternatives pour parvenir à une solution rapide, durable et convenue. 

À partir de la résolution 1570 (2004) et des suivantes, la mention du référendum est omise et les parties sont invitées à rechercher une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui prévoie la libre détermination du peuple du Sahara occidental, dans le cadre des dispositions de la Charte des Nations Unies. 

Le plan d'autonomie du Maroc comme alternative viable

Face à l'impasse du processus, le roi Mohammed VI a créé en 2006 le Conseil royal consultatif pour les affaires du Sahara (CORCAS), auquel il a confié la mission de présenter une proposition d'autonomie et de développement socio-économique pour le Sahara occidental sous souveraineté marocaine, inspirée du système d'autonomie espagnol. 

En avril 2007, sur la base de l'avis du CORCAS, le Maroc a officiellement présenté au président du Conseil de sécurité son plan d'autonomie pour le Sahara occidental devant les Nations unies, comme base pour que les négociations puissent progresser vers une solution politique. 

Principales caractéristiques du statut d'autonomie

Le plan prévoyait une série de compétences pour la région autonome du Sahara, parmi lesquelles les compétences en matière d'administration locale, de développement économique, de planification régionale, d'investissement, de commerce, d'industrie, de tourisme et d'agriculture. Il serait également chargé de la gestion des infrastructures, de l'eau, de l'électricité, des travaux publics, des transports, ainsi que de la protection de l'environnement et du patrimoine culturel sahraoui, et disposerait des ressources financières nécessaires. 

L'État marocain se réserverait les compétences exclusives en matière de défense nationale et de sécurité extérieure, de politique étrangère, de prérogatives constitutionnelles et religieuses du Roi, de monnaie nationale, de drapeau et d'hymne. 

La région autonome disposerait de ses propres institutions pour exercer et développer ses compétences, par le biais d'un parlement régional, élu au suffrage universel par la population résidente, qui aurait une représentation spécifique des tribus sahraouies. Elle disposerait également d'un gouvernement autonome dirigé par un président, élu par le Parlement national, qui nommerait les membres du gouvernement régional. Il était également prévu de créer des tribunaux régionaux au sein du système judiciaire marocain et une Cour supérieure de justice de la communauté autonome. 

En tant que mécanisme de mise en œuvre, il était prévu que le plan d'autonomie fasse l'objet d'une consultation par référendum de la population sahraouie, afin qu'il soit reconnu comme un mécanisme d'autodétermination dans le cadre de l'ONU, la Constitution marocaine étant ensuite modifiée pour y intégrer le statut d'autonomie. 

Enfin, un processus de transition serait lancé pour assurer aux réfugiés et aux personnes rapatriées une réinsertion complète, avec l'engagement d'appliquer une amnistie générale. Plus tard, en 2015, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) du Maroc a proposé la création d'un fonds interrégional destiné à faciliter le retour et l'intégration des populations sahraouies réfugiées dans les camps de Tindouf, qui n'a pas été constitué. 

L'envoyé de l'ONU pour le Sahara Occidental Staffan de Mistura rencontre des responsables du Front Polisario lors de la visite du camp de réfugiés de Smara à Tindouf, Algérie, 15 janvier 2022 - REUTERS/ RAMZI BOUDINA

Réaction du Conseil de sécurité au plan d'autonomie marocain

En 2007, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1754, qui a marqué un tournant dans l'approche de la résolution du conflit du Sahara occidental. Cette résolution a répondu à la présentation du plan d'autonomie par le Maroc et à une proposition de rejet du Front Polisario. 

Les points clés de cette résolution sont les suivants : a) elle a entraîné un changement de stratégie de l'ONU, en donnant la priorité à la voie négociée et à la recherche d'une solution politique ; b) elle n'imposait pas l'obligation d'un référendum, mais exigeait que le processus reflète la volonté réelle du peuple et c) elle a renforcé la position du Maroc, en considérant le plan d'autonomie comme une proposition sérieuse, réaliste et crédible pour la communauté internationale.

La dernière résolution du Conseil de sécurité

La résolution 2756 (2024) d'octobre 2024 a été adoptée par 12 voix pour. La Russie et le Mozambique se sont abstenus, tandis que l'Algérie, qui siège au Conseil de sécurité en tant que membre non permanent, n'a pas participé au vote pour protester contre l'absence de dispositions relatives à la surveillance des droits de l'homme sur le territoire. 

Cette résolution s'inscrivait dans la lignée des précédentes, en ce sens qu'elle prorogeait d'un an le mandat de la MINURSO, ne mentionnait pas l'obligation de tenir un référendum, réaffirmait la nécessité d'une solution politique mutuellement acceptable, avec réalisme, sans imposer de modèle spécifique et réitérait avec force la demande adressée au Front Polisario de procéder à l'enregistrement des réfugiés dans les camps de Tindouf. 

En quoi consiste le principe de libre détermination des peuples ?

L'article 1.2 de la Charte des Nations unies l'inclut parmi les objectifs des Nations unies de promouvoir entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits et de la libre détermination des peuples. 

La résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale des Nations unies, du 24 octobre 1970, a développé le contenu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes pour décider de leur condition politique, sans ingérence extérieure, afin de mettre fin au colonialisme, en tenant compte de la volonté librement exprimée des peuples. 

Les formes d'exercice du droit à la libre détermination sont les suivantes : l'établissement d'un État souverain et indépendant, la libre association ou intégration à un État indépendant et l'acquisition de toute autre condition politique librement décidée. 

Conseil de sécurité des Nations Unies  - REUTERS/ DAVID DEE DELGADO

Qui est le peuple sahraoui ?

