e-cigarette : 2 anciens cadres critiquent la position de l’OMS

L’Organisation mondiale de la Santé refuse de considérer les cigarettes électroniques comme des outils potentiels de sevrage tabagique. Une position antivape qui lui a été reprochée à diverses reprises, comme lors de la COP8 de 2018, où 70 scientifiques avaient signé une lettre l’incitant à adopter « une approche plus positive à l’égard des nouvelles technologies et des innovations susceptibles de mener plus rapidement à terme l’épidémie de maladies causées par le tabagisme ».
D’autres chercheurs s’en sont pris à l’OMS en 2020 à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, durant laquelle elle avait diffusé une affiche contre la vape mettant en scène une fille de 10 ans. « Pourquoi l’OMS profiterait-elle de la Journée mondiale sans tabac pour cibler l’une des alternatives les plus efficaces et les plus populaires au tabagisme ? », interrogeait l’ex-directeur de l’Action Smoking Health (ASH) Clive Bates.
Début 2021, le Royaume-Uni avait quant à lui menacé l’OMS de lui retirer son financement si elle continuait à s’opposer à la croissance du vapotage dans le monde. En novembre de cette même année, 100 experts avaient adressé un courrier à l’organisme en ouverture de la neuvième édition de la COP9. Les cosignataires dénonçaient le positionnement de l’organisme vis-à-vis de la cigarette électronique, et affirmaient qu’il « tournait le dos à une stratégie de santé publique qui pourrait éviter des millions de décès liés au tabagisme ».
Un mois plus tard, c’était au tour de l’ancien directeur de l’OMS Robert Beaglehole de monter au créneau lors du E-cigarette Summit. Il a souligné l’échec de la stratégie antitabac de l’organisme, qui s’explique par « son objectif irréaliste d’abstinence de nicotine et sa résistance obstinée à l’adoption de produits moins nocifs ».
Robert Beaglehole a récidivé le 1er février aux côtés de Ruth Bonita, une épidémiologiste qui a été à la tête d’un département de l’OMS entre 1999 et 2005. Ils ont publié un article dans la revue scientifique The Lancet soulignant la difficulté à « démontrer une association forte et cohérente entre la mise en œuvre des mesures de la CCLAT (Convention-cadre pour la lutte antitabac) et la prévalence du tabagisme et les résultats de la consommation de cigarettes ».
Selon les deux ex-dirigeants de l’organisme, « il n’y a aucune justification scientifique à la position de l’OMS selon laquelle les cigarettes électroniques et autres nouveaux produits à base de nicotine devraient être traités de la même manière que les produits du tabac ». Ils l’exhortent donc à apporter un soutien technique aux nations qui veulent utiliser la cigarette électronique et d’autres substituts d’administration de nicotine, comme le Snus (petit sachet de poudre de tabac humide à mettre entre la gencive et la lèvre supérieure), le tabac chauffé ou encore les sachets de nicotine.
Robert Beaglehole et Ruth Bonita rappellent que le taux de prévalence tabagique a chuté de 49% en Nouvelle-Zélande depuis 2015, date à laquelle le pays a déployé une politique pro-vapotage. Ils informent également que la Suède compte le moins de fumeurs dans le monde grâce au Snus. Le souhait de l’OMS de traiter ces produits de la même façon que les cigarettes traditionnelles représenterait donc « un pas en arrière qui favoriserait en fin de compte le marché mondial et la cigarette et pourrait décourager le vapotage ».
« L’accent doit être mis sur le problème central de santé publique, à savoir les effets néfastes du tabagisme sur la santé », concluent Robert Beaglehole et Ruth Bonita.