Le peuple sahraoui est le sujet titulaire du droit à l'autodétermination au Sahara occidental, selon l'ONU, la Cour internationale de justice et le processus de décolonisation. 

Par conséquent, il faudrait inclure tous les Sahraouis autochtones, et pas seulement les réfugiés de Tindouf, car la population sahraouie est répartie dans différentes régions en raison du conflit au Sahara occidental. 

Selon les estimations les plus acceptées sur leur répartition : 

1. Camps de Tindouf, Algérie

Nombre de réfugiés : selon le HCR, on estime qu'environ 90 000 Sahraouis résident dans les camps de réfugiés de Tindouf, sur la base d'analyses d'images satellites et d'autres méthodes indirectes, en raison de l'absence de recensement officiel. 

2. Territoires sous contrôle marocain au Sahara occidental

Population sahraouie : on estime qu'entre 90 000 et 120 000 Sahraouis autochtones ou leurs descendants résident dans les zones du Sahara occidental administrées par le Maroc. 

3. Mauritanie

Réfugiés sahraouis : en 2009, on estimait qu'environ 26 000 Sahraouis vivaient en Mauritanie dans des conditions similaires à celles des réfugiés. 

4. Espagne et autres pays

Communauté sahraouie : les estimations se situent entre 3 000 et 12 000 personnes. 

Bien que ces données soient estimatives, on peut admettre comme hypothèse de raisonnement que la population sahraouie approximative dans le monde entier oscille entre 209 000 et 248 000 personnes. Cela signifie que les 90 000 réfugiés de Tindouf représenteraient environ 36 à 43 % de la population sahraouie totale, ce qui implique que la majorité des Sahraouis (plus de 50 %) ne résident pas dans les camps de Tindouf et ne sont pas représentés par le Polisario. 

Le Polisario est-il une organisation démocratique ?

Les élections organisées par le Front Polisario dans les camps de réfugiés de Tindouf ne peuvent être considérées comme pleinement démocratiques au regard du droit international, qui exige le pluralisme politique et le suffrage universel direct. 

Il existe de nombreuses raisons qui limitent leur caractère démocratique, parmi lesquelles on peut citer le fait que le Polisario est la seule organisation politique autorisée, ce qui empêche l'existence d'une opposition formelle ou d'alternatives électorales au sein du système, puisqu'il n'y a pas de concurrence entre différents partis ou candidats ayant des idéologies différentes. 

Par ailleurs, le droit de vote est limité et le suffrage universel direct n'est pas appliqué, dans la mesure où seuls les délégués désignés dans les structures du Polisario peuvent voter, sans que la population générale des camps puisse participer directement à l'élection de la direction politique. En outre, aucun mécanisme de supervision électorale n'a été autorisé par des organisations internationales indépendantes pour garantir la transparence du processus, et des allégations non vérifiées font état d'une répression de la dissidence et d'un manque de liberté d'expression des opinions divergentes dans les camps. 

Par conséquent, la République arabe sahraouie démocratique autoproclamée ne dispose pas d'un système électoral conforme aux normes internationales en matière d'élections libres et équitables, car la structure politique dans les camps est basée sur un modèle de leadership centralisé sans institutions garantissant l'alternance du pouvoir. 

En définitive, les élections au sein du Polisario ont lieu tous les quatre ans, mais elles ne sont pas organisées au suffrage universel ni dans un cadre de pluralisme politique, ce qui limite leur caractère démocratique selon les normes internationales. Par conséquent, le système est conçu pour maintenir le contrôle du Polisario sans concurrence politique, ce qui limite la participation et la représentativité réelle de la population sahraouie réfugiée. 

Quelques réflexions finales

- La solution du conflit doit être orientée vers l'intérêt des Sahraouis, permettant le retour sur leurs terres des réfugiés et exilés qui le souhaitent. 

- L'intérêt prioritaire doit être le bien-être du peuple sahraoui, en assurant un régime d'autonomie dans des conditions respectables. Ce n'est que par une solution politique négociée qu'un paix durable pourra être atteinte. 

- L'option de l'indépendance n'est pas réalisable. 

- Le plan d'autonomie marocain est la seule solution réaliste. Il s'agit d'une proposition ou d'un point de départ ouvert à la négociation et à l'amélioration. 

- La négociation de la proposition marocaine n'implique pas une imposition ou une reddition pour les Sahraouis, mais est le résultat de la lutte légitime d'un peuple noble pour la défense de ses droits. 

- Un statut d'autonomie au sein du Maroc doit garantir les droits politiques, culturels et sociaux des Sahraouis et ne pas être imposé unilatéralement. 

- Bien que le référendum avec l'option de l'indépendance ne soit pas obligatoire, la solution d'autonomie doit refléter véritablement la volonté sahraouie et devrait donc faire l'objet d'une consultation populaire. 

- L'accord doit également garantir la pleine réinsertion des Sahraouis, qui devront bénéficier d'une aide socio-économique et d'un logement leur permettant de commencer une vie digne et dans de bonnes conditions sur leur terre. 

- Plus on tardera à discuter de cette initiative, plus il sera difficile de parvenir à un accord raisonnable pour les intérêts sahraouis, car la position de force du Maroc sera d'autant plus grande et le contexte géopolitique actuel n'est pas du tout favorable. 

- Le sujet titulaire du droit à l'autodétermination est le peuple sahraoui, tandis que le Polisario, bien qu'il soit l'interlocuteur dans le processus de décolonisation sous l'égide des Nations unies, n'est pas une organisation démocratique et ne représente pas la majorité du peuple sahraoui. 

- Le Mouvement sahraoui pour la paix s'est positionné comme une alternative politique au Front Polisario, en promouvant une solution négociée et pacifique au conflit du Sahara occidental. 

Ángel Llorente, magistrat